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Allons.

AMPHITRYON

SOSIE, à Amphitryon.

Je viens, monsieur, subir, à deux genoux,

Le juste châtiment d'une audace maudite.

Frappez, battez, chargez, accablez-moi de coups,
Tuez-moi dans votre courroux,

Vous ferez bien, je le mérite;

Et je n'en dirai pas un seul mot contre vous.

Lève-toi. Que fait-on?

AMPHITRYON.

SOSIE.

L'on m'a chassé tout net;

Et, croyant à manger m'aller comme eux ébattre,
Je ne songeois pas qu'en effet

Je m'attendois là pour me battre.

Oui, l'autre moi, valet de l'autre vous, a fait
Tout de nouveau le diable à quatre.

La rigueur d'un pareil destin,
Monsieur, aujourd'hui nous talonne;
Et l'on me des- Sosie enfin

Comme on vous des- Amphitryonne.

Suis-moi.

AMPHITRYON.

SOSIE.

N'est-il pas mieux de voir s'il vient personne?

SCENE IX.

CLEANTHIS, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POLIDAS, NAUCRATES, PAUSICLES, SOSIE.

O ciel !

CLEANTHIS.

AMPHITRYON.

Qui t'épouvante ainsi?

Quelle est la peur que je t'inspire?

CLÉANTHIS.

Las! vous êtes là-haut, et je vous vois ici!

NAUCRATES, à Amphitryon.

Ne vous pressez point; le voici

Pour donner devant tous les clartés qu'on désire,
Et qui, si l'on peut croire à ce qu'il vient de dire,
Sauront vous affranchir de trouble et de souci.

SCENE X.

MERCURE, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POLIDAS, NAUCRATES, PAUSICLES, CLEANTHIS, SOSIE.

MERCURE.

Oui, vous l'allez voir tous; et sachez par avance
Que c'est le grand maître des dieux,
Que, sous les traits chéris de cette ressemblance,
Alcmène a fait du ciel descendre dans ces lieux.
Et, quant à moi, je suis Mercure.

Qui, ne sachant que faire, ai rossé tant soit peu
Celui dont j'ai pris la figure :

Mais de s'en consoler il a maintenant lieu;
Et les coups de bâton d'un dieu

Font honneur à qui les endure.

SOSIE.

Ma foi, monsieur le dieu, je suis votre valet;
Je me serois passé de votre courtoisie.

MERCURE.

Je lui donne à présent congé d'ètre Sosie;
Je suis las de porter un visage si laid;
Et je m'en vais au ciel, avec de l'ambroisie,
M'en débarbouiller tout à fait.

(Mercure s'envole au ciel.)

SOSIE.

Le ciel de m'approcher t'ôte à jamais l'envie !
Ta fureur s'est par trop acharnée après moi;
Et je ne vis de ma vie

SCÈNE XI.

Un dieu plus diable que toi.

JUPITER, AMPHITRYON, NAUCRATES, ARGATI PHONTIDAS, POLIDAS, PAUSICLES, CLEANTHIS, SOSIE.

JUPITER, annoncé par le bruit du tonnerre, armé de son foudre, dans un nuage, sur un aigie.

Regarde, Amphitryon, quel est ton imposteur,
Et sous tes propres traits vois Jupiter paroître.
A ces marques tu peux aisément le connoître;
El c'est assez, je crois, pour remettre ton cœur
Dans l'état auquel il doit être,

Et rétablir chez toi la paix et la douceur.
Mon nom, qu'incessamment toute la terre adore,
Etouffe ici les bruits qui pouvoient éclater.
Un partage avec Jupiter

N'a rien du tout qui déshonore;

Et, sans doute, il ne peut être que glorieux

De se voir le rival du souverain des dieux.
Je n'y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure;
Et c'est moi, dans cette aventure,

Qui, tout dieu que je suis, dois être le jaloux.
Alcmène est toute à toi, quelque soin qu'on emploie,
Et ce doit à tes feux être un objet bien doux

De voir que, pour lui plaire, il n'est point d'autre voie
Que de paroître son époux :

Que Jupiter, orné de sa gloire immortelle,
Par lui-même n'a pu triompher de sa foi;
Et que ce qu'il a reçu d'elle

N'a, par son cœur ardent, été donné qu'à toi.

SOSIE.

Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule.

JUPITER.

Sors donc des noirs chagrins que ton cœur a soufferts,
Et rends le calme entier à l'ardeur qui te brûle;
Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d'Hercule,
Remplira de ses faits tout le vaste univers.
L'éclat d'une fortune en mille biens féconde,
Fera connoître à tous que je suis ton support;
Et je mettrai tout le monde

Au point d'envier ton sort.
Tu peux hardiment te flatter
De ces espérances données.
C'est un crime que d'en douter.

Les paroles de Jupiter

Sont des arrêts des destinées.

(Il se perd dans les nues.) NAUCRATES.

Certes, je suis ravi de ces marques brillantes....

SOSIE.

Messieurs, voulez-vous bien suivre mon sentiment?
Ne vous embarquez nullement
Dans ces douceurs congratulantes:
C'est un mauvais embarquement;

Et, d'une et d'autre part, pour un tel compliment,
Les phrases sont embarrassantes.

Le grand dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur,
Et sa bonté, sans doute, est pour nous sans seconde;
Il nous promet l'infaillible bonheur

D'une fortune en mille biens féconde,

Et chez nous il doit naître un fils d'un très-grand cœur.

Tout cela va le mieux du monde :

Mais enfin, coupons aux discours, Et que chacun chez soi doucement se retire. Sur telles affaires toujours

Le meilleur est de ne rien dire.

FIN D'AMPHITRYON.

L'AVARE.

COMÉDIE EN CINQ ACTES'.

PERSONNAGES ET ACTEURS.

HARPAGON, père de Cléante et d'Élise, et amou

reux de Mariane.

CLÉANTE, fils d'Harpagon, amant de Mariane.
ELISE, fille d'Harpagon, amante de Valère.
VALÈRE, fils d'Anselme et amant d'Élise.

MARIANE, amante de Cléante, et aimée d'Harpagon.

ANSELME, père de Valère et de Mariane.
FROSINE, femme d'intrigue.

MAITRE SIMON, courtier.

MOLIÈRE.

LA GRANGE.
Mlle MOLIÈRE.
DU CROISY.
Mlle DE Brie.

MADELEINE BÉJART.

HUBERT.

MAITRE JACQUES, cuisinier et cocher d'Harpagon. BÉJART cadet.

LA FLÈCHE, valet de Cléante.

DAME CLAUDE, servante d'Harpagon.

BRINDAVOINE,

LA MERLUCHE, laquais d'Harpagon.

UN COMMISSAIRE, et son CLERC.

La scène est à Paris, dans la maison d'Harpagon.

ACTE PREMIER.

VALERE.

SCENE I VALÈRE, ÉLISE.

Hé quoi! charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi! Je vous vois soupirer, hélas! au milieu de ma joie! Est-ce du regret, dites-moi, de m'avoir fait heureux? et Vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre?

1. L'Avare fut représenté pour la première fois le 9 septembre 1668. Cette comédie est imitée de l'Aulularia de Plaute.

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