Images de page
PDF
ePub

étendu de fon

diffée (XI) dit: J'ai vu Tityus, fils de la terre
long & occupant un espace de neuf plethres.
καὶ Τίτυιν εἶδον γαίης ἐρικυδέος υιὸν

Κείμενον ἐν δαπέδω, ὁ δ ̓ ἐπ ̓ ἐννέα κεῖτο πέλετρα.
Lucréce (Lib. III) a dit à fa maniere:

Qui non fola novem difpenfis jugera membris
Obtineat.

Virgile (Æn. VI.)

Per tota novem cui jugera corpus
Porrigitur.

Tibulle (Lib. I, Eleg. 3.)

Porrecufque novem Tityus per jugera terræ.
Ovide (IV Met.)

Vifcera præbebat Tityus lanianda, novemque
Jugeribus diftractus erat.

Hygin

(Fab. 55.) Qui novem jugeribus ad inferos exporrectus jacere dicitur. Enfin cette étendue de neuf plethres qui, dans le fens d'Homere, vaudroient cent vingt-huit de nos toises, est souvent traduite en françois par l'expreffion de neuf arpens. Je conclus donc que Méla, par quatre jugeres, a entendu quatre plethres, mais qu'il les a compofés lui-même de quatre cents coudées qui durent être dans l'original grec qu'il a copié : & ces quatre cents coudées étoient la valeur du ftade de Marin de Tyr, de Ptolémée & de Héron.

Pline (Lib. XXXVI, Cap. XII) entre dans un grand détail fur les pyramides; voici ce que j'y trouve d'intéreffant pour la matiere que je traite : Ampliffima (pyramidum) octo jugera obtinet Joli, quatuor angulorum paribus intervallis, per octogentos octoginta res pedes fingulorum laterum altitudo, à cacumine pedes XXV. Alterius intervalla fingula per quatuor angulos pares DCC.XXXVII comprehendunt. Tertia minor prædictis, fed multò fpectatior, Ethiopicis lapidibus confurgit CCCLXIII pedibus inter angulos. Je préviens d'abord que je ne ferai pas dans ce moment ufage de ces mots octo jugera, c'eft une traduction d'Hérodote que je réserve pour une autre occafion. J'observe enfuite que Pline attribue aux deux plus grandes pyramides des hauteurs fort différentes, quoique M. Norden qui les a vues & mefurées, les ait trouvées de même hauteur & également de cinq cents pieds danois, mesure qui pourtant me paroît trop grande, à moins qu'il n'entende par

leur hauteur perpendiculaire, l'axe entier jufqu'à la pointe du fommet qui n'existe plus; dans ce cas fa mefure feroit très-jufte, car 500 pieds danois font 483 pieds de France, & nous avons vu par les mefures de M. de Chazelles qu'elles avoient précisément cette hauteur lors de leur conftruction. J'obferve en troifieme lieu que Pline donne à deux pyramides des mesures qui appartiennent à la même ; mais au lieu de octogentos octoginta tres, paffage corrompu, il faut lire nongentos viginti tres, & entendre par le mot pedes des fpithames. Et deflors tout eft clair & exact; la hauteur oblique, ou, comme difent les Géometres, l'apothême de la pyramide tronquée (fingulorum laterum altitudo) étoit de 923 fpithames, fa hauteur perpendiculaire de 737 fpithames, & chaque côté de la plate-forme en-haut étoit de 25 fpithames, d'où l'on déduit par le calcul que le côté de la bafe de la pyramide étoit de 1067 fpithames, & l'axe entier de 754 .

Or, fuivant les rapports donnés par Héron, le ftade contenoit 1066 fpithames; donc le côté de la base étoit d'un ftade; l'axe entier devoit être ftrictement de 754 fpithames.

Il eft fâcheux qu'on foit obligé de difcuter ainfi ces paffages pour en faifir le vrai fens; mais les Auteurs de l'antiquité fourmillent de pareilles difficultés, & nos ouvrages modernes n'en feroient pas exempts, fur-tout pour des étrangers. Les Ecrivains qui traduifent, font dans un ufage blâmable de rendre les noms des mefures, des poids & des monnoies des étrangers par des dénominations qui leur font familieres, mais qui abusent les Lecteurs, & leur font voir des monftres qui auroient disparu fi l'on avoit confervé à ces chofes leurs noms véritables. Je crois néanmoins que tout Lecteur judicieux penfera que les autorités précédentes font fuffifantes pour convaincre que le côté de la pyramide étoit d'un ftade jufte, & qu'on avoit affecté de lui donner en tout fens cette mefure qui étoit celle de l'Egypte. Voyons donc combien de toifes de France contiendroit un degré de grand cercle de la terre, en lui donnant pour mesure cinq cents fois la longueur du côté de la base de cette pyramide, évalué à 684 pieds de Roi; je trouve qu'il contiendroit 57016 toifes ; peut-être ai-je un peu trop retranché de la mesure de M. de Chazelles. La pyramide eft un monument qui mérite d'être examiné de nouveau; il n'y en a point de plus capable de répandre un grand jour fur l'antiquité.

Le second monument que je produirai pour prouver l'exactitude des Anciens dans les mefures de arcs du méridien de la terre, fera la coudée d'Egypte confervée au Caire dans toute fon intégrité, & avec la même grandeur qu'elle avoit du temps d'Hérodote, & même avant Séfoftris, c'eft-à-dire, plus de deux mille cinq cents ans avant l'Ere chrétienne. Mais avant que de tirer des inductions de cette ancienne mesure, il ne fera pas hors de propos de faire connoître quel eft fon ufage en Egypte, & comment durant tant de fiecles elle a pu échapper fans altération aux injures du temps. Un favant Académicien (feu M. Fréret) dans un excellent Mémoire inféré dans les Recueils de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, ayant dit fur ce monument tout ce qu'il eft poffible d'en dire, j'ai cru que je pouvois me borner à rapporter ce que je trouve de plus effentiel dans fon Ouvrage.

La coudée nommée au Caire dévakh, fert principalement à mesurer la crue du Nil. Elle eft marquée sur une ancienne colonne de marbre faifant partie d'un édifice appellé mokkias ou mikkias (ce mot fignifie mefure), placé dans l'Ile de Rodda au milieu du Nil, entre le vieux Caire & Gize. On y observe effectivement chaque jour par le moyen de la colonne graduée, l'accroiffement ou la diminution des eaux du Nil, & c'eft fur cela que les crieurs publics fondent les proclamations qu'ils font de ces événemens, à différentes heures, par la Ville. « Ce dévakh >> eft la mesure la plus authentique & la mieux confervée qui >> nous refte de l'antiquité. Ce point mérite d'être prouvé: on » me pardonnera, dit M. Fréret, fi je m'y arrête, & si je tâche de donner un nouveau jour aux preuves de cette opinion qui » m'eft commune avec de favans hommes qui ont écrit fur les

» mefures anciennes.

» Personne n'ignore que le Nil, groffi par les pluies qui tom>> bent tous les ans en Ethiopie, lorfque le foleil s'approche du » Tropique, inonde l'Egypte réguliérement au temps du folftice, » & que la fertilité dépend de cette inondation, qui non-feule» ment engraiffe les terres, mais qui rempliffant les canaux & » les réfervoirs, fournit aux habitans les eaux néceffaires pour » arrofer leurs champs dans un pays où la pluie eft un phénomene

>> rare.

» La hauteur à laquelle s'élevent les eaux du Nil, lors de fa

» crue, détermine l'étendue des pays qu'elles doivent inonder, » & par une conféquence néceffaire elle regle l'efpérance » de la récolte. Des deux bords du fleuve on a tiré des ca»naux qui portent l'eau dans les endroits les plus éloignés ; » & quand les eaux du fleuve baiffent, on ferme les canaux » avec des digues que l'on n'ouvre que dans l'inondation, mais » feulement à proportion de la hauteur du Nil, pour ne faire » couler dans les canaux que l'eau qu'ils peuvent répandre fur >>> les terres.

» Par-là on voit qu'il doit y avoir un rapport conftant entre » la hauteur du Nil & la quantité d'eau que peuvent recevoir » les terres. Ce rapport n'a pu être connu que par une longue » expérience, dans laquelle on s'eft toujours fervi de la même » mefure. Un changement dans la mefure en eût produit un » dans le rapport, & il auroit fallu marquer un autre nombre >> de coudées pour donner celui qui promettoit une récolte » abondante. Si, par exemple, feize coudées d'augmentation » dans la crue du Nil fuffifoient pour donner l'efpérance d'une » année fertile, en changeant la grandeur de l'ancienne coudée, » ce nombre de feize n'auroit plus marqué la même augmenta» tion des eaux du Nil. Ce principe eft, ce me femble, incon-. » teftable, & delà je fuis en droit de conclurre que fi le nom-. »bre des coudées néceffaire à la hauteur des eaux du Nil pour » donner l'abondance à l'Egypte, n'a point changé depuis le >> temps d'Hérodote, la grandeur de cette coudée eft encore » aujourd'hui la même qu'elle étoit de fon temps. Diodore de » Sicile, Ecrivain affez inftruit de ce qui concerne l'Egypte, dit >> formellement dans fon fecond Livre, que les Rois avoient » foin de publier par toute l'Egypte la quantité de coudées & » de doigts de la crue du Nil; par-là, ajoute-t-il, le peuple eft » inftruit de la quantité de grain de la récolte prochaine : » car les obfervations de ce rapport entre la crue du fleuve & la » fertilité de la terre, ont été mifes par écrit avec grand foin pendant plufieurs générations, & l'on a établi des principes & des regles là de Jus.

[ocr errors]

» Pour ouvrir les canaux du Nil voifins du Caire, & par con» féquent du lieu où étoit autrefois Memphis, on attend que le » Nil fe foit élevé de feize dévakhs, à ce que nous apprennent » Thévenot & Monconis, voyageurs curieux, & dont les obfer

[ocr errors]
[ocr errors]

>vations ont été faites avec exactitude. Si les eaux du fleuve » s'élevent à une moindre hauteur, il y a beaucoup de canaux >> que l'on n'ouvre pas, l'année eft mauvaise; & comme la >> récolte eft à peine fuffifante pour nourrir les habitans, on fait » une remise de la plus grande partie des impofitions.

» C'est par cette raifon que l'on annonce au peuple la crue » du Nil jufqu'à ce qu'il foit à la hauteur de quinze dévakhs : >> alors on ouvre les canaux; & quoique le Nil croiffe encore >> d'une coudée dans les bonnes années, c'est-à-dire, que fes » eaux montent jufqu'à feize dévakhs, on n'annonce plus cette

>> crue.

[ocr errors]

» El Edriffi, Géographe Arabe du douzieme fiecle, nous ap>> prend que de fon temps l'accroiffement ordinaire & convena» ble pour la pleine récolte, étoit de feize coudées de vingt-qua>> tre doigts; que quand il paffoit dix-huit coudées, il caufoit de » grands ravages; & que quand il ne paffoit pas douze coudées, » il y avoit famine.

» Nous voyons par la cinquantieme Lettre de l'Empereur Ju» lien, que de fon temps on publioit l'inondation du Nil dans » toute l'Egypte, lorfqu'il s'étoit élevé à quinze coudées, & que les habitans des lieux voifins de ce fleuve annonçoient cette > importante nouvelle à ceux qui en étoient plus éloignés. »

Pline nous donne un détail très-circonftancié de l'effet que produifoient les divers degrés de hauteur à laquelle s'élevoient les eaux du Nil. Juftum incrementum eft cubitorum fexdecim; minores aquæ non omnia_rigant; ampliores detinent tardius recedendo. In duodecim cubitis Egyptus famem fentit, in tredecim etiamnùm efurit. Quatuordecim hilaritatem afferunt, quindecim fecuritatem, fexdecim delicias. La hauteur convenable des eaux du Nil étoit-elle de feize coudées, il y avoit alors pleine récolte: fi les eaux ne s'élevoient pas jufque-là, elles ne pouvoient être portées partout; fi elles montoient plus haut, elles féjournoient trop longtemps fur les terres. Lorfque la crue du Nil ne paffoit pas douze coudées, la récolte manquoit, à treize & à quatorze il y avoit une mauvaise récolte, & il en falloit au moins quinze pour donner l'affurance d'une récolte fuffifante. C'étoit donc la même chofe au temps de Pline & de l'Empereur Julien, qu'au temps d'El Edriffi & qu'au nôtre.

« Hérodote dit la même chofe pour fon temps; il nous affure

« PrécédentContinuer »