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fagots qui sache, comme moi, raisonner des choses; qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su, dans son jeune âge, son rudiment par cœur.

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MARTINE. Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui!

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Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me

fit signer ma ruine!

MARTINE.

C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire! Devrois-tu être un seul moment sans rendre grâces au ciel de m'avoir pour ta femme; et méritois-tu d'épouser une personne comme moi?

SGANARELLE.

Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lieu de me louer la première nuit de nos noces! Hé! morbleu! ne me fais point parler là-dessus. Je dirois de certaines choses.... Quoi? Que dirois-tu?

MARTINE.

SGANARELLE.

Baste! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

MARTINE.

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Qu'appelles tu, bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai !

SGANARELLE. Tu as menti, j'en bois une partie.

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Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le

SGANARELLE. C'est vivre de ménage.

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Qui m'a ôté jusqu'au lit que j'avois !

Tu t'en lèveras plus matin.

Enfin, qui ne laisse aucun meuble dans toute la

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MARTINE. Et qui, du matin jusqu'au soir, ne fait que jouer et que boire!

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C'est pour ne me point ennuyer.

Et que veux-tu, pendant ce temps, que je fasse avec

SGANARELLE. Tout ce qu'il te plaira.

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J'ai quatre pauvres petits enfans sur les bras....

SGANARELLE. Mets-les à terre.

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Qui me demandent à toute heure du pain. SGANARELLE. Donne-leur le fouet. Quand j'ai bien bu et bien mangé, je veux que tout le monde soit soûl dans ma maison. Et tu prétends, ivrogne, que les choses aillent toujours de même?

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SGANARELLE. Ne nous emportons point, ma femme.

MARTINE.

- Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger à ton devoir?

SGANARELLE.

Ma femme, vous savez que je n'ai pas l'âme endurante, et que j'ai le bras assez bon.

MARTINE. Je me moque de tes menaces.

SGANARELLE.

Ma petite femme, ma mie, votre peau vous démange à votre ordinaire.

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Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.
Ma chère moitié, vous avez envie de me dérober

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Crois-tu que je m'épouvante de tes paroles?

Doux objet de mes voeux, je vous frotterai les

Ivrogne que tu es!

SGANARELLE. Je vous battrai.

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MARTINE.

- Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pen

dard, gueux, belître, fripon, maraud, voleur....

SGANARELLE. Ah! vous en voulez donc?

(Sganarelle prend un bâton et bat sa femme.)

MARTINE, criant. Ah! ah! ah! ah!

SGANARELLE. - Voilà le vrai moyen de vous apaiser.

SCÈNE II. M. ROBERT, SGANARELLE, MARTINE.

MONSIEUR ROBERT.- - Holà! holà! holà! Fi! Qu'est-ce ci? Quelle infamie! Peste soit le coquin de battre ainsi sa femme!

MARTINE, à M. Robert.

MONSIEUR ROBERT.

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Et je veux qu'il me batte, moi.
Ah! j'y consens de tout mon cœur.

De quoi vous mêlez-vous?

MONSIEUR ROBERT. J'ai tort.

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MARTINE. Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes!

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MONSIEUR ROBERT.

MARTINE.

Rien.

Est-ce à vous d'y mettre le nez?

MONSIEUR ROBERT. - Non.

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MARTINE. Et vous êtes un sot de venir vous fourrer où vous n'avez que faire. (Elle lui donne un soufflet.)

MONSIEUR ROBERT, à Sganarelle.

Compère, je vous demande pardon de tout mon cœur. Faites, rossez, battez comme il faut votre femme; je vous aiderai, si vous le voulez.

SGANARELLE.

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- Il ne me plaît pas, moi.

MONSIEUR ROBERT. Ah! c'est une autre chose.

SGANARELLE. Je la veux battre, si je le veux; et ne la veux pas battre, si je ne le veux pas.

MONSIEUR ROBERT. - Fort bien.

SGANARELLE. C'est ma femme, et non pas la vôtre

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Sans doute.

SGANARELLE. Vous n'avez rien à me commander.
MONSIEUR ROBERT. - D'accord.

SGANARELLE. Je n'ai que faire de votre aide.
MONSIEUR ROBERT. Très-volontiers.

SGANARELLE.

Et vous êtes un impertinent de vous ingérer des affaires d'autrui. Apprenez que Cicéron dit qu'entre l'arbre et le doigt il ne faut point mettre l'écorce.

SCENE III.

SGANARELLE.

MARTINE.

-

(Il bat M. Robert, et le chasse.)

SGANARELLE, MARTINE.

Oh! çà, faisons la paix nous deux. Touche là. Oui, après m'avoir ainsi battue!

SGANARELLE. O Cela n'est rien. Touche.

MARTINE. Je ne veux pas.

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MARTINE. Non. Je veux être en colère.

SGANARELLE. Fi! c'est une bagatelle Allons, allons.

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SGANARELLE.

main.

SGANARELLE.

Tu m'as trop maltraitée.

-

Hé bien! va, je te demande pardon; mets là ta

MARTINE. Je te pardonne; (bas, à part) mais tu le payeras. Tu es une folle de prendre garde à cela. Ce sont petites choses qui sont de temps en temps nécessaires dans l'amitié; et cinq ou six coups de bâton entre gens qui s'aiment, ne font que ragaillardir l'affection. Va, je m'en vais au bois, et je te promets aujourd'hui plus d'un cent de fagots.

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Va, quelque mine que je fasse, je n'oublierai pas mon ressentiment; et je brûle en moi-même de trouver les moyens de te punir des coups que tu me donnes. Je sais bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi se venger d'un mari; mais c'est une punition trop délicate pour mon pendard. Je veux une vengeance qui se fasse un peu mieux sentir; et ce n'est pas contentement pour l'in jure que j'ai reçue.

SCÈNE V. VALERE, LUCAS, MARTINE.

-

LUCAS, à Valère, sans voir Martine. — Parguienne! j'avons pris là tous deux une guèble de commission; et je ne sais pas, moi, ce que je pensons attraper.

VALÈRE, à Lucas, sans voir Martine. — Que veux-tu, mon pauvre nourricier? Il faut bien obéir à notre maître; et puis, nous avons intérêt, l'un et l'autre, à la santé de sa fille, notre maîtresse; et sans doute son mariage, différé par sa maladie, nous vaudra quelque récompense. Horace, qui est libéral, a bonne part aux préten tions qu'on peut avoir sur sa personne; et, quoiqu'elle ait fait voir de l'amitié pour un certain Léandre, tu sais bien que son père n'a jamais voulu consentir à le recevoir pour son gendre.

MARTINE, rêvant à part, se croyant seule. Ne puis-je point trouver quelque invention pour me venger? LUCAS, à Valère. Mais quelle fantaisie s'est-il boutée là dans la tête, puisque les médecins y avont tous pardu leur latin? VALÈRE, à Lucas. On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas d'abord; et souvent, en de simples lieux.... MARTINE, se croyant toujours seule. Oui, il faut que je m'en venge, à quelque prix que ce soit. Ces coups de bâton me reviennent au cœur, je ne les saurois digérer, et.... (Heurtant Valère et

--

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Lucas.) Ah! messieurs, je vous demande pardon; je ne vous voyois pas, et cherchois dans ma tête quelque chose qui m'embarrasse. - Chacun a ses soins dans le monde, et nous cherchons aussi ce que nous voudrions bien trouver.

VALÈRE.

-

MARTINE. Seroit-ce quelque chose où je vous puisse aider ? VALÈRE. Cela se pourroit faire; et nous tâchons de rencontrer quelque habile homme, quelque médecin particulier, qui pût donner quelque soulagement à la fille de notre maître, attaquée d'une maladie qui lui a ôté tout d'un coup l'usage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà épuisé toute leur science après elle; mais on trouve, parfois, des gens avec des secrets admirables, de certains remèdes particuliers, qui font le plus souvent ce que les autres n'ont su faire; et c'est là ce que nous cherchons.

MARTINE, bas, à part. — Ah! que le ciel m'inspire une admirable invention pour me venger de mon pendard! (Haut.) Vous ne pouviez jamais mieux vous adresser pour rencontrer ce que vous cherchez; et nous avons un homme, le plus merveilleux homme du monde, pour les maladies désespérées.

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VALÈRE. Eh! de grâce, où pouvons-nous le rencontrer? MARTINE. Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu que voilà, qui s'amuse à couper du bois.

LUCAS.
VALÈRE.

Un médecin qui coupe du bois !

Qui s'amuse à cueillir des simples, voulez-vous dire? MARTINE. Non. C'est un homme extraordinaire, qui se plaît à cela, fantasque, bizarre, quinteux, et que vous ne prendriez jamais pour ce qu'il est. Il va vêtu d'une façon extravagante, affecte quelquefois de paroître ignorant, tient sa science renfermée, et ne fuit rien tant, tous les jours, que d'exercer les merveilleux talens qu'il a eus du ciel pour la médecine.

VALÈRE. - C'est une chose admirable, que tous les grands hom mes ont toujours du caprice, quelque petit grain de folie mêlé à leur science.

MARTINE. La folie de celui-ci est plus grande qu'on ne peut croire; car elle va parfois jusqu'à vouloir être battu pour demeurer d'accord de sa capacité; et je vous donne avis que vous n'en viendrez pas à bout, qu'il n'avouera jamais qu'il est médecin, s'il se le met en fantaisie, que vous ne preniez chacun un bâton, et ne le réduisiez, à force de coups, à vous confesser à la fin ce qu'il vous cachera d'abord. C'est ainsi que nous en usons, quand nous avons besoin de lui.

VALÈRE.
MARTINE.

- Voilà une étrange folie !

des merveilles. VALÈRE.

MARTINE.

Il est vrai; mais, après cela, vous verrez qu'il fait

Comment s'appelle-t-il ?

Il s'appelle Sganarelle; máis il est aisé à connoître.

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