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Il eft très-facile d'empêcher que les ancres foient tarrées de ces deux défauts dans cette partie effentielle; il fuffit pour leur donner ce point de perfection, de ne pas percer à chaud l'œil de l'organeau, mais à froid, avec un foret ou une fraife. On peut ajufter l'un ou l'autre de ces outils au bout du tourillon d'une roue quelconque, foit celle des foufflets, le foit des marteaux ou de toute autre machine, par moyen d'une mouffle ou d'un manchon ; & quand même on feroit obligé de monter un foret exprès pour cette opération, cela n'occafionnera jamais une dépense affez confidérable pour faire négliger d'adopter cet ufage.

L'on obfervera en finiffant de forer l'œil de l'orga neau, de l'évafer au dehors des deux côtés, fur la cour bure de l'arc que doit décrire la portion de l'organeau qui doit s'y appliquer, afin qu'il le touche dans toute fon étendue & pas feulement fur les angles extérieurs, ce qui feroit fujet à corrompre l'organeau.

Il fera facile de former des forets pour percer & calibrer cette ouverture, en perçant & contre-perçant avec des forets coniques.

J'ai dit plus haut, que les pattes des ancres ne font jamais foudées dans toute l'étendue du bras, fur laquelle elles font appliquées; elles le font au plus vers le bec, & de huit à dix pouces dans l'autre partie du côté des oreilles; enforte qu'il refte fouvent dixhuit à vingt pouces & plus de la longeur du bras, fur lefquels ces pattes font feulement appuyées & non foudées ; ce qui fait que lorfqu'une ancre heurte avec violence contre des rochers, il arrive qu'une partie de la patte qui préfente le plus d'oppofition, fe détache du bras, & met une ancre hors de fervice, furtout pour les fonds vafeux & fabloneux.

Il eft donc très-effentiel de prendre des précautions pour compléter la foudure des pattes des ancres fur

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toute leur étendue ; ou du moins de l'affermir affez. folidement pour que l'on puiffe ne pas craindre que les pattes ne fe détachent d'après les bras.

L'on pourroit y employer deux moyens.

Le premier que je préférerois, feroit lorsque la première foudure feroit faite, tant au bec que du côté des oreilles, de brafer en cuivre le surplus qui ne feroit pas foudé.

Le fecond moyen a été propofé par MM. Duhamel & de Réaumur, qui ont indiqué de faire des trous de foret, tant dans les pattes que dans les bras de l'ancre, & d'y river des boulons à froid. Je pense au contraire, qu'il faut que ces boulons foient placés chauds, que leur tête foit noyée & foudée dans le bras de l'ancre, ainfi que l'autre bout dans la patte, afin d'éviter toute ouverture qui donneroit une iffue à l'eau de la mer, laquelle attaque & détruit en peu de tems les ferre mens qui y font exposés ; & fon effet eft d'autant plus rapide qu'elle contient plus de fel marin à base terreufe, fuivant les différens parages; c'eft pourquoi il faut éviter avec le plus grand foin, de donner iffue à l'eau de la mer, dans l'intérieur des pièces de fer qui doivent y être expofées : ce que l'on évitera en foudant à chaud des boulons dans les pattes des ancres & en les brafant.

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EXTRAIT

Des Regiftres de l'Académie Royale des Sciences, du 24 janvier 1781.

Nous avons été chargés par l'Académie, M. Duhamel,

M. le Roi & moi, d'examiner des moyens de perfectionner le travail des ancres de marine, proposés par M. Grignon.

Les ancres des vaiffeaux font de groffes pièces de fer qui doivent être propres à réfifter aux plus grands efforts. On ne peut les faire de fer fondu, qui, en général, eft aigre & caffant.

On a cru mieux réuffir en y employant des loupes ou des mifes de fer forgé qu'on foudoit les unes fur les autres; mais comme une foudure ne peut être bonne, que les deux morceaux ne foient également chauffés au blanc, ou prêts d'entrer en fufion; il feroit néceffaire de chauffer autant le corps de l'ancre que la mife, ce qui feroit très-difficile & peut-être même impoffible.

On s'eft donc apperçu que ces foudures étoient imparfaites, & on a préféré de faire les ancres avec des barreaux de fer forgé dont on forme des faisceaux qu'on lie avec des frettes de fer, & après leur avoir donné une bonne chaude, on les paffe fous de gros marteaux pour les fouder les uns avec les autres. Cette pratique eft préférable à celle des mifes; cependant M. Grignon a remarqué que les barreaux qui font au centre du corps de l'ancre ne fe foudoient point les uns avec les autres; & M. Duhamel a fait des expériences qui confirment cette remarque judicieuse.

Pour remédier à cet inconvénient, M. Grignon propose de faire d'abord un faifceau de barreaux de fer forgé qui foit environ du tiers de la groffeur du corps de l'ancre de fouder ensemble ces barreaux, ce qui paroît praticable, parce que le faisceau ne fera pas extrêmement gros. Il veut enfuite qu'on recouvre ce gros barreau par d'autres barreaux de fer forgé qu'on retiendra avec des frettes à peu près comme on le pratique pour les ancres qui font entièrement formées de barreaux de fer. On finira par fou

der cetre enveloppe de petits barreaux, au gros qui est au centre, ce qui paroît difficile à exécuter.

En effet, ne pourroit-on pas objecter contre cette nouvelle méthode les mêmes chofes qui ont fait profcrire l'ufage des mifes; & dire qu'une bonne foudure exigeant que les barreaux foient chauffés prefque à fondre & tous également, il eft à craindre que le gros du milieu qui fera recouvert par d'autres, n'ait bien de la peine à prendre un degré de chaleur convenable?

Nous devons au moins nous réduire à ne rien décider fur les avantages de la nouvelle méthode, & attendre qu'il foit fait des expériences en grand, qui puiffent nous convaincre que les barreaux additionnels fe foudent parfaitement avec celui du centre.

M. Grignon paffe enfuite à la manière de former l'œil du quarré de la tige qui doit recevoir l'organeau. Ce qu'il dit des inconvénients qu'il peut y avoir à percer ce trou avec un poinçon, nous paroît affez exact; néanmoins il feroit bon de s'affurer, fi dans le fervice il arrive souvent que les ancres rompent à cet endroit. L'auteur propofe de le percer avec le foret ou la fraife. Mais il femble que cette opération feroit bien longue & bien couteufe; deplus feroit-il bien aifé de donner à ce trou, par le feul foret, une courbure analogue à celle de l'organeau ? & s'il falloit avoir recours à la lime, ne feroit-ce pas encore une augmentation de dépense?

A l'égard de l'union des pattes des ancres au bras, nous croyons qu'il feroit poffible de faire la foudure plus exactement; & il n'eft pas douteux que fi l'on a recours à des bouts rivés, il ne faille, comme le dit M. Grignon, les appliquer à chaud: mais nous ne pouvons pas adopter la brâfure en cuivre, qui nous paroît fujette à bien des inconvénients.

Nous terminerons ce rapport par exhorter M. Grignon à faire les expériences que nous avons indiquées. En attendant, l'Académie ne peut que louer fon zèle, fans porter cependant aucun jugement définitif fur le Mémoire dont nousvenons de rendre compte.

Au Louvre, ce 24 janvier 1781.

Signé, DUHAMEL, LE ROI & COUSIN.

Je certifie le préfent extrait conforme à l'original & au jugement de l'Académie, ce 24 janvier 1781.

Signé, LE MARQUIS DE CONDORCET,

OBSERVATIO N.

Nour refpectons infiniment les obfervations de MM. les Commiffaires de l'Académie; mais nous affurons le fuccès des opérations que nous confeillons: elles font fondées fur une longue pratique dans ce genre ; & en adoptant le confeil fage de l'Académie nous nous foumettons à faire des expériences démonftratives, lorfque le Ministère nous l'ordonnera & qu'il nous en fournira les moyens. Ces opérations ne peuvent le faire que dans les forges du Roi, dont les ateliers font montés pour ce genre de travail.

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