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» que dans les bonnes années le Nil s'élevoit de feize coudées » ou au moins de quinze. Par conféquent le rapport n'a point changé entre la fertilité des récoltes de l'Egypte & le nom» bre des coudées de la crue du Nil; par conféquent la coudée >> qui fervoit de fon temps eft la même que celle d'aujourd'hui. Si » l'on eût changé cette coudée, il faudroit fuppofer qu'il feroit » arrivé un changement proportionnel dans la quantité de l'eau >> des pluies d'Ethiopie qui caufent la crue du Nil, ou dans la » hauteur & l'étendue des terres d'Egypte. Je dis un change>>ment proportionnel; car il faudroit que ce changement eût » été proportionné à celui de la coudée, fans quoi le même » rapport n'eût pu fubfifter. Or bien loin de pouvoir supposer » un tel changement, il n'y a pas même lieu de fuppofer qu'il >> en foit arrivé aucun.

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» Les pluies d'Ethiopie font un phénomene cofmique & dé>> pendant des loix générales de l'univers. L'approche du soleil produit tous les ans ces pluies réglées dans les pays fitués entre » les Tropiques, lorfqu'il approche de leur Zénith. Elles font à» peu-près les mêmes toutes les années, & il n'y a aucun lieu » de croire qu'elles foient aujourd'hui plus ou moins abondan» tes que du temps d'Hérodote. Je fais que d'une année à l'au» tre il y a quelque différence, ce qui caufe l'inégalité de l'inon»dation & celle des récoltes: mais cette différence ne peut » être prife pour un changement conftant & réglé, par lequel » la quantité de ces pluies aille continuellement en augmentant » ou en diminuant. Elle eft tantôt plus grande, tantôt plus pe» tite; la variation est très-sensible d'une année à l'autre, & ne » dépend que du concours des causes accidentelles qui modifient » la cause générale : mais on n'a pu encore y appercevoir aucune » regle, loin d'y pouvoir fuppofer un progrès conftant & fuc» ceffif.

>> On ne peut pas fuppofer non plus qu'il foit arrivé un chan»gement fenfible dans la fituation du terrein de l'Egypte. Ce » pays eft une longue vallée bornée à droite & à gauche par >> deux montagnes de roc: le Nil coule au milieu; & s'il y dépofe un limon pendant l'inondation, la rapidité que fes eaux » ont alors fait qu'elles enlevent quelques parties du terrein fur » lequel elles coulent; enforte que les terres qu'elles amenent » avec elles, ne font que rendre au fol de l'Egypte ce que ces

>> eaux

> eaux lui avoient ôté , pour le porter dans la mer. »

Sur ces raifons & d'autres encore que M. Fréret rapporte dans fon Mémoire, il fe croit en droit de conclurre qu'y ayant le même rapport entre la hauteur des eaux & la quantité des terres inondées, ce rapport ne peut être exprimé par le même nombre de coudées, fi la grandeur de cette coudée a changé: donc cette ancienne coudée d'Hérodote eft la même que le dévakh actuel du Nilométre ou Mokkias qui eft près du Caire. Pour prouver démonftrativement la vérité de l'affertion de M. Fréret, il faut en premier lieu connoître quel eft le rapport du dévakh à notre pied de Roi. M. Gréaves, qui a donné en anglois un Ouvrage fur la grandeur du pied Romain, ayant mefuré actuellement fur le lieu cette coudée avec une très-grande exactitude, l'a trouvée de 1824 milliemes parties du pied d'Angleterre, ce qui revient à 2017 pouces du pied de Roi, ou très-exactement à 1.712 pieds de Roi. Voyons à préfent fi par le moyen de cette coudée nous trouverons la mefure de la terre prife par les Anciens, conforme aux mefurages modernes. Je remarque en premier lieu que quatre cents de ces coudées me donnent un ftade de 684.8 pieds jufte, ou de 114.13 toifes & enfuite que cinq cents de ces ftades donnent 57066 toifes pour la grandeur d'un degré de méridien. On pourroit ajouter ici, comme à la fin d'un théorême en Géométrie : ce qu'il falloit démontrer.

Enfin le troifieme monument propre à nous montrer l'exactitude des Anciens dans leurs opérations géométriques, eft un ftade mefuré à Laodicée, par M. Smith, Anglois, comme on le peut voir dans fon Voyage de l'Afie mineure, & évalué à 729 pieds de Londres, qui valent 684 environ, ou 114.04 toifes jufte de Paris, enforte que cinq cents de ces ftades donnent pour la valeur d'un degré de grand cercle 57020 toifes. Nous l'avons déduite de la bafe de la grande pyramide de 57016 toises, & du dévakh de 57066 toifes; fi nous prenons un moyen proportionnel arithmétique entre ces trois réfultats qui différent peu les uns des autres, nous aurons enfin 57036 toifes € pour la mefure d'un degré de méridien. Confidérons à préfent que la Ville de Tyr, qui eft à-peu-près le centre des pays où ces mefures étoient fuivies, eft à un peu plus de 33° de latitude; & que M. l'Abbé de la Caille ayant mefuré un degré du méridien

par

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la latitude moyenne de 33° 18', l'a trouvé de 57037 toises, & nous ferons obligés de convenir que les Anciens dans les mefures de la terre, avoient été auffi habiles & auffi exacts qu'on l'a été depuis, puifque la différence entre les résultats des opérations des Anciens & celles des modernes n'eft ici que des cinq neuviemes d'une toife fur toute l'étendue d'un degré qui vaut vingt-cinq lieues de France.

Dans les évaluations que je ferai des mefures anciennes, ce ne fera point ce moyen proportionnel qui me fervira de regle: avant que de l'avoir déterminé j'avois fait mon choix, & tous mes calculs étoient effectués fur la coudée du Nilométre; d'ailleurs la différence eft fi peu confidérable entre les trois mefures de degré que je produis, que l'on peut prendre indifféremment celle des trois que l'on voudra; je puis néanmoins alléguer une raifon de la préférence que je donne à la coudée du Nilométre, c'eft qu'il a été plus facile à un voyageur d'en prendre la mesure avec précision; mais fi la pyramide étoit débarraffée des fables qui couvrent fes côtés, & que l'on en prît la mesure avec toutes les précautions néceffaires, je n'hésiterois pas à en regarder le côté de la base comme l'étalon du ftade des anciens Egyptiens. le plus authentique, le plus certain & le moins fusceptible d'avoir été altéré.

Ce n'eft pas tout; ces mefures étalonnées fur la grandeur d'un degré du méridien dont il eft certain que l'établissement subsistoit avant la fondation de Ninive & de Babylone, & la conftruction des pyramides d'Egypte, fubfiftoient encore vers l'an 830 de J. C., & aujourd'hui elles fubfiftent encore probablement en beaucoup d'endroits. MM. Fréret & d'Anville ont fait fur ce fujet de profondes recherches qui me font fort utiles.

La mefure de la terre faite dans les plaines de Sinjar entre le Tigre & l'Euphrate, eft fameufe par l'habileté des Aftronomes que le Calife Almamoun (mort en 832 de J. C. âgé de 49 ans, 217 de l'hégire, Geogr. Elmakin Hift. Saracenica) y employa; ce Prince qui fut le pere des Lettres chez les Arabes, & qui pendant un regne de vingt ans entreprit & exécuta des projets de Littérature qui tirerent les Arabes de l'ignorance où le mépris qu'ils avoient fait de la Littérature grecque, par un zele de Religion mal entendu, les avoit retenus jufqu'alors.

Golius dans fes Notes fur Alfragan (p. 72 & 73) nous ap

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prend le détail de cette opération des Aftronomes d'Almamoun. Il le tire d'Abulphéda & de quelques autres Ecrivains qu'il indi-, que fans les nommer. Les Aftronomes Arabes s'étant donc raffemblés à Sinjar vers le milieu des plaines de la Méfopotamie, par l'ordre du Calife observerent la hauteur du pole dans cette Ville, après quoi fe féparant en deux troupes, ils avancerent, les uns vers le midi & les autres vers le nord, en fuivant toujours la même ligne par le moyen de trois galons ou piquets, & mesurerent exactement le terrein. Lorfque les uns & les autres fe furent éloignés d'un degré entier du point de partance, comme ils s'en affurerent par de nouvelles obfervations, ils se rejoignirent & comparerent ensemble leurs mefures. Elles se trouverent différentes, les uns comptoient 56 milles au dégré, les autres 56.

Qui ne voit qu'il faut lire ici 66 & 66 milles? Une raifon qu'on en peut apporter, indépendamment du témoignage formel de plufieurs Ecrivains Arabes, c'eft que les Aftronomes, au lieu de prendre un moyen proportionnel entre le résultat de leurs obfervations, favoir, 66 milles, préférerent 66, parce que ce nombre étoit conforme aux mefurages des Anciens.

&

Alfragan dit que ces milles font compofés de 4000 coudées noires, Alfond, que Golius (p. 30, lin. 16, textus) traduit par coudées royales. Abulphéda (p. 30, verf, lat.) dit formellement que le mille Arabe contient, felon les Anciens, 3000 coudées, 4000 felon les modernes; mais que cette différence vient de ce que les Anciens fe fervoient de coudées de 32 doigts, au lieu que les modernes fe fervent de coudées de 24 doigts. Alikouschi, Aftronome contemporain d'Oulougbeg, & l'un de ceux qui travaillerent aux Tables de ce dernier, dit la même chose, & donne 66 milles & au degré, & non pas 56. L'Auteur du Kamous, ou Dictionnaire Arabe, dit encore la même chose au fujet des parafanges, qui contiennent, dit-il, 3000 orgyies, c'està-dire, 9000 coudées anciennes & 12000 coudées modernes.

Abulphéda ne nous dit point que les anciens Aftronomes & Géographes Arabes euffent déterminé le rapport des grandes coudées aux petites, mais feulement que les Anciens comptoient trois coudées à l'orgyie ou au pas, & que les Modernes y en comptoient quatre, & il conclud de ce rapport que les coudées anciennes étoient des coudées de 32 doigts, des coudées ha chémiques.

Qij

Le nom d'hachémique qu'on donne à la grande coudée de 32 doigts, femble prouver, dit M. Fréret, qu'elle fut la coudée légale du Calife Almamoun qui régla les mefures, les Arts, le Commerce & la Police de l'Empire des Mufulmans. Il étoit le feptieme Calife de la famille des Abbaffiades, defcendus d'un oncle de Mahomet par Aboul Abbas Saffah, & par conféquent de la tribu Hachem, célebre parmi les Arabes par fon ancienneté, & parce que Mahomet en étoit forti. Voy. d'Herbelot, Bibl. Orient, au mot Hachem.

Les Abaffides qui avoient fuccédé aux Ommiades defcendus de Mohaviah, ennemi juré de la famille du Prophete, fe faifoient honneur de leur alliance avec cette famille & du nom d'Achémites, que l'on donnoit aux parens de Mahomet & même aux partifans d'Ali. Aboul Abbas avoit quitté le féjour d'Aubar & de Coufah, Capitales des Califes Ommiades, pour transférer le Siege du Califat dans la Ville d'Achemiah, qu'il avoit bâtie, & à laquelle il donna ce nom.

Ainfi il y a beaucoup d'apparence que la plus grande des coudées prit le nom de coudée hachémique, de la tribu de Mahomet qui s'étoit fervi de cette coudée & à qui elle étoit comme confacrée.

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Si ce que j'ai dit ne fuffit pas pour prouver que les Arabes comptoient 66 milles & non 56, dans un degré du méridien, j'en ajouterai de nouveaux témoignages. Ce font ceux de plufieurs célebres Aftronomes Arabes qui tous donnent au degré du méridien 66 milles; ils parlent même à ce fujet d'une nouvelle mesure de la terre prife en Arabie entre Coufah & Médine. Il me fuffira de rapporter les paroles d'Edouard Bernard (de Pond. & Menf.): Hafanus, Abuhamedus, Vitelliufque Optici certa veterique apodixi: necnon Nodhamus, Mafudius, & Chafarius Aftronomi celebres captá diftantiâ inter Cufam & Medinam; Syrorum doctiffimus Gregorius Abulpharagus, & Gagminius ex Aftronomis Ologbecicis gradui cuilibet circuli meridiani largiuntur 66 milliaria Arabica, atque parafangas adeo Arabum ac Perfarum 22.

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On trouve, dit M. Danville (Traité des Mefur. Itin.) dans Moïfe de Khorene, Auteur Arménien du cinquieme fiecle, un petit Traité de Géographie, à la fuite de l'Hiftoire qu'il a écrite de fon pays. Dans ce Traité eft une définition des mefures itinéraires propres à l'Arménie. Le stade que l'Auteur appelle Vata

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