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Et pour l'homme à la veste, qui s'est jeté dans le bel esprit et veut élre auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine d'écouter ce qu'il dit; et sa prose me fatigue autant que ses vers. Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien que vous pensez ; que je vous trouve à dire, plus que je ne voudrois, dans toutes les parties où l'on m'entraîne ; et que c'est un merveilleux assaisonnement aux plaisirs qu'on goûte, que la présence des gens qu'on aime.

CLITANDRE. Me voici maintenant, moi.

Votre Clitandre dont vous me parlez, et qui fait tant le doucereux, est le dernier des hommes pour qui j'aurois de l'amitié. Il est extravagant de se persuader qu'on l'aime; et vous l'êtes de croire qu'on ne vous aime pas. Changez, pour être raisonnable, vos sentimens contre les siens; et voyez-moi le plus que vous pourrez, pour m'aider à porter le chagrin d'en être obsédée.

D'un fort beau caractère on voit là le modèle,
Madame, et vous savez comment cela s'appelle.
Il suffit. Nous allons l'un et l'autre en tous lieux
Montrer de votre cœur le portrait glorieux.

ACASTE.

J'aurois de quoi vous dire, et belle est la matière;
Mais je ne vous tiens pas digne de ma colère;
Et je vous ferai voir que les petits marquis

Ont, pour se consoler, des cœurs du plus haut prix.

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CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE,
ORONTE, PHILINTE

ORONTE.

Quoi! de cette façon je vois qu'on me déchire,
Après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire!
Et votre cœur, paré de beaux semblans d'amour,
A tout le genre humain se promet tour à tour!
Allez, j'étois trop dupe, et je vais ne plus l'être;
Vous me faites un bien, me faisant vous connoître :
J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez,
Et trouve ma vengeance en ce que vous perdez.
(A Alceste.)

Monsieur, je ne fais plus d'obstacle à votre flamme,
Et vous pouvez conclure affaire avec madame,

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CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE,
PHILINTE.

ARSINOE, à Célimène.

Certes, voilà le trait du monde le plus noir,
Je ne m'en saurois taire, et me sens émouvoir.
Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres ?
Je ne prends point de part aux intérêts des autres ;
(Montrant Alceste.)

Mais, monsieur, que chez vous fixoit votre bonheur,
Un homme, comme lui, de mérite et d'honneur,
Et qui vous chérissoit avec idolâtrie,

Devoit-il ?...

ALCESTE.

Laissez-moi, madame, je vous prie,

Vider mes intérêts moi-même là-dessus;
Et ne vous chargez point de ces soins superflus.
Mon cœur a beau vous voir prendre ici sa querelle,
Il n'est point en état de payer ce grand zèle;
Et ce n'est pas à vous que je pourrai songer,
Si, par un autre choix, je cherche à me venger.
ARSINOÉ.

Hé! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée,
Et que de vous avoir on soit tant empressée ?
Je vous trouve un esprit bien plein de vanité,
Si de cette créance il peut s'être flatté.
Le rebut de madame est une marchandise
Dont on aurait grand tort d'être si fort éprise.
Détrompez-vous, de grâce, et portez-le moins haut :
Ce ne sont pas des gens comme moi qu'il vous faut.
Vous ferez bien encor de sourire pour elle,

Et je brûle de voir une union si belle.

SCENE VII.

CELIMENE, ELIANTE, ALCESTE, PHILINTE.
ALCESTE à Célimène.

Hé bien je me suis tu, malgré ce que je voi,
Et j'ai laissé parler tout le monde avant moi.
Ai-je pris sur moi-même un assez long empire?
Et puis-je maintenant....

CÉLIMÈNE.

Oui, vous pouvez tout dire;
Vous en êtes en droit, lorsque vous vous plaindrez,
Et de me reprocher tout ce que vous voudrez.
J'ai tort, je le confesse; et mon âme confuse
Ne cherche à vous payer d'aucune vaine excuse.

J'ai des autres ici méprisé le courroux;

Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous.
Votre ressentiment sans doute est raisonnable :
Je sais combien je dois vous paroître coupable,
Que toute chose dit que j'ai pu vous trahir,.
Et qu'enfin vous avez sujet de me haïr.

Faites-le, j'y consens.

ALCESTE.

Hé! le puis-je, traîtresse? Puis-je ainsi triompher de toute ma tendresse ? Et, quoique avec ardeur je veuille vous haïr, Trouvé-je un cœur en moi tout prêt à m'obéir?

(A Éliante et à Philinte.`

Vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
Et je vous fais tous deux témoins de ma foiblesse.
Mais à vous dire vrai, ce n'est pas encor tout,
Et vous allez me voir la pousser jusqu'au bout,
Montrer que c'est à tort que sages on nous nomme,
Et que dans tous les cœurs il est toujours de l'homme.
(A Célimène.)

Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits.

J'en saurai, dans mon âme, excuser tous les traits,
Et me les couvrirai du nom d'une foiblesse

Où le vice du temps porte votre jeunesse,
Pourvu que votre cœur veuille donner les mains
Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains,
Et que dans mon désert, où j'ai fait vœu de vivre,
Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre.
C'est par là seulement que, dans tous les esprits,
Vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
Et qu'après cet éclat qu'un noble cœur abhorre,
Il peut m'être permis de vous aimer encore.

CÉLIMÈNE.

Moi, renoncer au monde avant que de vieillir,
Et dans votre désert aller m'ensevelir!

ALCESTE.

Et s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde
Que vous doit importer tout le reste du monde ?
Vos désirs avec moi ne sont-ils pas contens?
CÉLIMÈNE.

La solitude effraye une âme de vingt ans.

Je ne sens pas la mienne assez grande, assez forte,
Pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte,
Si le don de ma main peut contenter vos vœux,

Je pourrai me résoudre à serrer de tels nœuds;
Et l'hymen....

ALCESTE.

Non. Mon cœur à présent vous déteste,
Et ce refus lui seul, fait plus que tout le reste.
Puisque vous n'êtes point, en des liens si doux,
Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous,"
Allez, je vous refuse; et ce sensible outrage

De vos indignes fers pour jamais me dégage.

SCENE VIII.

--

ELIANTE, ALCESTE, PHILINTE.

ALCESTE, à Éliante.

Madame, cent vertus ornent votre beauté,
Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité;

De vous, depuis longtemps, je fais un cas extrême;
Mais laissez-moi toujours vous estimer de même;
Et souffrez que mon cœur, dans ses troubles divers,
Ne se présente point à l'honneur de vos fers;
Je m'en sens trop indigne, et commence à connoître
Que le ciel pour ce nœud ne m'avoit point fait naître;
Que ce seroit pour vous un hommage trop bas,
Que le rebut d'un cœur qui ne vous valoit pas;
Et qu'enfin....

ÉLIANTE.

Vous pouvez suivre cette pensée :
Ma main de se donner n'est pas embarrassée,
Et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter,
Qui, si je l'en priois, la pourroit accepter.

PHILINTE.

Ah! cet honneur, madame, est toute mon envie,
Et j'y sacrifierois et mon sang et ma vie.

ALCESTE.

Puissiez-vous pour goûter de vrais contentemens,
L'un pour l'autre, à jamais, garder ces sentimens!
Trahi de toutes parts, accablé d'injustices,
Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices,
Et chercher, sur la terre, un endroit écarté,
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.

PHILINTE.

Allons, madame, allons employer toute chose
Pour rompre le dessein que son cœur se propose.

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COMÉDIE EN TROIS ACTES'.

PERSONNAGES.

GÉRONTE, père de Lucinde.

LUCINDE, fille de Géronte.
LEANDRE, amant de Lucinde.
SGANARELLE, mari de Martine.
MARTINE, femme de Sganarelle.
M. ROBERT, voisin de Sganarelle.
VALÈRE, domestique de Géronte.
LUCAS, mari de Jacqueline.

JACQUELINE, nourrice chez Géronte, et femme de Lucas.
THIBAUT, père de Perrin,

PERRIN,

paysans.

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente une forêt.

SCÈNE I.

SGANARELLE.

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Non, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de parler et d'être le maître.

MARTINE.- Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines.

SGANARELLE. O la grande fatigue que d'avoir une femme! et qu'Aristote a bien raison, quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon!

MARTINE. ristote.

SGANARELLE.

Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'A

Oui, habile homme. Trouve-moi un faiseur de

1. Le Médecin malgré lui fut représenté sur le théâtre du Palais-Roya le 6 août 1666,

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