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quat de Ravenne. Il se relève un instant sous Héraclius; mais déjà surgit à ses côtés une puissance formidable dont les efforts devaient l'anéantir après une lutte de plusieurs siècles. Mahomet prêche une loi nouvelle; les Arabes s'élancent de leur désert, envahissent une partie de l'Asie, l'Egypte, l'Afrique septentrionale, passent comme un torrent sur l'Espagne, et débordent enfin dans la Gaule que semblait leur livrer l'insouciante apathie des rois fainéans. Charles, maire du palais, déjà célèbre par plusieurs victoires contre des peuplades germaines, repousse l'invasion arabe; mais les Sarrasins s'établissent en Espagne, où Abdérame, échappé au massacre des Omniades, fonde le califat de Cordoue. Cependant une révolution s'opérait en France; les maires du palais étaient depuis long-tems rois par le fait. Pepin, le dernier d'entr'eux, obtint la couronne et fut sacré par le légat Boniface. Son règne fut rempli par une multitude de guerres contre les tribus insoumises de la Germanie et contre les rois de Lombardie qui voulaient s'emparer de Ravenne au préjudice de l'empire d'Orient, dont les papes défendaient fidèlement les intérêts. Charlemagne hérita de ces guerres qui occupèrent toujours, sans jamais l'abattre, sa prodigieuse activité. La noble protection qu'il accorda à l'Eglise lui valut le titre d'empereur d'Occident, qui lui fut décerné par le suffrage du peuple de Rome assemblé, le 25 décembre de l'an 800, dans la vaste basilique de Saint-Pierre.

Ce n'est là qu'un aperçu rapide et nécessairement incomplet des événemens politiques pendant la première période du moyen-âge. A cette histoire se rattache encore celle de l'administration intérieure des Etats, celle de la législation; enfin, celle des lettres et des arts. Le Code Théodosien, le Code Jus- ́ tinien, le Digeste, les Institutes, les Lois des Visigots, des Francs-Saliens, des Ripuaires, des Bourgignons, sont autant de monumens dont M. Moeller ne devait pas manquer de signaler l'origine. Il a réuni, dans un seul paragraphe, à la fin du volume, tous les renseignemens relatifs à l'état des sciences et des lettres dans l'empire de Charlemagne.

Une partie de l'histoire que M. Moeller s'est attaché à traiter avec un soin tout particulier, est celle qui retrace les progrès du Catholicisme pendant cette longue période, et l'influence

guerres

qu'il exerçait sur la constitution des nouveaux. Etats Les continuelles, qui désolèrent à cette époque toutes les contrées du monde connu ne furent pas un obstacle à la propagation de la foi chrétienne. Partout où les anciens habitans d'un pays catholique tombaient sous le joug de conquérans catholiques eux-mêmes, la fusion entre les vainqueurs et les vaincus s'opérait rapidement, par la seule force de la sublime morale qui était commune aux deux peuples. Des effets si sensibles de l'influence religieuse étaient un puissant encouragement pour les tribus barbares qui n'avaient point encore embrassé la doctrine du Christ. Aussi de rapides succès couronnèrent-ils les efforts des missionnaires qui allèrent prêcher la foi en Angleterre et parmi les tribus les plus sauvages de la Germanie. Lorsque Léon III posa sur la tête de Charlemagne la couronne impériale, il n'y avait pas une seule province de son empire où le Christianisme n'eût des autels et des pasteurs.

Il est maintenant aisé de voir quelle masse de matériaux a dû réunir M. Moeller pour écrire seulement son premier volume. Mais ce n'était pas encore là le travail le plus épineux. Les faits une fois rassemblés, il fallait faire un choix, vérifier la date et l'enchaînement de ceux qui devaient entrer dans la composition de l'ouvrage, les classer ensuite avec méthode, former enfin de la combinaison de tant d'élémens divers, un tout complet, et assez bien ordonné dans ses différentes parties, pour que chacune d'elles se liât naturellement aux autres. M. Moeller nous semble avoir heureusement surmonté toutes ces difficultés. Il a divisé son sujet en six chapitres, où il traite successivement la formation des royaumes germains et la fin des migrations, la naissance de la république chrétienne en Europe, l'histoire de l'Orient et la fondation de la société musulmane par Mahomet; l'histoire de l'Occident et de l'Orient, jusqu'à la grande victoire de Charles Martel sur les Arabes; l'histoire des mêmes contrées depuis Charles Martel jusqu'à l'avènement de Charlemagne au trône; enfin, la fondation de l'empire germano-chrétien par Charlemagne. Chacun de ces chapitres contient plusieurs paragraphes, où l'histoire de chaque Etat en particulier est traitée par rapport au sujet général du chapitre. Un critique sévère se croirait peut-être en

droit d'exiger une méthode plus rigoureuse. Nous sommes obligé de convenir que le sujet de certains paragraphes ne se rattache pas trop directement au titre du chapitre dont il fait partie. Mais ce défaut ne produit aucune confusion, et l'historien nous fait passer continuellement d'un peuple à un autre, sans qu'on s'aperçoive parfois que la scène a changé. Cela tient à l'à-propos avec lequel le sujet est coupé, et aux courtes transitions qui, jointes aux divisions systématiques, lient entre eux les chapitres et les paragraphes.

En tête de chaque paragraphe, deux chiffres, séparés par un trait, indiquent l'étendue de la période de tems qu'il embrasse. Vient ensuite une liste des auteurs anciens et modernes que l'on doit consulter, pour les faits compris dans chaque division. M. Moeller indique non-seulement l'ouvrage à consulter, mais encore le livre et le chapitre de cet ouvrage, qui renferment les documens relatifs à la portion de l'histoire qu'il va traiter. Indépendamment de ces indications générales, il n'y a pas un seul fait, un peu important, dont la date ne soit marquée à la marge, et pour lequel l'auteur ne cite, avec précision, ses autorités par des notes au bas des pages.

Telle est ce que nous appellerions volontiers la partie matérielle du travail, partie qui n'est pas la moins importante; car de la manière dont elle est traitée dépend souvent le plus ou moins de fruit qu'on retire de la lecture de l'histoire. Quant aux principes et aux opinions de l'historien, chrétien avant tout, M. Moeller signale l'action divine et l'influence religieuse partout où elles se rencontrent. Cet esprit, malheureusement trop peu commun parmi les écrivains modernes, n'a pas égaré l'impartialité du savant professeur. Il ne cherche pas à déguiser des vérités dont l'énonciation doit coûter beaucoup à son amour pour la religion. Ainsi la corruption du clergé, en Gaule, sous la première race, est exposée avec autant de franchise que les progrès de la Société catholique, sous le pape Saint-Grégoire I“. Cependant, M. Moeller nous semble être en contradiction, avec les faits, sur un point assez important. « C'est bien à tort, dit-il, >>> que quelques auteurs modernes ont soutenu que Charlemagne >> avait forcé les Saxons, par les armes, à embrasser le Christia»nisme. La teneur des traités de paix conclus à la fin de cha

sque campagne, prouve le contraire. » En accordant la paix aux Saxons, Charlemagne ne leur imposait point, il est vrai, l'obligation expresse d'embrasser la doctrine de Jésus-Christ. Mais il n'en est pas moins vrai que la conversion de ces tribus germaines fut le résultat des expéditions de Charlemagne, et la certitude de cette proposition suffirait pour justifier les auteurs que M. Moeller accuse de s'être trompés. Mais il y a plus; car, en faisant la guerre aux Saxons, l'empereur franc avait pour but principal la conversion de ces barbares. Son premier soin, après la victoire, était d'anéantir leurs idoles. Lorsqu'ils demandaient la paix, on exigeait d'eux, comme une condition expresse, liberté et sécurité pour les missionnaires catholiques, et le premier acte d'hostilité de ces peuplades turbulentes, lorsqu'elles se révoltaient, était l'expulsion de ces mêmes missionnaires et la destruction des églises. Au contraire, les Saxons se soumettaient-ils, leur premier acte de soumission était la réception du baptême. C'est ainsi que leur célèbre chef Wittikind témoigna qu'il s'avouait vaincu, et, après sa conversion, le culte payen fut interdit sous peine de mort.

Du reste, ce point d'histoire est le seul, à notre avis, dans lequel M. Moeller ait un peu trop cédé à l'influence de son zèle religieux. Mahomet, lui-même, est jugé par lui avec moins de sévérité qu'on aurait pu le croire. M. Moeller pense, et nous partageons son opinion, que, frappé de la nécessité de purifier le culte de ses compatriotes, le réformateur de l'Orient crut de bonne foi à sa divine mission, jusqu'à ce que reçu comme souverain à Médine, il se laissa égarer par l'ambition, et supposa, dans l'intérêt de sa doctrine, une foule de prodiges dont il connaissait trèsbien la fausseté. L'élévation rapide du prophète, les progrès, non moins rapides, de ses nouveaux préceptes, les conquètes d'Omar et de ses descendans, forment, sans contredit, avec l'histoire de Charlemagne, les parties les plus intéressantes du volume que · nous analysons. L'auteur, et ce que nous disons ici doit s'entendre de tout l'ouvrage, l'auteur a choisi, pour sa narration, la méthode la plus simple et la plus naturelle. Il raconte les faits dans leur ordre chronologique, sans réflexions ni commentaires. C'est la place même que chaque fait occupe, par rapport aux autres, qui fait sentir sans effort la liaison des événemens.

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Cette méthode n'exclut pas, comme on pourrait le croire, les rapprochemens ingénieux; nous en donnerons un exemple. Les serfs, sous la première race, se divisaient en trois classes, les esclaves proprement dits, les colons et les ministeriales, ou esclaves domestiques. Le premier des ministeriales du roi était le majordome, ou maire du palais. Il avait, dit l'auteur, la di»rection suprême de la maison royale, ainsi que des domaines >> royaux ; mais il appartenait lui-même à la classe des serfs do» mestiques. En cas de guerre, il commandait les ministériales du roi. Lorsque les souverains commencèrent à donner des terres » en fiefs à leurs leudes, le maire du palais entra nécessairement >> en relation avec ces derniers, et, bien souvent, c'était lui qui » réglait les inféodations. Par degrés, la plupart des seigneurs » devinrent vassaux du roi, en acceptant des fiefs, et alors l'in» fluence du maire du palais s'étendit tellement que les plus » grands seigneurs aspirèrent à cette charge. Bientôt elle leur fut réservée et le maire du palais déjà puissant, par son in»fluence personnelle, le devint bien davantage, à l'aide d'une » dignité dont les attributions s'étendirent beaucoup pendant les >> nombreuses minorités des Mérovingiens. Alors, c'étaient les » maires du palais qui disposaient des fiefs, et ils parvinrent aisément à se créer, par ce moyen, un parti parmi les grands. . Ceux-ci, de leur côté, étaient directement intéressés dans le > choix du maire du palais, et, après y avoir concouru, ils fini» rent par rendre cette charge élective. A partir de ce moment, » les suffrages de la noblesse se fixèrent presque toujours sur un » membre de la famille du dernier maire, afin de s'assurer la > conservation des bénéfices qu'il leur avait accordés, et la pre» mière dignité du royaume devint héréditaire, par cela même » qu'elle était élective. La force même des choses jeta ainsi le pouvoir suprême entre les mains des maires du palais, et l'y » rendit héréditaire. »

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Cette citation fera connaître mieux que tous nos discours les avantages de la méthode de M. Moeller. En groupant ainsi quelques faits, appuyés toujours sur des autorités contemporaines que nous nous sommes abstenu de citer, il fait passer sous nos yeux la dignité la plus éminente de notre monarchie primitive, dans toutes ses transitions et ses vicissitudes, depuis son

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