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doigts, contenant 130,6 lignes du pied de Paris, a été trouvé dans les fouilles d'une ancienne Ville fur la petite montagne du Châtelet, entre Joinville & Saint-Dizier en Champagne, par M. Grignon, Correfpondant de l'Académie Royale des BellesLettres & de celle des Sciences, (Gazette de France du Vendr. 18 Mars 1774, art. de Paris.)

Feu M. Caffini, de l'Académie des Sciences, ayant mefuré des diftances de Villes qui avoient été évaluées en milles par le's Romains en a conclu le pied Romain de pouces ; mais M. Caffini n'étoit pas affure de l'endroit précis où étoient affifes les pierres milliaires.

Y

On a beaucoup parlé d'un conge d'airain que l'on conferve avec d'autres précieux monumens de l'antiquité, dans le Cabinet de Farnefe à Rome, a moins, dit Eifenchmid, que depuis peu d'années il n'ait été transporté à Parme avec la précieuse collection de médailles que contenoit ce Cabinet. Ce vase a été deffiné: on en voit la figure dans le onzieme Tome des Antiquités Romaines de Grævius, dans le Traité fur les poids & mesures par Lucas Pætus, & dans Villalpandus. Ce conge est décoré d'une pompeufe Infcription que voici :

IMP. CAESARE

VESPAS. VI COS.

T. CAES. AU G. F. IIII.
MENSURE

EXACTE IN
CAPITOLIO
P. X.

On convient généralement que les lettres P. X. fignifient pondo decem, dix livres d'huile qu'il devoit contenir, comme nous le verrons ailleurs. Aujourd'hui ce conge commence à fe reffentir des injures du temps; on y voit des crevaffes dans l'intérieur que Villalpandus, lorfqu'il l'examina, fut obligé de remplir avec de la cire. Il falloit huit conges pour faire une amphore, & Feftus & Fannius nous apprennent que l'amphore étoit la cubature du pied Romain. Le conge du Cabinet de Farnefe, pefe en eau de Trévi 109 onces moins 24 grains, poids de marc, felon M. Auzout qui l'a mefuré & pefé; d'où il fuit que l'amphore auroit pefé en eau de Trévi, 54 livres & , poids de marc; & parce

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que le pied cubique de France, rempli d'eau de riviere, pefe 70 livres &, il s'enfuit que le pied Romain auroit été de 11 pouces &, en fuppofant néanmoins la même pefanteur spéci fique entre l'eau dont s'eft fervi M. Auzout, & celle qui fere d'élément à ce calcul. Au refte on conclut de ce que dit M. Auzout dans le feptieme Tome, premiere Partie, pag. 325, des Mém. de l'Acad. des Sciences, que l'eau contenue dans le conge de Farnese pefoit en eau de la fontaine de Trévi, 109 onces moins 24 grains, ou 109 onces 3 gros 24 grains : je ne fais d'où vient cette contradiction.n

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On conferve dans le Cabinet de la Bibliothéque de fainte Gé neviève à Paris, un autre conge antique Romain; le même M. Auzout l'a rempli d'eau de la Seine, & l'ayant pefé, il a trouvé que l'eau contenue dedans, pefoit 113 onces 2 gros 36 grains; fur ce pied l'amphore auroit pesé en eau de la Seine, 56 livres &, qui s'évaluent à 1390 pouces cubiques &, d'où par l'extraction de la racine cubique, réfulte un pied Romain de ir pouces 2 lignes. Peut-être qu'en examinant de nouveau ce conge, on le trouveroit de jufte mefure; il devroit contenir 185 pouces cubiques & 17,c'est-à-dire, 12 pouces cubiques de plus qu'on ne lui trouve par l'expérience de M. Auzout. abg my Je ne diffimulerai point qu'ayant adopté pendant quelque temps l'évaluation du pied Romain à 130,6 lignes, j'avois toujours été choqué du peu de conformité que je trouvois entre certaines pratiques des Anciens & les nôtres; par exemple, on féme en France huit, neuf, quelquefois dix boiffeaux de bled dans un arpent de cent perches quarrées de 22 pieds linéaires. Les Romains mettoient dans un jugere au moins quatre modius de femence, ordinairement cinq modius, & au plus fix modius; d'où il fuit qu'à proportion nous n'aurions dû femer par arpent que cinq boiffeaux, fix pour l'ordinaire, & un peu moins de huit au plus. Comme le modius eft le tiers de l'amphore, & qu'en augmentant le pied Romain, le modius croîtra comme le cube du pied, tandis que le jugere ne croîtra que comme le quarré du même pied, il eft évident que par cet accroiffement du pied, la quantité de la femence fe trouvera augmentée auffi dans la même étendue de terrein: par exemple, en adoptant le pied Romain qui réfulte du rapport donné par Héron, je trouverai que les Romains femoient au moins à raifon des boiffeaux de bled par arpent de France,

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ordinairement 7 boiffeaux, & au plus 8 boiffeaux, mesure de Paris. Cette confidération de la petite quantité de femence que les Anciens paroiffoient employer, en comparaifon de ce que nous en mettons, jointe à l'accroiffement de cette même quantité qui fuivroit néceffairement de l'augmentation du pied, puifque les cubes des mesures linéaires croiffent dans une raison plus grande que les quarrés, m'avoit déja fait soupçonner quelque défaut dans l'évaluation du pied Romain. Mais un autre motif rend cette rectification indifpenfable.

Car fi la cubature du pied Romain fert à reftituer les mesures de continence ces mesures nous reftituent de même les poids & les monnoies: par exemple, une amphore de mercure pefoit douze cents livres Romaines, felon Vitruve; &, felon plusieurs autres Auteurs une amphore d'huile pefoit quatre-vingts livres. La livre Romaine étoit compofée de quatre-vingt-quatre deniers de ceux qui avoient cours fous les Confuls, ou de quatre-vingtfejze de ceux des Empereurs. Il nous refte de ces deux fortes de deniers affez bien confervés; les deniers Confulaires pefent un peu plus de 74 grains poids de marc de Paris; & les deniers des Empereurs affez précisément 65 grains. Or nous avons vu plus haut un pied contenant 135 lignes, marqué au Capitole par Lucas Pætus, comme la mesure du pied Grec; ce pied approche beaucoup du pied résultant du rapport donné par Héron, cependant il est encore trop petit pour le pied Romain: car fi on prend la cubature de ce pied, & qu'on la fuppofe remplie d'huile, on n'en déduira le denier confulaire que de 73 grains & , & le denier Impérial de 64.11 grains feulement, on trouveroit encore moins par le poids du mercure. Or comme dans une recherche de cette nature, nous ne pouvons nous flatter d'avoir rencontré la vérité, qu'autant que nous aurons trouvé le moyen de faire accorder parfaitement toutes les autorités de l'antiquité; & parce que cet accord parfait eft la preuve incontestable & démonstrative de la folidité de nos combinaisons & de nos évaluations, on ne peut se refuser à admettre le rapport du pied Romain au pied Philétérien, donné par Héron, dans toute fa rigueur & fans en rien rabattre; car il eft d'une précision étonnante, leve toutes les difficultés qui avoient paru infurmontables aux Savans, & fait un fystême géométriquement lié de tous les paffages des anciens Ecrivains, fur la matiere des mefures, des poids & des monnoies.

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Mais quel parti prendre fur tant de pieds anciens que l'on croit être des copies fidelles du pied Romain, faudra-t-il les rejetter absolument ? non. Héron vivoit cent vingt ans avant l'Ere vulgaire, & par conféquent au temps de la République; il nous a donné le vrai rapport du pied Romain, tel qu'il étoit alors avec les mefures de l'Egypte; ce rapport changea dans la fuite, le pied Romain fut altéré & devint plus court: il me femble que l'on peut prouver cette affertion, & que le pied Romain étoit déja moins grand fous l'empire de Vefpafien. En effet, on lit dans Diodore de Sicile (lib. I.) que Séfoftris éleva deux obélifques d'une pierre très-dure, de cent vingt coudées de haut, fur lefquelles il fit graver le dénombrement de fes troupes, l'état de fes finances, & le nombre des Nations qu'il avoit foumifes. D'un autre côté on lit dans Pline (lib. XXXVI, c. IX.) qu'un obélifque qu'Augufte avoit fait placer dans le grand Cirque, & qui étoit un ouvrage du Roi Sennéfertée fous le regne duquel Pythagore avoit été en Egypte, étoit de la hauteur de cent vingt-cinq pieds trois-quarts, outre la bafe qui faifoit partie de la même pierre, mais que celui de Séfoftris qui eft dans le Champ de Mars, étoit moins haut de neuf pieds. Ĉe dernier qui avoit également été transporté d'Egypte par Augufte, ayant neuf pieds de moins que le premier, devoit donc avoir 116 pieds Romains. Par conféquent cent vingt coudées qui font ici des pieds géométriques, vaudroient 116 1⁄2 pieds Romains, & le pied Romain n'auroit été que de 126,99 ou environ 127 lignes du pied de Roi; il ne faut pas néanmoins avoir trop de confiance dans cette comparaifon de mefurages. Je ne dois pas omettre d'observer ici d'après M. Rollin (Hift. Anc. tom. XIII, p. 165.), que cet obélifque eft encore préfentement dans le Champ de Mars à Rome, couché dans les terres, où il traverse les caves des maifons bâties fur fes ruines. Si les cent vingt coudées de Diodore font des pieds géométriques, & que l'obélifque en contînt jufte ce nombre, il doit être de 102.72 pieds de Roi, ou de 102 pieds 8 pouces 7 lignes. Ce monument pourroit servir à juftifier le rapport des mefures anciennes aux nôtres (*).

(*) M. de Montucla m'obferve que depuis ce temps, l'obélifque a été retiré de defTous ces bâtimens par les foins de Benoît XIV, & placé dans une cour voifine où on peut le voir. Angelo-Maria Bandini a fait imprimer à Rome, en 1750, un Ouvrage italien in-fol, fur ce fujet; mais je n'ai pu me le procurer. M. de la Lande dans fon Voyage d'Italie, dit que cet obelifque a 67 pieds de longueur. M. Stuart s'en eft fervi pour déterminer la lon gueur de l'ancien pied Romain: car après avoir montré que la partic qui devoit avoir 73 pieds antiques, a 96587 dixiemes de ligne, il divife ce nombre par le premier, & trouve 10 pouc. 10 lig. 2. Voy. le Voyage de M. de la Lande, Tom. 4, pag. 3 & suiv.

On lit dans le même M. Rollin qu'Auguste n'ofa entreprendre de transporter à Rome un autre obélifque d'une grandeur énorme qui avoit été conftruit fous Rameffés; il avoit de hauteur, felon M. le Beau (Hift. du Bas-Emp. lib. IX, art. XXVII.), cent trentedeux pieds ce doit être un de ceux dont Pline (lib. XXXVI, c. VIII.) parle en ces termes : Ramifes autem is, quo regnante, Ilium captum eft, quadraginta cubitorum (lifez centum quadraginta). Idemque digreffus indè, ubi fuit Mnevidis regia, pofuit alium, longitudine undevicenis pedibus per latera cubitis quatuor. Si 140 coudées ou pieds géométriques valoient 132 pieds Romains, il s'enfuit que dans le Bas-Empire, le pied Romain ne valoit plus que 130.74 lignes du pied de Roi. Cet obélifque devroit avoir 119.84 pied de Roi, à raifon de 140 pieds géométriques. On affure que c'est le même obélifque que Sixte V a fait rétablir & dreffer dans la Place de Saint-Jean-de-Latran.

Mais une obfervation qui peut fervir à prouver que les anciennes mefures Romaines avoient été altérées & négligées, c'eft que fous Valentinien, Valens & Gratien, en 367 (Hift. du Bas-Emp. liv. XVII, art. XIV.), Prétextat, Préfet de Rome, fut obligé de rétablir dans tous les quartiers de cette Ville, de nouveaux étalons pour fixer les poids & les mefures, & contenir la mauvaife foi des Marchands.

L'ancien pied Romain fe retrouve aujourd'hui en Angleterre, en Autriche, en Boheme, en Danemarck, dans le Holstein, dans le Ponthieu en Picardie, en Ruffie, introduit par le Czar Pierre le Grand fous le nom de pied d'Angleterre, en Suiffe, & dans les Villes fuivantes : Anfpach, Augsbourg, Bâle, Berlin, Berne, Befançon, Copenhague, Dieppe, Dijon, Hall en Saxe, Koenigsberg, Leyde, Mayence, Midelbourg, Nuremberg pied de ville, Prague, Rome, Roterdam, Turin, Vienne en Dauphiné, Zurich, & ailleurs, avec quelques diminutions ou augmentations. On peut encore dire que c'eft le pied Rhinlandique.

Plufieurs mesures d'aunages font compofées de pieds Romains anciens; il y en a une d'un pied à Florence & à Livourne; une de deux pieds Romains à Aix-la-Chapelle, Alexandrette, Ancone, Berg en Norwege, en Boheme, à Bologne, Brescia, Breflau Copenhague, Cremone, Damas, Saint-Gall, Lentzbourg en Suiffe, Lucques, Saint-Malo, Mantoue, Milan, Modene, Nancy, Nantes, Novare, Parme, en Piémont, en Pologne, à Prague,

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