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faire étalonner leurs poids & leurs mefures au lieu principal d'où relevent leurs Juftices; mais elles leur donnent à tous la connoiffance des contraventions, quelques-unes même l'attribuent jufqu'au moyen Jufticier. La feule Coutume de Normandie donne la prévention aux Juges Royaux fur les Officiers des Justices feigneuriales. Ces Coutumes qui n'ont commencé que par de fimples ufages introduits par le défordre des temps, ont été depuis reçues au nombre de nos Loix, & revêtues de l'autorité publique. Cependant l'uniformité des mefures procureroit un avantage généralement reconnu : elle a été réalisée en Angleterre, en Dannemarc, en Ruffie, & ce qui la rendroit plus facile & plus praticable en France, c'eft qu'elle eft l'objet des défirs de la partie du Public qui n'a point d'intérêt particulier à voir subfifter dans un même Etat une infinité de mefures de différente jauge & capacité.

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Les monnoies font des mefures, elles font la mesure commune appréciative & comparative de toutes les choses qui entrent dans le Commerce, & c'eft à ce titre que chez les Hébreux & les autres peuples on en confervoit l'étalon conjointement avec ceux des mefures fpécifiques. Autrefois en France, les Seigneurs, les Evêques, les Moines, s'étoient attribué le droit de faire battre monnoie en même temps qu'ils s'arrogerent celui de faire fabriquer pour leurs Seigneuries des mefures & poids particuliers, de maniere que l'on vit alors dans le Royaume autant de différentes fortes de valeurs de monnoies qu'il y avoit de Villes & même de Villages un peu confidérables. On peut juger du défordre & de la confufion qui en réfulterent. Nos Rois ont fait rentrer dans leur Domaine le droit de faire battre monnoie lequel fait une partie néceffaire de la légiflation des mesures qui appartient de droit à la fouveraineté. Ce fut Louis Hutin, pour empêcher les malverfations que les Prélats & les Barons commettoient dans leurs monnoies, réfolut de les priver entiérement de ce droit: mais il trouva tant de réfiftance de la part des intéreffés, qu'il fallut fe contenter de prefcrire par des Ordonnances, la loi, le poids & la marque de leurs monnoies; mais ces Ordonnances furent mal obfervées, les uns affoibliffoient leurs monnoies, & les autres contrefaifoient celles du Roi, ainsi que nous l'apprend une de fes Ordonnances datée du 23 Juin 1317, dans laquelle il dit que ces défordres font cause

qui,

que

le peuple eft fi dommagiez, decu & apovri, que c'il qui fouloit eftre riche font amenuifiez de leur richeffe, & tel y a qui n'ont de quoy vivre, les denrées font encheries, & marchandise délaiffée.

Voilà, dit M. le Blanc, (Traité Hift. des Monn. de Fr. p. 235.) quels font les maux que caufe ordinairement l'affoibliffement des monnoies. Pour arrêter ces défordres, Philippe le Long fit délivrer plufieurs Commiffions aux Baillifs, pour faifir toutes les monnoies des Prélats & des Barons, tant celles qu'ils trouveroient dans les boîtes que dans les forges, pour les envoyer avec les coins à la Chambre des Comptes de Paris, afin d'en faire faire l'effai. Il leur défendit cependant de fabriquer aucune monnoie jufqu'à ce qu'il en eût autrement ordonné. Le Roi d'Angleterre ne fut pas plus exempt que les autres de cette recherche; car par une Commiffion du 13 Décembre 1320, Pierre de Cahours, Maître des monnoies, eut ordre de se transporter à Bordeaux & dans tous les autres lieux de la Guienne, pour faifir les coins & les monnoies que faifoit fabriquer le Roi d'Angleterre.

Le Roi connoiffant de quelle importance il étoit que les monnoies fussent bien réglées dans fon Royaume, & voyant d'ailleurs qu'on n'en viendroit jamais à bout tant qu'il y auroit un fi grand nombre de Seigneurs qui en feroient fabriquer, prit la réfolution de réunir ce droit à fa feule perfonne, en les rembourfant. Depuis cette époque il n'y eut plus en France qu'une feule monnoie, & tout le monde eft convaincu de l'avantage de cette uniformité; mais les mefures fpécifiques font reftées comme plus indifférentes, & chaque petite Ville pofféde les fiennes propres; cependant elles ne font pas moins incommodes dans la circulation du Commerce que l'étoit autrefois la différence des monnoies. L'entreprise de les égaler dans tout le Royaume a néanmoins été tentée plufieurs fois; Philippe le Bel, Philippe le Long, Louis XI, François I, Henri II, ont voulu l'effectuer; il y eut des Commiffaires nommés dans tous ces tempspour y travailler l'ordre étoit de réduire toutes les mefures, tant linéaires que de capacité, aux pareilles & fur les étalons de Paris. Philippe le Long eft peut-être celui de nos Rois qui témoigna le plus de réfolution pour faire exécuter ce projet. Voici comment il s'exprime dans la Commiffion qu'il fit dreffer pour ce fujet, en date du Dimanche avant la Saint-Michel 1321. Comme

:

de

Comme pour le profit de nos Sujets & la réformation nécessaire de notre Royaume, avec la délibération de notre Confeil, Nous nous pourvûmes de faire Ordonnance fur trois chofes. Premiérement, que pour ôter les gros domages qui feulent venir des monnoyes, lefquelles plufieurs feulent battre en diverfes parties de notre Royaume, non pas fans fraude de deue loy & poids, une feule monnoye bon & loyal poids fut faite par Nous. L'autre qu'en noftre dit Royaume où il y a diverfes mefures & divers poids en déception & lézion de plufieurs, fuffent faites de nouvel un feul poids & une feule mefure convenable, defquelles le peuple ufát dorefenavant. La troifieme, que comme par dons & autres titres, moult de chofes qui étoient de noftre patrimoine & de noftre Royaume, ayent été tranflatées à autres perfonnes, icelles chofes fuffent ramenées & remifes meant juftice à noftre Domaine; & ainfi fous une monnoye, un poids & une mefure convenable li peuple marchandât plus feurement à la value & ou prix des chofes : & ce eftant en cette maniere leurs facultez demouraffent en état plus feur, & les chofes aliénées, rappellées & remifes en noftre Domaine, Nous épargnissions plus profitablement nos Sujets de moult de chofes.

La mort du Roi qui arriva au commencement du mois de Janvier fuivant, empêcha l'exécution complette d'un dessein si falutaire & fi profitable à l'Etat.

Les étalons actuels des poids & mefures de Paris ne font pas tous en dépôt au même endroit, ni confiés à la garde des mêmes perfonnes. La toise qui eft l'étalon des mesures linéaires ou longitudinaires, eft confervée en fer, & au grand Châtelet de Paris, & dans le Cabinet de l'Académie des Sciences au vieux Louvre; l'étalon de l'aune dont les Marchands fe fervent pour mefurer les toiles & les draps, eft à la garde des Marchands Merciers dans leur Bureau, rue Quinquempoix; les matrices des mesures de capacité pour les grains & les liqueurs, font dans une des Chambres de l'Hôtel-de-Ville; & le prototype des poids fe conserve & à l'Hôtel de la Monnoie, & au grand Châtelet.

Mefures linéaires. La toife du Châtelet contient 6 pieds de Roi, 72 pouces, 864 lignes; le pied de Roi fe divife en 12 pouces, en 144 lignes; le pouce comprend 12 lignes, 144 points ;

ligne fe divife en 12 points, ou feulement en 10 points pour les Géometres. Suivant une note latine de M. l'Abbé Picard (Anciens Mém, de l'Acad. Roy. des Sciences, tome VI, p. 536),

C

que

le pied des Architectes & Maçons fut réformé en 1668, de forte la toise actuelle eft plus courte de 5 lignes que celle d'alors. Ön ignore par qui & comment fut faite cette réforme, & l'on ne fait aucune des circonftances qui durent l'accompagner. M. de la Condamine ( Mém. de l'Acad. des Sciences, ann. 1772, II. Part. p. 482.) obferve qu'on fait feulement par tradition, que pour donner au nouvel étalon la véritable longueur qu'il devoit avoir, on fe fervit de la mefure de la largeur de l'arcade ou porte intérieure du grand pavillon qui fert d'entrée au vieux Louvre du côté de la rue Fromenteau. Cette ouverture, fuivant le plan, devoit avoir douze pieds de largeur; on en prît la moitié pour fixer la longueur de la nouvelle toife, qui fe trouva plus courte de cinq lignes.

Ce nouvel étalon de la toise est une barre de fer fcellée dans le mur au pied de l'efcalier du grand Châtelet, terminée par deux faillies ou redans en retour d'équerre. Il eft groffiérement conftruit, fes angles font émouffés, les faces intérieures des deux redans, qui doivent comprendre la toife qu'on y présente, n'ont jamais été polies ni limées d'équerre & parallélement l'une à l'autre ; il est d'ailleurs expofé aux chocs, aux injures de l'air, à la rouille , au contact de toutes les mefures qui y font préfentées, & à la malignité même de tout mal intentionné. De-là on doit inférer qu'il eft peu propre à régler les mesures qui exigent un certain degré de précision; auffi les copies qui en ont été prifes par les Géometres & par les Facteurs d'inftrumens de Mathématiques les plus habiles, ne fe font jamais trouvé rigoureusement égales entr'elles. Pour parer à cet inconvénient, M. de la Condamine (Mém. de l'Acad. ann. 1772, II. Part. p. 482.) propofa à l'Académie, le 29 Juillet 1758, d'adopter pour étalon de la toife celle qui avoit fervi à mesurer la terre au Pérou, & qu'il avoit fait faire égale à celle qui fut employée pour la même opération fous le Cercle Polaire. La toife dont il s'agit eft une regle de fer poli de dix-fept lignes de largeur fur quatre lignes & demie d'épaiffeur. M. Godin, aidé d'un Artiste habile; (le fieur Langlois) avoit mis toute fon attention à ajufter la longueur de cette regle fur celle de la toife étalon qui avoit été fixée en 1668, au pied de l'efcalier du grand Châtelet, & en l'ajuftant il avoit obfervé le degré que marquoit le thermometre de M. de Réaumur, c'étoit treize degrés au-deffus de la congélation, qui eft une température moyenne.

La propofition de M. de la Condamine n'eut pas alors de fuccès, par l'oppofition de M. de Mairan qui croyoit plus convenable de préférer celle qui lui avoit fervi à déterminer la longueur du pendule qui fait fes ofcillations dans un feconde, & qui eft plus courte d'environ un dixieme de ligne que celle qui a servi à la mesure de la terre, fuivant la confrontation immédiate qui en a été faite. Mais le 6 Mai 1766, il y eut une Déclaration du Roi, en exécution de laquelle M. Tillet, de l'Académie des Sciences, fit faire environ quatre-vingts toises semblables à celle qui avoit fervi fous l'équateur, qu'on a envoyées, de même que l'aune de Paris & le poids de marc, au Châtelet de Paris & aux Procureurs-Généraux des différens Parlemens: ainfi la toise de M. de la Condamine fe trouve multipliée actuellement & ne fauroit plus fe perdre. On l'a envoyée également en Guyanne, en Corfe, à Vienne en Autriche, à Turin, à Florence, & M. Maskelyne y a rapporté la mesure du degré faite dans l'Amérique Angloife. L'original de toutes ces toifes, qui eft celle de M. de la Čondamine, eft déposé au Cabinet de l'Académie des Sciences, & porte le nom de toife de l'Académie; celle de M. de Mairan a été acquife par M. de la Lande, qui, l'ayant confrontée avec la précédente, actuellement adoptée pour étalon, l'a trouvée plus courte d'un douzieme de ligne.

Aune fervant à Paris à mesurer les étoffes, toiles & Merceries. Il existe une Ordonnance du Roi Henri II, donnée à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'Octobre 1557, & rapportée dans Garrault (Des poids & mefures, fol. 2.) qui déclare que l'aune doit être de trois pieds fept pouces huit lignes de longueur, mesure de Roi. L'étalon où la matrice de l'aune eft, comme nous l'avons dit, confiée aux Gardes des Marchands Merciers, dans leur Bureau, rue Quinquempoix; c'eft, fuivant que nous l'apprenons de M. de la Hire (Mém. de l'Acad. de 1714, p. 398) & de MM. Hellot & Camus (Mém. de l'Acad. ann. 1746, p. 607.), une groffe regle de fer, qui porte vers les extrêmités deux faillies de même métal, qui y font attachées perpendiculairement, & entre lefquelles on peut appliquer la regle que l'on veut mefurer pour en faire une aune ufuelle. Au dos de cette regle étalon on a gravé en groffes lettres capitales que c'eft l'aune des Marchands Merciers & Groffiers, 1554, & elle eft divisée en demis, quarts, huitiemes, feiziemes, tiers, fixiemes, douziemes; mais cette di

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