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païens occidentaux, a conservé la tradition primitive. Aussi nous osons dire que c'est ici une nouvelle mine, une mine abondante, où devront puiser tous ceux qui s'occuperont de l'explication de la Bible. Ce travail formera un complément curieux et instructif des importantes recherches de M. Drach, sur les primitives traditions conservées dans la synagogue. Les Chinois peuvent, jusqu'à un certain point, être appelés les Juifs de la gentilité; comme les Juifs de la Palestine, ils conservaient des livres qu'ils ne comprenaient pas, ou qu'ils expliquaient mal.

ART. III. TRAaditions chinoises sur un état primitif d'innocence.

« Si plusieurs savans, dit le P. Prémare, en commençant cet article', ont pu' dire que les jardins d'Alcinoüs, dans Homère, et le jardin de Jupiter dans Platon, sont une tradition du paradis terrestre, et que l'âge d'or, dont les poètes grecs et latins racontent tant de choses merveilleuses, est un souvenir de ce bienheureux état qui a précédé le péché, qui pourra trouver à redire lorsque nous soutiendrons et nous nous efforcerons de prouver que l'on trouve des vestiges bien plus nombreux et bien plus explicites de cet état dans les plus anciens monumens des chinois?

» Hoai-nan-vang', qui avait établi dans son palais royal une académie de savans, pour s'entretenir avec eux de l'antiquité la plus reculée, parle ainsi du commencement du monde : « Toutes les choses qui ont une figure et un son, >première origine de l'Être qui n'a ni figure ni son; son fils est la lumière, son petit-fils est l'eau. »>

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tirent leur

Lopi aussi 3, parlant, non de lui-même, mais d'après les vieil

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On l'appelle aussi Hoai-nan-tse. On lui a donné le nom de Vang, parce qu'il était roi de Hoai-nan. Son palais était une académie de savans, avec lesquels il creusait dans l'antiquité la plus reculée. C'est pourquoi ses ouvrages sont très-curieux, et son style très-beau. P. Prémare, dans la préface du Chou-king, p. xLv1. Le P. Amiot dit qu'il vivait 105 ans

av. J.-C. Mém. t. vi, p. 118.

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-

3 Lopi est un historien écrivant sous les Song, qui ont régné de 956 à

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les traditions, sur lesquelles il a composé son docte ouvrage sur les tems héroïques (le Lou-sse), dit que l'eau est le principe des choses, et ajoute que le nombre 6 appartient à l'eau '.

Dans le débrouillement du chaos, dit Ou-foung-hou-che,« le »ciel est ce qui s'est formé en premier lieu; après le ciel a paru la » terre, et après la formation du ciel et de la terre, l'homme a été produit par les différentes combinaisons que les vapeurs »subtiles prirent alors entr'elles. Le ciel commença ses opéra>tions à la période du Rat, la terre commença les siennes à la ›période du bœuf, et l'homme fut produit à la période du Ti» gre 2. D

L'Y-king dit : « Après qu'il y eut un ciel et une terre, toutes les choses naturelles furent formées. Ensuite il y eut le mâle Det la femelle, puis le mari et la femme 3. »

1279 après J.-C. Son ouvrage est intitulé Lou-tsee; il y a rassemblé un grand nombre de chroniques anciennes.

1 Pour expliquer ce passage, il faut se souvenir que Dieu, dans le commencement, c'est-à-dire, dans son fils, a créé toutes choses (Gén. ch. 1), or le fils est la splendeur du père ( Heb. 1,-3), et l'éclat de sa lumière éternelle( Sag. v11, 26 ) : voilà pourquoi il est dit que son fils est la lumière. Le symbole du fils est l'eau, et c'est pour cela qu'il est dit : l'eau est le principe des choses.-Le P. Prémare rappelle encore ce que dit la Bible, qu'au commencement l'esprit de Dieu était porté sur les eaux ( Gen. 1, 2), que cet esprit les rendit fécondes; que pareillement, au commencement de la rédemption, le fils vint dans les eaux pour s'y faire baptiser, et les sanctifier par son contact.-Nous omettons l'explication donnée par le P. Prémare pour faire comprendre, comment les nombres 2 et 6 sont le symbole du fils. Nous savons que dans l'antiquité on avait attaché un sens réel et mystique aux différens nombres; mais ce sens est perdu le plus souvent, et serait trop arbitraire en ce moment.

• Mém. conc. les Chin., t. xã, p. 178. Le Chao-tsee dit en outre que le ciel et la terre finiront après 1 2 périodes de 10,800 ans, c'est-à-dire après 129,600 ans. Cette fin arrivera à la période du Chien, qui est la 11e. Alors il y aura un nouveau ciel, lequel ne périra jamais. Id.

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3 Nous copions la traduction donnée dans le chap. 1 du Discours prèlim. du Chou-king, quoiqu'elle s'écarte un peu de la traduction latine des Vestigia; mais l'une et l'autre sont du P. Prémare. -Ce passage king se trouve dans le chapitre Su-koua, attribué à Confucius. On y cite encore, d'après Lopi, un autre passage du Ta-tchouen de l'Y-king, qui

» N'est-ce pas là, ajoute le P. Prémare, le même ordre que Moïse a suivi dans sa cosmogonie? La Genèse parle ensuite d'un paradis de volupté, que je crois être rappelé d'une manière fort claire par le mont Kouen-lun. Que le lecteur juge si l'on trouve rien de semblable dans les descriptions que la Grèce nous a laissées sur les jardins d'Alcinoüs et le jardin de Jupiter 1.

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Mais avant de donner, d'après le P. Prémare, la description du mont Kouen-lun, nous croyons devoir insérer ici ce que Genèse nous dit du paradis terrestre, afin que chacun de nos lecteurs puisse mieux saisir les traits de ressemblance.

« L'Eternel planta un jardin dans Eden', du côté de l'Orient; >> il y plaça l'homme qu'il avait créé;-Dieu fit sortir de la terre » tout arbre agréable à la vue et bon à manger, l'arbre de la vie » au milieu du jardin, ainsi que l'arbre de la connaissance du bien » et du mal. Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin; de » là il se séparait pour former quatre principales branches. Le nom » de l'un est Pichon 3; c'est celui qui fait le tour de tout le pays » de Havila, où l'on trouve l'or; l'or de ce pays est bon; c'est

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3;

>> là aussi que ce trouve l'escarboucle et la pierre onyx.

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Le nom du 2° fleuve est Gihon ; c'est celui qui entoure le pays de Cus;

dit: « Le ciel et la terre ont un commencement »; « si cela se dit de la terre,

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ajoute Lopi, à plus forte raison doit-il se dire de l'homme. »

1 Selecta Vestigia, etc. p. 63.

2. Ghin-b-aden, un jardin dans Eden. Les Septante ont rendu ce mot par лuрádεσov, d'où est venu le mot paradis ; mais les Grecs F'avaient eux-mêmes pris du persan ou plutôt du chaldéen 77. La racine de ja est ombrage et y signifie la volupté, un ombrage de volupté. D. Calmet croit que le d'Eden était situé dans l'Arménie; mais il n'y a pas pays pays sur la terre où quelques auteurs n'aient placé le paradis terrestre, comme on peut le voir dans Huet, Dissert. sur la situat. du paradis terrestre, et le Comment. de Leclerc sur la Genèse, ch. 1, v. 8.

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le Phase, dans la Colchyde ( qui serait Havila ) d'après le sentiment le plus commun. D'après Strabon (1. xi ), il charriait des paillettes d'or.

4 Le Guichon; signifiant impétueux, rapide. On croit que c'est l'Araxe, très rapide en effet, et prenant sa source en Arménie. Quelques personnes, trompées par le nom de Cus, qui s'applique quelquefois à l'Ethiopie, en ont fait le Nil, situé à plus de 600 lieues.

>> Le nom du 3 est Tigre, (hidekel) '; c'est celui qui se dirige > vers l'Assyrie.

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» Et le 4 fleuve, c'est l'Euphrate (Gen. 11, 8). »

Voici maintenant ce que l'on retrouve dans les livres chinois: Le vieux livre Chan-hai-king 3 décrivant le mont Kouen-lun, s'exprime ainsi :

Tout ce que l'on peut désirer se trouve sur cette montagne; » on y voit des arbres admirables et des sources merveilleuses. » On l'appelle le jardin fermé et caché, le jardin suspendu, un om> brage de fleurs *. »

Hoai-nan-vang, déjà cité, dit de la même montagne : « Le » jardin suspendu, rafraîchi par des vents caressans, et planté » des arbres les plus précieux (tong), est situé au milieu de la » montagne Kouen-lun, auprès de la porte fermée du ciel. On » l'appelle le jardin brillant (nitidus) ; les eaux dont il est arrosé » sont la soure jaune (Tan-choui), la plus élevée et la plus riche de » toutes; elle s'appelle la fontaine d'immortalité; celui qui en >> boit ne meurt pas.

» L'eau jaune (Ho-choui) sort de ce jardin entre le nord et l'o»rient; l'eau rouge (Tchi-choui), entre l'orient et le midi; l'eau » faible ou morte (Jo-choui), entre le midi et l'occident; enfin » l'eau de l'agneau (Yang-choui), entre l'occident et le nord. Ces ⚫eaux forment quatre fleuves, tous, fontaines spirituelles du Seigneur-Esprit (Ty-chin), qui s'en sert pour composer toutes

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Sp Hidekel. Les Septante ont traduit par Typis, la Vulgate par Tigre. Hidekel, en hébreu, signific points de vitesse, rapide comme une flèche. Or c'est ce que signifie Tigre en persan et en médique ( QuintCurce, 1. iv, ch. 9. Maussac, in not. ad Plut, de flumin.) , Phrat, de ma, qui croit, qui fructifie,

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C'est un livre si ancien, que les uns l'attribuent à l'empereur Yu, d'autres à Pey-y, qui vivait dans le même tems (2224 ans av. J.-C. ) ; il contient une description du monde, qui paraît imaginaire. On y place au milieu de la terre le mont Kouen-lun; il y est fait mention de beaucoup de monstres et de plantes extraordinaires. Disc. prélim. P. Prémare.

4 Dans les Mém, concernant les Chinois, t. 1, p. 106, où ce passage et les suivans sont déjà traduits en français, au lieu d'ombrage de fleurs ( floreum umbraculum ), il y a un doux ouvrage de fleurs, Serait-ce une faute d'impression? .

›les espèces de remèdes, et arroser toutes les choses qui exis

>tent. »

On comprendra mieux ce passage par l'examen des figures suivantes :

FIGURES

DU KOUEN-LUN,

OU PARADIS TERRESTRE, ET DU POU-TCHEOU, OU PARADIS
CÉLESTE, D'APRÈS LES LIVRES CHINOIS.

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Les Chinois actuels, continue le P. Prémare, ayant perdu » la tradition de l'explication du caractère Tan, ou eau d'im»mortalité, disent qu'il faut entendre par là un certain sable

1 Manuser., p. 64.

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