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SCENE XVIII.

DON PEDRE.

DON PEDRE, ADRASTE.

La voici qui s'en va venir; et son âme, je vous assure, a paru toute réjouie lorsque je lui ai dit que j'avois rac commodé tout.

SCÈNE XIX. ISIDORE, sous le voile de Zaïde, ADRASTE, DON PEDRE.

DON PEDRE, à Adraste. - Puisque vous m'avez bien voulu abandonner votre ressentiment, trouvez bon qu'en ce lieu je vous fasse toucher dans la main l'un de l'autre; et que tous deux je vous conjure de vivre, pour l'amour de moi, dans une parfaite union. Oui, je vous le promets que, pour l'amour de vous.

ADRASTE.

je m'en vais, avec elle, vivre le mieux du monde.

DON PÈDRE. mémoire.

ADRASTE.

Vous m'obligez sensiblement, et j'en garderai la

Je vous donne ma parole, seigneur don Pèdre, qu'à votre considération, je m'en vais la traiter du mieux qu'il me sera possible.

DON PEDRE. C'est trop de grâce que vous me faites. (Seul.) 11 est bon de pacifier et d'adoucir toujours les choses. Holà! Isidore,

venez.

SCÈNE XX.

ZAÏDE, DON PÈDRE.

DON PEDRE. Comment! que veut dire cela?

ZAÏDE, sans voile. — Ce que cela veut dire? Qu'un jaloux est un monstre haï de tout le monde, et qu'il n'y a personne qui ne soit ravi de lui nuire, n'y eût-il point d'autre intérêt; que toutes les serrures et les verrous du monde ne retiennent point les personnes, et que c'est le cœur qu'il faut arrêter par la douceur et par la complaisance; qu'Isidore est entre les mains du cavalier qu'elle aime, et que vous êtes pris pour dupe.

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DON PEDRE. Don Pedre souffrira cette injure mortelle! Non, non j'ai trop de cœur, et je vais demander l'appui de la justice pour pousser le perfide à bout. C'est ici le logis d'un sénateur. Hola!

SCÈNE XXI.

LE SÉNATEUR.

à propos!

DON PEDRE.

fait.

--

UN SÉNATEUR, DON PÈDRE.
Serviteur, seigneur don Pèdre. Que vous venez

Je viens me plaindre à vous d'un affront qu'on m'a

LE SENATEUR. - J'ai fait une mascarade la plus belle du monde.

DON PEDRE. Un traître de François m'a joué une pièce.

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Vous n'avez, dans votre vie, jamais rien vu de

Il m'a enlevé une fille que j'avois affranchie.

Ce sont gens vêtus en Maures, qui dansent ad

DON PÈDRE. - Vous voyez si c'est une injure qui se doive souffrir. LE SÉNATEUR. Les habits merveilleux et qui sont faits exprès. Je vous demande l'appui de la justice contre cette

DON PEDRE.

action.

LE SÉNATEUR.

Je veux que vous voyiez cela. On la va répéter

pour en donner le divertissement au peuple.

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LE SÉNATEUR.

Comment! de quoi parlez-vous là?

Je parle de ma mascarade.
Je vous parle de mon affaire.

Je ne veux point, aujourd'hui, d'autres affaires que de plaisir. Allons, messieurs, venez. Voyons si cela ira bien. La peste soit du fou, avec sa mascarade! Diantre soit le fâcheux, avec son affaire!

-

DON PÈDRE.
LE SÉNATEUR.

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SCENE XXII. UN SÉNATEUR, TROUPE DE DANSEURS.

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ENTRÉE DE BALLET. - Plusieurs danseurs, vêtus en Maures dansent devant le sénateur, et finissent la comédie'.

4. Lorsque le ballet du Sicilien fut dansé à la cour, les Maures de qualité furent le roi, M. Le Grand, les marquis de Villeroi et de Rassan; les Mauresques, Madame, Mlle de La Vallière, Mme de Rochefort, Mlle de Brancas.

FIN DU SICILIEN.

LE TARTUFFE,

OU

L'IMPOSTEUR.

COMÉDIE EN CINQ ACTES'.

PRÉFACE 2.

Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été longtemps persécutée; et les gens qu'elle joue ont bien fait voir qu'ils étoient plus puissans en France que tous ceux que j'ai joués jusqu'ici. Les marquis, les précieuses, les cocus et les médecins, ont souffert doucement qu'on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout le monde, des peintures que l'on a faites d'eux; mais les hypocrites n'ont point entendu raillerie; ils se sont effarouchés d'abord, et ont trouvé étrange que j'eusse la hardiesse de jouer leurs grimaces, et de vouloir décrier un métier dont tant d'honnêtes gens se mêlent. C'est un crime qu'ils ne sauroient me pardonner; et ils se sont tous armés contre ma comédie avec une fureur épouvantable. Ils n'ont eu garde de l'attaquer par le côté qui les a blessés : ils sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme. Suivant leur louable coutume, ils ont couvert leurs intérêts de la cause de Dieu; et le Tartuffe, dans leur bouche, est une pièce qui offense la piété. Elle est, d'un bout à l'autre, pleine d'abominations, et l'on n'y trouve rien qui ne mérite le feu. Toutes les syllabes en sont impies; les gestes même y sont criminels; et le moindre coup d'œil, le moindre branlement de tête, le moindre pas

4. Les trois premiers actes du Tartuffe furent représentés à Versailles le 12 mai 1664; la première représentation de la pièce entière eut lieu, à Paris, le 5 août 1667, sous le nom de l'Imposteur; et la seconde, le 5 février 1669. Cette seconde représentation fut suivie de quarante-trois autres sans interruption. Le 29 novembre 1664, la pièce entière avait été représentée chez le prince de Condé.

2. Cette préface a été mise par Molière en tête de la première édition du Tartuffe, qui fut publiée en 1669, quelques mois après la secondo représentation sur le théâtre de Paris, et deux ans après la première.

à droite ou à gauche, y cache des mystères qu'ils trouvent moyer. d'expliquer à mon désavantage.

J'ai eu beau la soumettre aux lumières de mes amis, et à la censure de tout le monde : les corrections que j'y ai pu faire; le juge ment du roi et de la reine, qui l'ont vue; l'approbation des grands princes et de messieurs les ministres, qui l'ont honorée publiquement de leur présence; le témoignage des gens de bien qui l'ont trouvée profitable, tout cela n'a de rien servi. Ils n'en veulent point démordre; et, tous les jours encore, ils font crier en public des zélés indiscrets, qui me disent des injures pieusement et me damnent par charité.

Je me soucierois fort peu de tout ce qu'ils peuvent dire, n'étoit l'artifice qu'ils ont de me faire des ennemis que je respecte, et de jeter dans leur parti de véritables gens de bien, dont ils préviennent la bonne foi, et qui, par la chaleur qu'ils ont pour les intérêts du ciel, sont faciles à recevoir les impressions qu'on veut leur donner. Voilà ce qui m'oblige à me défendre. C'est aux vrais dévots que je veux partout me justifier sur la conduite de ma comédie; et je les conjure, de tout mon cœur, de ne point condamner les choses avant que de les voir, de se défaire de toute prévention, et de ne point servir la passion de ceux dont les grimaces les déshonorent.

Si l'on prend la peine d'examiner de bonne foi ma comédie, on verra, sans doute, que mes intentions y sont partout innocentes, et qu'elle ne tend nullement à jouer les choses que l'on doit révérer; que je l'ai traitée avec toutes les précautions que me demandoit la délicatesse de la matière; et que j'ai mis tout l'art et tous les soins qu'il m'a été possible, pour bien distinguer le personnage de l'hypocrite d'avec celui du vrai dévot. J'ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat. Il ne tient pas un seul moment l'auditeur en balance; on le connoît d'abord aux marques que je lui donne; et, d'un bout à l'autre, il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action, qui ne peigne aux spectateurs le caractère d'un méchant homme, et ne fasse éclater celui du véritable homme de bien que je lui oppose.

Je sais bien que, pour réponse, ces messieurs tâchent d'insinuer que ce n'est point au théâtre à parler de ces matières; mais je leur demande, avec leur permission, sur quoi ils fondent cette belle maxime. C'est une proposition qu'ils ne font que supposer, et qu'ils ne prouvent en aucune façon; et, sans doute, il ne seroit pas difficile de leur faire voir que la comédie, chez les anciens, a pris son origine de la religion, et faisoit partie de leurs mystères; que les Espagnols, nos voisins, ne célèbrent guère de fête où la comédie ne soit mêlée; et que, même parmi nous, elle doit sa naissance aux soins d'une confrérie à qui appartient encore aujourd'hui l'hôtel de Bourgogne; que c'est un lieu qui fut donné pour y représenter les

plus importans mystères de notre foi; qu'on en voit encore des comédies imprimées en lettres gothiques, sous le nom d'un docteur de Sorbonne; et, sans aller chercher si loin, que l'on a joué, de notre temps, des pièces saintes de M. de Corneille, qui ont été l'admiration de toute la France.

Si l'emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura de privilégiés. Celuici est, dans l'État, d'une conséquence bien plus dangereuse que tous les autres; et nous avons vu que le théâtre a une grande vertu pour la correction. Les plus beaux traits d'une sérieuse morale sont moins puissans, le plus souvent, que ceux de la satire; et rien ne reprend mieux la plupart des hommes, que la peinture de leurs défauts. C'est une grande atteinte aux vices, que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des répréhensions; mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant; mais on ne veut point être ridicule.

Mais cette morale est

On me reproche d'avoir mis des termes de piété dans la bouche de mon imposteur. Hé! pouvois-je m'en empêcher, pour bien représenter le caractère d'un hypocrite? Il suffit, ce me semble, que je fasse connoître les motifs criminels qui lui font dire les choses, et que j'en aie retranché les termes consacrés, dont on auroit eu peine à lui entendre faire un mauvais usage. Mais il débite au quatrième acte une morale pernicieuse. elle quelque chose dont tout le monde n'eût les oreilles rebattues? Dit-elle rien de nouveau dans ma comédie? Et peut-on craindre que des choses si généralement détestées fassent quelque impression dans les esprits; que je les rende dangereuses, en les faisant monter sur le théâtre; qu'elles reçoivent quelque autorité de la bouche d'un scélérat? Il n'y a nulle apparence à cela; et l'on doit approuver la comédie du Tartuffe, ou condamner généralement toutes les comédies.

C'est à quoi l'on s'attache furieusement depuis un temps; et jamais on ne s'étoit si fort déchaîné contre le théâtre. Je ne puis pas nier qu'il n'y ait eu des Pères de l'Eglise qui ont condamné la comédie; mais on ne peut pas me nier aussi qu'il n'y en ait eu quelques-uns qui l'ont traitée un peu plus doucement. Ainsi l'autorité, dont on prétend appuyer la censure, est détruite par ce partage; et toute la conséquence qu'on peut tirer de cette diversité d'opinions en des esprits éclairés des mêmes lumières, c'est qu'ils ont pris la comédie différemment, et que les uns l'ont considérée dans sa pureté, lorsque les autres l'ont regardée dans sa corruption, et con fondue avec tous ces vilains spectacles qu'on a eu raison de nommer des spectacles de turpitude.

Et en effet, puisqu'on doit discourir des choses et non pas des mots, et que la plupart des contrariétés viennent de ne se pas en

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