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des murs n'en contenoit que ce nombre. Il est donc question ici d'une enceinte de 90 grands ftades qui valent 4 lieues de 25 au degré. Mais cet efpace étoit-il curviligne, ou avoit-il une autre figure? Si l'enceinte de la Ville étoit curviligne, la forme circulaire donnera la plus grande fuperficie; la Ville aura 644.6 grands ftades quarrés, ou 6247 arpens, & ne fera guere qu'égale à Paris. Toute autre forme curviligne donnera moins. Mais il est plus probable que le terrein de la Ville étoit rectiligne; alors s'il étoit quarré, tout l'emplacement des édifices avec les rues, n'étoit que de 1 1 lieue quarré. Si cet emplacement n'étoit point quarré, & qu'il eut toute autre forme rectiligne, il étoit encore moindre. D'où il faut conclurre que le maximum de la grandeur de Babylone, confidérée en tant de plan rectiligne, étoit, felon Quinte-Curfe, d'une lieue quarrée plus, compris le lit du fleuve, les Palais, les rues, &c. ce qui revient à 4907 arpens de France. Nous venons de voir que Paris dans fes remparts n'en occupe que 2343, mais en comprenant fes Fauxbourgs il en occupe 6188; il feroit donc d'environ un tiers plus grand que Babylone.

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Si à préfent on fait attention que toute la fuperficie du terrein renfermé dans les murs de Babylone étoit de 78509 arpens, on en conclurra que les terres labourables contenues dans l'enceinte de cette Ville fe montoient à 73602 arpens, fur quoi pourtant il faut défalquer la fuperficie des remparts qui eft d'environ 60 stades nautiques quarrés, ou de 327 arpens; refte donc 73275 arpens que l'on pouvoit labourer. Si ce qu'Hérodote & Strabon difent de la fertilité des terres de la Babylonie est vrai, un arpent de terre dans ce pays pouvoit produire du bled pour la fubfiftance annuelle de foixante perfonnes, comme nous le ferons voir ailleurs: d'où il fuit que dix mille arpens feulement pouvoient produire du bled fuffifamment pour la provifion de fix cents mille ames; & c'en eft peut-être plus que Babylone n'en contenoit, au moins à en juger par un récit vague d'Hérodote (lib. III, cap. CLIX.). << Lorsque les Babyloniens eurent pris la réfolution de se révolter >> contre Darius, fils d'Hiftafpes, ils firent fortir de leur Ville >> toutes les femmes qui avoient eu des enfans, s'en réservant une » feulement qui favoit faire du pain, & l'on fit affembler toutes >> les autres en un endroit où elles furent étranglées, afin qu'elles » ne consommaffent pas les vivres dont ils avoient fait provifion.

» Darius s'étant emparé de la Ville par le moyen de Zopire, fit >> empaler trois mille hommes des principaux Citoyens; mais il >> permit aux autres de demeurer dans la Ville, & voulut qu'ils » priffent des femmes pour en avoir des enfans. Il ordonna donc >> aux Peuples voifins d'envoyer à Babylone un certain nombre » de femmes; & enfin on en fit entrer cinquante mille dont les » Babyloniens d'aujourd'hui font defcendus. » Il me femble qu'on peut inférer delà qu'il n'y avoit dans Babylone que 53000 hommes adultes; fi donc nous donnons à chaque homme deux femmes, & à chaque femme deux enfans, nous trouverons par ce calcul que la population de Babylone ne devoit pas paffer 371000

ames.

Cette fameufe Ville fut prife la premiere fois par Cyrus qui la conferva & l'embellit; s'étant révoltée fous Darius, elle fut prise une feconde fois par ce Prince qui en fit rafer les murailles & abattre les portes. Je ne fais ni quand ni comment ses murs furent rebâtis; mais les Hiftoriens d'Alexandre le Grand parlent de Babylone comme d'une Ville subsistant encore dans toute fa fplendeur.

Selon Strabon (lib. XVI.), la_Ville de Ninus ou de Ninive étoit beaucoup plus grande que Babylone. On lit dans le Prophete Jonas que Ninive étoit une grande Ville de trois jours de chemin : Ninive civitas magna itinere trium dierum. Il paroît que l'on entend ici que cette Ville avoit de longueur ou de traversée trois journées de chemin. Ce qui confirme cette opinion est ce qu'on lit encore dans Jonas: Et cœpit Jonas_introire in civitatem ùinere diei unius, & clamavit, & dixit, &c., & Jonas s'étant avancé d'une journée de chemin dans la Ville, &c. Je crois avoir lu quelque part ailleurs, dans quelque Commentaire de la Bible, que la traversée de cette Ville étoit d'une journée de chemin. Quoi qu'il en foit, cette Ville bâtie par Ninus étoit un parallelogramme ou quarré long. Sa longueur, au rapport de Diodore de Sicile (lib. II.), étoit de 150 ftades, & fa largeur de 90: ce qui fait en tout 480 ftades de circuit. Les murailles avoient 100 pieds de haut, & trois chariots pouvoient paffer de front fur leur épaiffeur. Elles étoient encore fortifiées de quinze cents tours dont chacune avoit 200 pieds de hauteur. Cette Ville n'auroit pas eu plus de périmetre, & auroit été beaucoup plus petite que Babylone, s'il s'agiffoit ici de ftades nautiques; mais nous avons vu

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que Diodore donnoit les mesures de Babylone en grands ftades Afiatiques, & l'on doit préfumer qu'il donne les mesures de Ninive exprimées en la même forte de ftades. La longueur de cette Ville étoit donc de 7 lieues qui peuvent faire une journée de chemin ordinaire; fa longueur étoit de 4 lieues; fon circuit de 24 lieues qui peuvent valoir trois journées de chemin, chacune de 8 lieues; & fon aire contenoit 33 lieues quarrées ou 130849 arpens de France. Diodore ainfi que Strabon regardent cette Ville comme la plus grande qui ait jamais été, & je crois qu'ils ont raison. Mais fans doute que la plus grande partie du terrein renfermé dans fes murs confiftoit comme à Babylone en terres labourables. Je penfe d'après cela qu'on peut expliquer Jonas en difant que l'enceinte de Ninive étoit de trois journées de chemin; & Jonas entrant dans la Ville & employant un jour à la traverfer, crioit & difoit: Encore quarante jours & Ninive fera détruite & c'eft probablement le fens du texte. Philon de Byzance, qui fur le témoignage des plus anciens Hiftoriens, donne 360 ftades à l'enceinte de Babylone, ajoute que c'eft le chemin que peut faire un Voyageur dans une journée entiere. Un Voyageur ordinaire ne peut point faire 18 lieues dans une journée entiere; mais c'eft en confondant le grand ftade Afiatique avec le ftade pythique qui étoit celui du pays de Philon, que cet Ecrivain dit que l'enceinte de Babylone n'étoit que d'une grande journée de chemin. Les 360 ftades pythiques valent 12 lieues, & peuvent être parcourus dans un jour; mais 360 ftades Afiatiques grands valent 18 lieues & deux journées de chemin, chacune de 9 lieues de vingt-cinq au degré.

Nanquin dans l'enceinte de fes murs a, felon les uns , 34 mille toifes de tour, felon d'autres 27 mille; le P. Noel lui donne 80 lis qui valent 23600 toifes: & dans cette mesure on ne comprend point les Fauxbourgs au moins égaux à la Ville. Cette Ville feroit donc au moins auffi grande que l'étoit Babylone; aussi donne-t-on à Nanquin près de trois millions d'habi

tans.

L'enceinte de Rome étoit, felon Pline (lib. III, cap. II.), de 13200 pas Romains qui valent 10 milles François & 462 toifes, d'où il fuit qu'en rectifiant pour la mesure l'étendue du plan de l'ancienne Rome dreffée par les Savans, on trouve que l'aire de: cette Ville feroit de 4 milles François & 243 toifes quarrées.

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Strabon donne 180 ftades de contour à Syracufe; Dion Chrysostôme en donne 200 à la Ville d'Athenes. Strabon étoit originaire d'Amafie dans le Pont, & Dion étoit de Prufe en Bithi nie. Si ces deux Auteurs ont employé dans ces mesures le ftade nautique, Syracuse avoit 6 lieues ou 13 milles François, & 122 de circuit; & Athenes 7 lieues ou 17 milles & 122 &, ce qui ne s'accorde pas avec ce que dit Denis d'Halicarnaffe, qui affure que l'enceinte des murs de Rome étoit à-peu-près égale à celle des murs de la Ville d'Athenes; & avec ce que dit Plutarque dans la vie de Marcellus, que la Ville de Syracuse étoit aufli grande que celle d'Athenes.

Si l'on jugeoit de la grandeur de ces deux Villes par leur périmetre, on les trouveroit plus grandes que Paris, & l'on pourroit se tromper; car l'enceinte d'une Ville ne peut déterminer fa grandeur, à moins que l'on n'y ajoute la forme de fon plan. Il feroit peut-être poffible que ce qu'il y a de maifons dans Paris exigeassent une enceinte de cent lieues; il n'y auroit qu'à les mettre toutes fur une même ligne & les unes au bout des autres. Je connois près de Châlons en Champagne un Village appellé Courtizon, auquel on donne une lieue de longueur, autant qu'en a Paris, mais ce Village n'a qu'une rue; & quoiqu'il puiffe avoir plus de deux lieues de circuit, il n'eft pas pour cela comparable à une Ville de deux lieues de tour qui feroit de figure ronde ou quarrée.

pas

L'Hiftorien Josephe (Bell. Jud. lib. V, c. 4.) évalue tout le cir cuit de Jérufalem à 33 ftades qui valent 3767 toifes; le même Auteur dit (lib. I.) qu'Hécatée d'Abdere en Thrace, qui avoit écrit un Livre fur la Nation Juive, donne de circuit à cette même Ville environ 50 ftades. Ces ftades étant pris ici pour des ftades pythiques vaudront 3805 toifes: ces deux mefures se rapportent fuffifamment; car Hécatée ne donne à la Ville so ftades précisément, mais à-peu-près cinquante. D'après le plan de Jérufalem dreffé exactement pour la forme & les proportions, on trouve en le rectifiant par cette mefure, que cette Ville pouvoit être un dixieme de là Ville de Paris dans fon étendue entiere. Selon le même Hécatée, allégué par Jofephe, la population de Jérufalem fe montoit à environ cent vingt mille ames, d'où il fuit qu'à proportion Paris contiendroit un million deux cents mille habitans. Je fais qu'on dit vulgairement que cette der

niere Ville contient effectivemennt un million d'ames; mais ceux qui ont examiné la chofe de plus près, comme M. du Pré-deSaint-Maur, dans fon Effai fur les Monnoies, ne font ter la population au-deffus de fix cents mille ames, en comprenant dans ce nombre les enfans qui viennent de naître.

pas mon

L'arche de Noé est un monument affez intéreffant pour qu'on défire d'en voir la mesure; on en trouve les dimenfions dans la Genèfe (VI, 15.). C'étoit un grand Vaiffeau de 300 coudées de long, so de large & 30 de hauteur avec trois étages. Si l'on applique ici la coudée des Architectes, autrement la coudée Xylopriftique, on trouvera que ce Vaiffeau avoit de long 385.2 pieds ou 64.2 toifes, de large 64.2 pieds ou 10.651 toises, & de haut 38.52 pieds ou 6.42 toifes. Chaque étage étoit de 683.8 toifes quarrées, & les trois étages enfemble 2051 toifes quarrées, qui font une étendue d'un peu plus d'un arpent & demi à la mefure du Roi.

La mer d'airain du Temple de Salomon étoit un grand vafe de cuivre jetté en moule. C'étoit un cylindre de cinq coudées facrées, ou de dix pieds géométriques de profondeur, fur dix coudées facrées ou 20 pieds géométriques de diametre intérieur. Il étoit revêtu par en-haut d'une ceinture ou cordon de même métal, orné de fculptures, qui lui donnoient extérieurement la forme d'une coupe évasée ou d'un cone tronqué renverfé. Il contenoit deux mille bathos, ou bien trois mille bathin ou métrétès Hébraïques. Fecit quoque (Salomon) mare fufile decem cubitorum à labio ufque ad labium rotundum in circuitu: quinque cubitorum altitudo ejus, & refticula triginta cubitorum cingebat illud per circuitum. Et fculptura fubter labium circuibat illud decem cubitis ambiens mare: duo ordines fculpturarum ftriatarum erant fufiles, & ftabat fuper duodecim boves, è quibus tres refpiciebant ad aquilonem, & tres ad occidentem, & tres ad meridiem, & tres ad orientem, & mare fuper eos defuper erat, quorum pofteriora univerfa intrinfecus latitabant. Groffitudo autem luteris, trium unciarum erat : labiumque ejus, quafi labium Calicis, & folium repandi lilii: duo millia bathos capiebat (III Reg. VII, 23, &c.). La defcription que fait Jofephe (Ant. Jud. lib. VIII, c. II.) de ce vafe, eft conforme à celle qu'on vient de voir. Mais au quatrieme Chapitre du fecond Livre des Paralipomenes, on lit que la mer d'airain contenoit trois mille bathim que la Vulgate rend par le mot de métrétès.

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