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Ces enregistrements, accomplis avec la réserve dont on vient de voir les motifs, atteignent encore un chiffre assez élevé, puisque, dans le dénombrement des femmes inscrites de la capitale, les filles mineures figurent pour 100 environ.

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SOMMAIRE. cipaux.

infirmes.

Cynisme.

Hystérie.

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Découragement.

ou résignés. La prostitution prise comme métier temporaire. Fille vierge. Défaillance. Ambition malsaine. Indignité du père et de la mère. Situation sans

-

Cupidité. Superstition.

Délicatesse.

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La comédie et le drame,

Au point où j'en suis de ce rapide examen des mesures de tous genres dont la prostitution est l'objet, des distinctions nombreuses qu'il importe d'établir entre les différentes catégories de femmes de débauche, et des difficultés qui résultent des conditions d'âge, de famille, de sentiments, spéciales à chacune des prostituées à l'égard desquelles il faut prendre une résolution souvent décisive et qui pèsera sur leur vie entière, j'ai l'impression que les indications générales, que je me suis appliqué à donner sur ces différents points, ne suffisent pas pour faire entrevoir, d'une manière saisissante, les abjections et les misères sur lesquelles doit s'exercer la pratique administrative de tous les jours.

Pour bien juger la prostitution dans ses causes

et dans sa physionomie, il faudrait la voir et l'entendre, et, pour me servir d'une phrase de M. Taine, « entrer dans la fange lugubre où bâtit Shakspeare. >>

Lorsqu'on est en face de ces misères sociales, dans des conjonctures où il n'entre rien d'affecté, où le désespoir et l'indifférence nonchalante ou cynique se montrent également d'une crudité vraie à effaroucher même les maîtres en réalisme, on se sent impuissant à les exposer et à les décrire. Il y a des paroles que des équivalents affaiblissent jusqu'à la nullité. J'essayerai cependant.

Il est facile de poser ce principe que, pour garantir la santé publique, et par ces considérations d'intérêt général qui dominent l'intérêt privé, toute fille arrêtée pour fait de débauche et dépourvue de moyens d'existence doit être inscrite sur les contrôles de la prostitution.

Mais si, passant de la théorie à l'exécution, on étudie de près cette foule de filles déchues et l'on en écoute parler quelques-unes prises au hasard, on se sent ému de pitié, et la tâche répressive apparaît sous un autre jour, et avec des responsabilités qu'on ne soupçonnait pas.

Voici ce qu'on entend ; je le reproduis textuelle

ment:

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<< Mon père est un brave ouvrier... Je me suis sauvée de chez nous pour suivre un jeune homme.. Nous avons vécu ensemble pendant deux ans..

il est soldat... je suis allée de droite et de gauche... j'ai fait une bêtise; j'ai voulu me tuer et je me suis manquée... j'ai travaillé, je ne veux plus le faire... j'ai couché sur de la paille chez des camarades, puis je n'ai plus eu d'asile... j'ai connu des hommes, ils sont tous les mêmes; ils vous traitent bien dans les commencements, ensuite ils vous font des misères... je ne veux pas être domestique... je veux être tranquille... je demande ma carte, je ne m'occuperai plus de rien du tout... j'ai bien réfléchi... c'est mon idée. »

Ces paroles, dont on ne peut, à la lecture, mesurer l'amertume, n'ont rien d'exceptionnel; elles montrent seulement les phases d'existence de tout un groupe de femmes. Questionnons un autre groupe. Que dit cette fille?

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« Je suis tisseuse, orpheline... je travaillais à ***, avec ma jeune sœur... l'ouvrage a manqué, j'ai mis ina sœur au couvent et je suis venue à Paris... c'était ma mère qui tenait le ménage et préparait les repas; moi, j'ai été élevée comme ouvrière de fabrique, je ne pourrais pas me placer comme domestique... j'ai travaillé ici... j'ai fait des connaissances... j'ai fini par me livrer à la débauche... je n'ai pas d'espoir de retrouver du travail, je sais qu'il n'y en a pas dans mon pays... je demande mon inscription. >>>

C'est là un découragement qui n'est pas incurable et qu'un peu d'appui et de bonnes paroles peu

vent dissiper. On essayera. Mais, dans la grande foule des découragées, que d'inerties sans ressources!

Il y a des quasi-infirmes, des filles rachitiques, presque grotesques, faibles d'intelligence, dont la débauche brutale a abusé, comme elle le fait des idiotes, et qu'elle a laissées ensuite. On ne peut rien tirer de ces pauvres êtres si ce n'est qu'elles veulent être libres. La misère ne les effraye pas parce qu'elles ont la mendicité, et le libertinage répugnant qui les attend ne leur inspire aucune crainte.

Que faire de ces femmes vouées au vagabondage pour lesquelles l'inscription ne serait qu'une formalité et un chiffre de statistique ? Il faut s'ingénier et pourvoir.

D'autres espèces, qui sont nombreuses, résultent de la déchéance produite par le chagrin et l'alcoolisme. Pour toutes ce sont à peu près les mêmes dires:

..... « Cet homme, pour lequel j'avais été si dévouée, m'abandonna il y a deux ans... ma pauvre tète se perdit... je vendis tout ce que j'avais et, trop fière pour montrer ma misère, je changeai de quartier... ma pensée me tuait... j'ai pris l'habitude de boire de l'absinthe... je suis tombée dans le désordre... que voulez-vous que je devienne?.. inscrivez-moi. >>

Il y a quelque chose de plus attristant que ces

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