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cés par tous les rois et tous les souverains; mais encore que ces derniers reconnaissaient positivement ces priviléges des pontifes romains. Nous avons traité fort au long cette question dans l'article où nous avons rendu compte de l'ouvrage de M. Michelet sur l'Histoire de France; nous nous bornerons donc à citer les passages où M. Jager a prouvé que ce que l'on appelle les prétentions de la cour de Rome, faisait pourtant partie du droit public de l'Allemagne; voici ce passage remarquable :

« Eichhorn, le savant et renommé protestant Eichhorn, résume à peu près en ces termes le système du droit public de l'Allemagne au moyen-âge : « La chrétienté, qui, d'après la » destination divine de l'Eglise, embrasse tous les peuples de la » terre, forme un tout dont le bien-être est à la garde du pouvoir » que Dieu lui-même a donné à certaines personnes. Le pouvoir » est de deux sortes, le spirituel et le temporel. L'un et l'autre » est confié au pape; c'est de lui que l'empereur, en qualité de » chef visible de la chrétienté pour les affaires du siècle, et que >> tous les princes en général, tiennent le pouvoir temporel. Les >> deux pouvoirs doivent se prêter un mutuel appui. Tout pou> voir vient donc de Dieu, vu que l'état est d'institution divine. Mais le pouvoir spirituel n'appartient qu'au pape seul, » qui en communique une partie aux évêques, comme à ses >> aides (adjutores), pour l'exercer sous lui 1. »

Les preuves de ces assertions se trouvent dans le droit public de l'époque. Car voici comme s'exprime le droit Saxon, qui était d'un usage général dans l'empire germanique : « Dieu » a laissé deux épées sur la terre pour protéger la chrétienté; au >> pape l'épée spirituelle, à l'empereur l'épée temporelle. Il est » aussi permis au pape de monter, à un tems déterminé, sur un » cheval blanc, et l'empereur doit lui tenir l'étrier, afin que la selle ne bouge pas. Cela signifie que quand on résiste au pape avec une opiniâtreté qu'il ne peut vaincre par la puissance > spirituelle, l'empereur doit contraindre à l'obéissance par la > puissance séculière; de même la puissance spirituelle doit » prêter assistance au pouvoir séculier, lorsque cela est néces> saire *. »

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1 Eichhorn, Histoire d'Allemagne, tom. 1, p. 358.

2 Tvei svert lit got in ertrike to beseermene de Krstenheit, deme Pavese

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Le droit de Souabe explique cet article de la manière suivante: Dieu, qui est appelé le prince de la paix, a laissé, en »montant au ciel, deux épées sur la terre. Ces deux épées, Dieu les confia à Saint-Pierre l'une pour la justice temporelle, l'autre pour la justice spirituelle. Pour l'épée, temporelle, le pape la confie à l'empereur 1. » La glose du droit saxon donne à ce passage la même explication '.

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D'après le même droit saxon 3, on ne pouvait élire ni empereur ni roi celui que le pape aurait justement banni. L'empereur élu n'obtenait le pouvoir et le titre impérial qu'après avoir été sacré par le pape; et lorsqu'il allait à Rome pour y être sacré, il devait être accompagné des six premiers électeurs qui rendaient compte de la régularité de son élection.

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>> Le même code réservait au pape, mais au pape seul, le droit d'excommunier l'empereur, et cela pour trois causes : 1o lorsqu'il déviait de la vraie foi; 2° qu'il répudiait sa légitime épouse; 3° qu'il ruinait les églises ou troublait le culte divin 6. Or, pour comprendre toute l'étendue de ce pouvoir, il faut savoir que,

is ok gesat to ridene to bescedener tiet up eneme blanken perde unde de keiser sal ime den stegerip halden dur dat de sadel nicht ne winde. Dit is de beteknisse, svat deme pavese widersta, dat he mit geistlikeme rechte nicht gedvingen ne mach, dat it de keiser mit wertlikem recthte dvinge deme pavese gehorsam to wesene. So sol ok de geistlike gewalt helpen deme wertliken rechte, of it is bedarf. (Sâchs. Landrecht., liv. 1, art. 1, dans Eichhorn, t. I, p. 358.)

1 Seid nun got des frides fûrst ye heisset so liess er zwey Schwert auff ertreich do er zu himel fûr zu schirm der cristenheyt dye bevalch got sant Peter beyde eines von weltlichem gericht. Das andere von geystlichem gericht. Das weltlich swert des gerichts das leyhet der bapst dem kaiser. (Prolog., édition Senkenberg, p. 6; dans Eichhorn, t. 11, p. 360.)

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Eichhorn, ibid. La formule de cette jurisprudence, telle qu'elle était adoptée par la cour de Rome, se trouve dans Gervasius Tilburensis, témoin non suspect, puisqu'il vivait à la cour d'Othon. Voy. la préface de ses Otia imperialia. Leibnitz, Scriptores rerum Brunswic., t. 1, p. 881.

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'Sachs. Landrecht (droit de Saxe), lib. nt, art. 57. Schwab Landrecht (Droit de Souabe), art. 29. Eichhorn, t. n, p. 369.

TOME XVI.-N° 93. 1838.

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suivant la jurisprudence de l'époque, l'excommunication entraînait la déposition, lorsqu'au bout d'un certain tems, qui était ordinairement celui d'un an, on n'était pas réconcilié avec l'Eglise '.

» Eichhorn, après avoir fait l'enumération des droits qu'avait l'empereur comme chef de la chrétienté, ajoute : Ce pouvoir, l'empereur le tient de Dieu, mais il est obligė, à son couronnement, de jurer au pape fidélité et obéissance 3».

Il nous reste à dire un mot de la traduction, et du système qui y a été suivi. Nous dirons à M. Jager que nous ne saurions l'approuver d'avoir modifié quelquefois le sens et le travail de Voigt. Ceci ne peut être justifié. Quand on donne l'œuvre d'un homme, surtout s'il n'est pas de notre religion, et qu'on veut se prévaloir de ses concessions, il faut la donuer telle qu'elle est sortie de sa plume. C'est ici une importante question. Dans la communication qui se fait en ce moment des pensées et des travaux entre les deux communions, il ne faut pas que les protestans puissent nous accuser de ne pas connaître leurs ouvrages, ou de craindre quelques jugemens, ou quelques critiques. Un seul droit, ou plutôt un seul devoir reste aux traducteurs,

Ce point est solidement établi par l'auteur de la Revue des OEuvres de Fénelon, qui nous a indiqué un grand nombre des témoignages que nous venons de produire, et cela avec une complaisance dont nous lui serons toujours reconnaissans.

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Voir la glose de l'art. 1, liv. I, du Droit saxon. Ce serment est antérieur à Grégoire VII, et fut prêté par Henri II. Voici comme le fait est raconté par Dithmar de Mersebourg (1018): « Henricus ad Ecclesiam Sancti Petri, papà cum clero exspectante, venit, et antequam introduceretur ab eodem interrogatus: si fidelis vellet Romanæ patronus et defensor Ecclesia? sibi autem suisque successoribus per omnia intimus fidelis? devotà professione se sic facturum respondit : et tunc ab codem inunctionem regalem et coronam, cum contectali suâ, accepit. (Voy. Leibnitz, Scr. rer. Brunswic., t. 1, p. 400.) En pesant toutes les paroles de cette narration, on a lieu de croire que le serment qu'exigeait Grégoire VII de Rodolphe, n'était que le serment ordinaire prêté par les empereurs aux Papes, au moment de leur couronnement. Voy. ce serment, Labb., Concil., t. x, p. 279.

3 Grégoire VII, introduction, pag. LXXXI.

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c'est de réfuter en note les assertions qui leur paraîtront fausses. C'est ce que nous recommandons aux nombreux traducteurs qui s'occupent avec beaucoup d'ardeur, en ce moment, à nous initier à la connaissance des études historiques des écrivains allemands, et nous ne savons comment ces raisons ont pu échapper à M. l'abbé Jager. Nous finirons en lui recommandant dans une nouvelle édition de faire relire son ouvrage à un écri vain français. Quelque soin que prenne un étranger, il reste toujours dans ses phrases quelques tournures qui ne sont pas tout-à-fait françaises. En somme pourtant c'est un bel ouvrage que celui de La vie de Grégoire VII, et tous ceux qui la liront le diront comme nous.

A. B.

Histoire naturelle.

MERVEILLEUX INSTINCTS DES INSECTES.

Deuxième Article '.

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Travaux, mœurs des Fourmis.-Merveilleux travaux des Cigales. -Des Chenilles. Des Vers à soie. Des Araignées. Précautions prises par les insectes pour la conservation de leurs œufs.

Dans le premier article nous avons parlé des insectes malfaisans, de leurs ravages, de leur utilité, puis nous avons décrit la merveilleuse industrie des abeilles et des guêpes; dans celui-ci, nous allons examiner les travaux des insectes qui forment pour ainsi dire, des villages et des hameaux, sans toutefois s'élever jusqu'à la combinaison politique et sociale des abeilles républicaines qui vivent dans une ruche.

La Fourmi, moins bien étudiée què l'abeille, dont le miel a, depuis les premiers jours de la civilisation, servi d'aliment à l'homme, n'est pas moins étonnante que cette dernière dans le développement de son instinct. Menuiserie, maçonnerie, charpente, tapisserie, excavation des terres, architecture souterraine, les fourmis accomplissent à peu près tous ces prodiges d'industrie. Leur petitesse et leur peu d'utilité apparente, les ont soustraites pendant long-tems aux recherches des observateurs. On n'a commencé à connaître leurs mœurs véritables qu'en 1747, époque où Gould, le premier, les a étudiées avec

› Le premier article de ce travail se trouve dans le no 36, t. vi, p. 452. Inséré au moment où nous prîmes seul la direction des Annales de Philosophie, la suite avait été oubliée: mais cet oubli nous ayant été signalé par un de nos abonnés, nous avons fait les recherches nécessaires pour compléter ce travail. (Nole du Directeur.)

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