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ce que les Grecs appellent dans leur langue talanion.

Le talent des Hébreux valoit trois mille ficles, c'est ce qui réfulte de l'analyfe de quelques paffages des Chapitres XXX & XXXVIII de l'Exode. On lit (cap. XXX, verf. 13, 14 & 15.) qu'entre les Ifraëlites, ceux qui feroient âgés de vingt ans & plus, fourniroient, tant les pauvres que les riches, chacun un demi-ficle pour la conftruction du Tabernacle: Hoc autem dabit omnis qui tranfit ad nomen, dimidium ficli juxta menfuram templi. Siclus viginti obolos habet. Media pars ficli offeretur Domino. Qui habetur in numero, à viginti annis & fupra, dabit pretium. Dives non addet ad medium ficli, & pauper nihil minuet; & l'on voit (cap. XXXVIII, vers. 25, 26, 27 & 28.) que le nombre de ceux qui avoient vingt ans & plus, étoit de fix cents trois mille cinq cents cinquante, & que la fomme d'argent perçue fe monta à cent talens avec un excédent de dix-fept cents foixante-quinze ficles. On fera bien ici de confulter le texte Hébraïque, qui eft plus précis & plus clair que les traductions; voici cependant la traduction de la Vulgate : Oblatum eft autem ab his qui tranfierunt ad numerum à viginti annis, & fupra, de fexcentis tribus millibus, & quingentis quinquaginta armatorum. Fuerunt centum talenta argenti, è quibus conflatæ funt bafes fanctuarii, & introitus ubi velum pendet. Centum bafes factæ funt de talentis centum, fingulis talentis per bafes fingulas fupputatis. De mille autem feptingenis & feptuaginta-quinque (ficlis), fecit capita columnarum , quas & ipfas veftivit argento.

La mine chez les Hébreux s'appelloit minah ou maneh, ou mané, felon S. Epiphane, & elle étoit compofée de foixante ficles, comme on le prouve par Ezechiel (cap. XLV, verf. 12.): Siclus autem viginti obolos habet. Porrò viginti ficli, & viginti-quinque ficli, & quindecim ficli minam faciunt : d'où il fuit que le talent Hébraïque valoit cinquante mines. Mais la mine fe divifoit en deux litres ou livres & demie de douze onces chacune, c'eft ce que nous apprenons de Jofephe (Axa, lib. XIV, cap. 12.): de uva was n MEV'IXEL XITρas B'. Nov; c'est-à-dire, la mine chez nous fe divife en deux livres & demie. Cette livre contenoit donc vingt-quatre ficles, & nous lisons dans S. Epiphane qu'elle contenoit douze onces; donc l'once valoit deux ficles. Saint Epiphane dit auffi que l'once eft de deux ftateres, & que la ftatere, qui eft une demionce, vaut un didrachme Antique : la ftatere & le ficle étoient donc la même chose.

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De ce que nous venons de dire il fuit que le talent Hébraïque valoit cent vingt-cinq livres de douze onces, c'eft ce que nous apprend encore S. Epiphane; le talent, dit-il, qui eft le plus grand des poids, vaut cent vingt-cinq livres de douze onces; & il le répéte deux fois. Suidas & Héfychius difent la même chofe; le témoignage de Héron le Jeune ou le Martyr y eft formel.

Saint Epiphane dit que l'once eft de deux ftateres ou de huit drachmes. Saint Jérôme fur Ezéchiel ( cap. III.) dit que le ficle eft la ftatere & de la valeur de quatre drachmes: Siclus ftater eft, hoc eft drachmæ quatuor. La mine des Hébreux contenoit donc foixante ficles ou ftateres & 240 drachmes Afiatiques, & la litre Hébraïque vingt-quatre ficles & quatre-vingt-feize drachmes Afiatiques, comme les mêmes poids en Egypte, fuivant les Auteurs de Galien.

Le talent tant de l'Egypte que de la Paleftine devoit contenir également trois mille ficles & douze mille drachmes: auffi Feftus évalue-t-il le talent d'Alexandrie à douze mille deniers, qui font les douze mille drachmes en queftion. Je trouve dans Prifcien un talent évalué à quatre-vingt-trois livres Romaines plus quatre onces, ce qui fait mille onces: fi l'on divife ces mille onces par le nombre de fois que la grande mine étoit contenue dans le talent, favoir cinquante, on aura au quotient vingt onces Romaines pour la valeur de la mine Egyptienne & Hébraïque, précisément comme l'ont évaluée les Auteurs de Galien. Mais S. Epiphane nous arrêteroit ici, fi nous le trouvions plus exact ailleurs; il l'eft quelquefois, mais le plus fouvent il nous trompe; il dit que la mine Italique eft de quarante ftateres, de vingt onces ou d'une livre deux tiers. Ce n'est ici qu'une compilation de la même faute que nous avons déja vue dans un des Tarifs inférés dans les Œuvres de Galien, & qui eft amplement réfutée par tout ce que nous avons dit. Nous rapporterons d'autres témoignages des Anciens pour confirmer de plus en plus que les rapports des poids que nous avons tirés de Galien, font exacts; nous les joindrons à l'article particulier de chaque efpece de poids dans l'énumération plus étendue que nous allons en faire. Mais ce qui doit mettre le sceau de la conviction à tout ce fyftême, c'eft la comparaifon des poids anciens par le moyen des monnoies encore exiftantes aujourd'hui, & confervées avec foin dans les Cabinets des Savans & des Curieux,

On faura d'abord 1°. que la livre poids de marc de France se divife en 2 marcs, 16 onces, 128 gros ou drachmes, 384 deniers ou fcripules, 9216 grains; 2°. que l'once fe divife en 8 gros ou drachmes, 24 deniers ou fcripules, 576 grains; 3°. que le gros ou la drachme contient 3 deniers ou fcripules, & 72 grains; 4°. que le denier ou fcripule contient 24 grains; 5°. que le grain fe divife encore quelquefois en 24 primes. C'est à ce poids qu'il s'agit à préfent de comparer les poids anciens; j'emploierai pour cela différens procédés : voici le premier.

Nous lifons dans Hérodote (lib. I, n°. L.) que Créfus, Roi de Lydie, fe difpofant à faire la guerre aux Perfes, avoit envoyé à Delphes confulter Apollon fur le fuccès que devoit avoir cette entreprise. Parmi les riches préfens qu'il fit au Dieu, l'Historien fait mention de demi-plinthes ou demi-carreaux, au nombre de cent dix-fept, dont chacun avoit fix paleftes de longueur, trois de largeur & un d'épaiffeur; quatre étoient d'or pur, d'or fin, ou de coupelle, driqon xpuσou réapa, & les autres d'or blanc λεvxoû Xpvooï : c'étoit un alliage d'or & d'argent. Chacun des demi-carreaux d'or pur étoit du poids de trois talens, & les autres pefoient chacun deux talens.

Valla, Traducteur latin d'Hérodote, au lieu d'entendre que les demi-plinthes avoient fix paleftes fur leurs plus grands côtés, trois fur leurs plus petits, & une palefte de hauteur, fait dire à Hérodote que les plus grands demi-plinthes avoient fix palmes, & les plus petits trois palmes, & une palme de hauteur, ce qui fait un contre-fens manifefte. Il y a dans le texte : ÉV Ta μaxpоTepa (fupple πλευρα) ποιέων ἐξαπάλαισα, ἐπὶ δὲ τὰ βραχύτερα (fupple πλευρά) τριπάλαισα. ὕψος δὲ παλαισιαια. Ce Traducteur a auri rendu Tpla nμtáλavra par deux talens & demi: Singuli pondo duoτρία ἡμιτάλαντα rum & dimidii, & en cela il n'a pas obfervé les regles ordinaires de la Grammaire, qui prescrivent qu'on traduife trois demi-talens, e'eft-à-dire, un talent & demi. Il a fenti fans doute qu'il étoit abfurde de dire que les demi-carreaux d'or purifié par le feu, ne pefaffent qu'un talent & demi, tandis que les demi-carreaux d'or blanc pefoient deux talens. Mais foit qu'il y ait faute de la part de l'Hiftorien, foit que cet endroit ait été altéré ou corrompu par les Copiftes, au lieu de τρία ἡμιτάλαντα, il faut lire τρία μὴν τά λαντα, ou bien τρία μὲν τάλαντα, ce qui fignifie tria quidem talenta, trois talens,

Ce mot grec plinthe fignifie proprement une tuile; mais en terme d'Architecte, le plinthe eft un folide quarré qui entre dans la compofition des colonnes des cinq ordres. Пwéia exprime un bataillon quarré; on ne peut donc pas douter que πλινθιον, qui eft un diminutif de λos, ne fignifie un petit folide prifmatique, ayant fes faces latérales rectangulaires, & que μov ne foit une lame prife dans un tel folide, c'est-à-dire, un parallelipipode, ayant ici fix paleftes de longueur, trois de largeur & un d'épaisseur, ce qui fait dix-huit paleftes cubiques. Evaluons cette folidité en pouces du pied de Roi fur le palme du pied pythique, qui est celui de Delphes; je la trouve de 214 pouces cubiques & un peu moins d'un dixieme. Suppofant à préfent que ces demi-plinthes étoient les uns d'or pur, & les autres également d'argent pur, les premiers donneront la valeur du talent de 56.60 livres poids de marc, enforte que la grande mine Afiatique qui en fera déduite, se trouvera de 18.110 onces de Paris. Les plinthes d'or blanc fuppofés de l'argent pur, ne donneroient pour le talent que 47.93 livres. C'est trop peu, & l'on en doit inférer que ce que l'Hiftorien appelle de l'or blanc, eft ici un alliage d'environ un quart d'or fur trois quarts d'argent; car alors le talent qui en feroit déduit, vaudroit cinquante fept livres poids de marc. Chacun des plinthes d'or vaudroit au moins 180000 liv., & chaque plinthe de l'alliage 540co liv., en fuppofant décuple la proportion de l'or & de l'argent, comme elle l'étoit chez les Anciens enforte que les 117 demi-plinthes feroient de notre monnoie 6822000 liv.

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Le fecond moyen que nous employons pour déterminer le port de la mine Asiatique aux poids de Paris, eft le poids de ce que l'hémine Afiatique pouvoit contenir d'eau pure. Nous avons dit en parlant de ce vafe qu'il avoit été imaginé pour fervir d'étalon à la petite mine ou litre par fa continence en eau; & comme il falloit deux & demie de ces petites mines pour faire la grande, nous en déduifons la grande mine de 18.234 onces de Paris en fuppofant que c'étoit de l'eau de pluie dont elle contenoit une livre, & de 18.398 en fuppofant qu'elle contenoit une livre d'eau de riviere.

Le troifieme moyen eft de la déduire de l'amphore Romaine qui contenoit 80 livres d'huile, on la trouve de 18.269 onces de

Paris.

Le quatrieme moyen eft de la déduire encore de l'amphore Romaine

Romaine qui contenoit douze cents livres de mercure-vierge ou vif-argent, felon Vitruve; elle eft de 18.212 onces.

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Le cinquieme moyen eft de la compofer des monnoies Hébraïques qui nous reftent. Edouard Bernard (de Menf. & Pond. lib. 11, pag. 128 & 129.) ayant examiné & pefé avec la plus fcrupuleufe exactitude, une once Afiatique ou double ficle d'argent revêtu de caracteres Samaritains, mais qu'il prend pour un ficle, cette piece s'est trouvé balancer deux cents quatre-vingt-huit grains de la livre de Troy d'Angleterre, ce qui revient à trois cents cinquante & un grains de la livre, poids de marc de France. Plufieurs pieces de monnoies des Inles Grecques voifines de l'Afie, de Thase, de Ténédos, de Rhodes, &c. & des Villes de Périnthe, de Lariffée, de Meffine & de Carthage, portant toutes le caractere de la plus haute antiquité, ont été également trouvées par le même Edouard Bernard de douze pennys ou de 288 grains de la livre de Troy. Toutes ces monnoies que ce Savant prend pour des tétradrachmes étoient des octodrachmes ou diftateres. Il a pefé encore d'autres pieces également de l'Ifle de Thase, qu'il appelle tridrachmes, mais qui étoient des hexadrachmes; elles contenoient le poids de neuf pennys de la livre de Troy. Un hexadrachme de Mithridate Eupator pefoit auffi environ neuf pennys. Un didrachme d'Alcibiade que l'Auteur appelle drachme contenoit trois pennys du poids de Troy. La mine Afiatique déduite du poids de ces monnoies, favoir, de trente onces d'argent, de quarante hexadrachmes & de cent vingt didrachmes, fera de 18.284 onces de la livre de Paris.

Le fixieme moyen de rétablir la grande mine Afiatique & Egyptienne eft de la compofer de cent vingt-cinq drachmes Attiques. Eifenfchmid (de Pond. & Menf. pag. 42.) affure avoir trouvé le poids de 333 grains de la livre de Paris à un tétradrachme trèsancien & très-bien confervé qu'il avoit en fa poffeffion. Ce tétradrachme étoit caractérisé par une Pallas cafquée du côté de l'effigie, & par une chouette au revers accompagnée d'un rameau d'olivier & de cette épigraphe AE. Le même Eifenfchmid en a pefé plufieurs autres qui fe font trouvés plus foibles de quelques grains, mais auffi qui étoient visiblement endommagés. Le P. Merfenne (de Menf. & Pond. p. 26.) a examiné des tétradrachmes Attiques de 310 grains, c'eft trop peu. Edouard Bernard a trouvé aux drachmes Attiques les plus entieres, fans l'être parfaitement,

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