Images de page
PDF
ePub

PREFACE

DES

EDITEURS.

N

Ous croyons que cette édition, corrigée & augmentée, fera favorablement reçue. L'Auteur a joint à la communication qu'il a bien voulu nous donner de tous fes ouvrages, le foin de les revoir tous avec exactitude, & d'y faire des additions très-confidérables, furtout dans l'Hiftoire générale.

On trouvera même quelques morceaux nouveaux dans la Henriade, ouvrage qui devient de jour en jour plus cher à la France, ainfi que le Héros qui fait le fujet du poëme.

Les piéces de théâtre ont été fouvent imprimées avec des leçons différentes. La raison principale en eft, que l'Auteur n'étant jamais content de lui-même changeait à chaque édition quelque chofe à ces piéces. Nous avons raffemblé les différentes manières autant que nous l'avons pû, & nous les avons mifes à la fuite de l'ouvrage.

Quant aux Mélanges de Philofophie & de Littérature, ce fera toujours un objet de

la curiofité des lecteurs, de voir quels progrès a fait l'efprit humain dans le tems où 'Auteur écrivait. On connoiffait à peine les découvertes de Newton en France, quand Mr. de V*** donna fes Elémens de Philofophie. Locke était ignoré de la plupart des Littérateurs, & furtout des Univerfités. Notre Auteur fit connaître Milton, dont il traduifit plufieurs endroits en vers, avant qu'on en donnât une traduction en profe; il fut même le premier qui parla de l'inoculation de la petite vérole.

Mille connaiffances devenues aujourd'hui familières, étaient le partage d'un très-petit nombre de favans, qui ne fe donnaient pas la peine de les rendre publiques, ou qui ne l'ofaient pas. Le Théâtre, furtout, était prefque toujours fans pompe, fans appareil. On y voyait rarement de ces grands coups qui frappent les yeux en remuant le cœur. Les tragedies étaient (fi on excepte Athalie tirée de l'ancien Teftament) un tiffu de converfations amoureuses mêlées avec quelques intérêts d'Etat. Il fut le premier qui fit des tragédies profanes fans amour, comme Mérope, Orefte, la Mort de Céfar. Ce fut une entreprife par laquelle il détruifit le préjugé où l'on était en France, que l'amour devait être le premier mobile de la Tragédie.

Il traita l'Hiftoire dans un goût nouveau; elle n'était auparavant qu'une fuite d'événe

mens, il en fit l'hiftoire de l'efprit humain, & l'écrivit en Philofophe. Les Fables que tant d'écrivains copiaient de fiècle en fiècle ne furent point ménagées par lui; il devint utile aux hommes par une fage hardieffe,&ne fut jamais découragé par les cris de ceux qui croyaient les anciennes erreurs refpectables,

Le lecteur trouvera dans ce Recueil tous les genres de Littérature. On ne s'étonnera pas qu'un homme qui a couru tant de carrières, & qui avait prefque toujours un caractère de nouveauté, ait été expofé à l'envie & à la perfécution; il le fait affez entendre dans plufieurs de fes piéces fugitives que nous avons recueillies.

On a pouffé le ridicule de la calomnie jufqu'à dire qu'il avait fait fa fortune par fes ouvrages, quoiqu'affurément ce ne foit pas le chemin de la fortune. Il y a bien peu de fes piéces de théâtre qu'on n'ait effaye de faire tomber aux premières représentations. Les louanges qu'il donna au fage Locke aigrirent contre lui les fanatiques. Il prit le parti de quitter Paris, qu'il regardait comme un féjour charmant pour ceux qui fe contentent des douceurs de la focieté, & fouvent trèsdangereux pour ceux qui aiment la vérité, & qui cultivent les Arts. Il a vécu longtems dans la retraîte; c'est là que nous l'avons connu, & qu'il nous a confié les ouvrages que nous préfentons aux amateurs.

PREFACE

DES

EDITEURS

qui était au devant de la première édition de Genève.

ON ne ceffe depuis quarante ans d'imprimer

& de défigurer les ouvrages de Monfieur de Voltaire. Plus le Public a montré de goût pour tout ce qui eft forti de la plume de cet homme célèbre, & plus il a dû fe révolter contre cette foule d'éditions fautives & incomplètes, faites contre le gré ou fans l'aveu de l'Auteur. Il était tems enfin d'en préfenter une que Monfieur de Voltaire reconnût autentiquement pour le Recueil complet de fes véritables ouvrages.

En 1754. époque heureufe de la connaiffance que nous eumes l'honneur de lier avec lui, nous primes la liberté de lui représenter qu'il devait aux hommes fenfés de toutes les nations, une édition qu'ils puffent acquérir avec confiance; & nous ne lui diffimulames point combien nous ferions flattés d'être chargés de fon exécution. Monfieur de Voltaire, auffi mécontent que le Public de tant d'éditions infidèles ou groffiérement rédigées, fit céder fa répugnance à publier le corps de fes ouvrages, à la néceffité de réformer ceux qui avaient paru fous fon nom. Il nous envoya bientôt après, & de la manière la plus obligeante, fes corrections & fes manufcrits. Il fit plus ; il vou

lut en diriger lui-même l'impreffion. Cette complaifance, fi avantageufe à notre édition, en a retardé le progrès; nous n'avons voulu mettre l'ouvrage fous preffe, que lorfqu'il pourroit paffer fous les yeux de fon illuftre auteur: nous avons attendu fon arrivée dans cette République, qu'il fait jouir de fes lumières & de fon génie, & où il jouït à fon tour des hommages, que toutes les nations, qui ne font pas barbares, doivent aux talens extraordinaires.

Notre édition n'a donc été différée que pour qu'elle devint plus digne du Public éclairé. I y trouvera la Henriade telle que Monfieur de Voltaire l'a terminée; il y a de très grandes différences entre toutes les autres éditions de ce Poëme, & celle qu'on donne aujourd'hui: la fin du cinquième chant eft toute nouvelle; les remarques font augmentées, & mifes dans un nouvel ordre.

Les piéces de théâtre font en plus grand nombre; & il y a de grands changemens dans toutes celles qu'on repréfente à Paris & ailleurs.

Toutes les petites piéces fugitives font cor. rectes; & l'on y en a ajouté plufieurs qui ne font dans aucune édition précédente.

Les Mélanges d'Hiftoire, de Littérature de Philofophie, qu'on trouve dans ce Recueil, font plus amples de moitié que ceux qui avaient paru jufqu'ici. Voici la défignation d'une partie des chapitres que l'on ne connaiffait pas.

L'Examen des Langues, Les Embelliffemens de Cachemire; Les Voyages de Scarmentado; Fufqu'à quel point on peut tromper le peuple; Les deux Confolés, Si les Sciences ont nui aux mœurs; Sur l'Ame; Du Poëme fingulier d'Hudibras; Des Monnoyes; Dialogues entre

1

« PrécédentContinuer »