Images de page
PDF
ePub

On y remarque que deux talens y font évalués à quatre fois quarante livres ou mines Romaines, c'eft-à-dire, à 160 livres, dont la moitié eft 80 livres pour la valeur d'un talent; ainfi ce que Servius avoit vu dans Plaute n'exiftant point, fon autorité tombe d'elle-même.

Le talent appellé Euboïque & le talent Attique étoient le même & de même valeur. Cette égalité fe conclut de deux passages, l'un de Tite-Live, que nous avons déja rapporté dans ce Chapitre, & l'autre de Polybe (Legat. XXV, pag. 817.). Tite-Live parloit du Traité de paix des Romains avec Antiochus ; Polybe nous a confervé les articles de ce même Traité, conçus en ces termes : A γαρ αυτούς, εκ τε της ευρωπης εκχωρειν, και της Ασίας της επι ταδε τον Ταυρον πασης, προς δε τοντοις, Ευβοικα ταλαντα επιδούναι μυρια και TeTaxioXixia Papaios, &c. c'est-à-dire, qu'Antiochus s'obligeroit d'évacuer l'Europe & toute l'Afie jufqu'au mont Taurus, & que de plus il payeroit aux Romains quinze mille talens Euboïques pour les indemnifer des frais de la guerre. Le paiement en fut ainsi réglé cinq cents talens comptant; deux mille cinq cents quand le Sénat auroit ratifié le Traité, & le refte dans l'efpace de douze ans, à raison de mille talens par an. Tite-Live qui nous a énoncé cette derniere partie de la taxe impofée à Antiochus, fous l'expreffion de douze mille talens Attiques, nous la préfente de nouveau fous celle de douze mille talens Euboïques. Voici le texte de TiteLive (lib. XXXVII.): Europa abftinete, Afiáque omni quæ cis Taurum montem eft, decedite. Pro impenfis deinde in bellum factis, XV millia talentúm Euboïcûm dabitis : quingenta præfentia: duo millia & quingenta cùm Senatus populufque Romanus pacem comprobaverit : mille deindè talenta per duodecim annos. Ainfi par ce qu'on vient de dire il eft évident que le talent Attique & le talent Euboïque sont absolument le même, & de même valeur. On croit communément que l'expreffion, talent Euboïque, fignifie talent de l'Ile d'Eubée; je penfe au contraire qu'il fignifie talent de bon argent. Théfée, Roi d'Athenes, avoit fait battre fa monnoie avec la figure d'un boeuf, en mémoire de fa victoire fur le taureau de Marathon, ou bien pour d'autres raifons on en prit occafion d'appeller bauf cette monnoie; & lorfqu'elle étoit d'argent fin, ce qui étoit ordinairement, on l'appelloit bon bœuf, euboicon: & cette expreffion fe conferva lors même que la monnoie d'Athenes ne porta plus l'empreinte d'un bœuf. Tite-Live, i l'on veut y prendre garde,

nous explique, fi je ne me trompe, le mot euboïque, par ces paroles: Argenti probi Attica talenta duodecim millia dato; & c'est, je penfe, comme s'il avoit écrit: Argenti euboica Attico pondere talenta duodecim millia dato : & telle est visiblement la raifon pour laquelle Tite-Live & Polybe écrivent indifféremment, l'un argenti probi Attica talenta, & l'autre euboica talenta, ce qui revient au même. Si la définition que nous donnons ici du mot euboïque eft la véritable, on ne hazardera rien en avançant que cette dénomination ne convenoit pas plus à la monnoie Grecque de bon aloi, qu'à celle de tout autre pays, qui étoit de même qualité; & la monnoie d'Afie, par exemple, fabriquée d'un métal auffi pur qu'à Athenes, n'étoit pas moins de la monnoie Euboïque, il n'y avoit de différence que dans le poids & le volume, qui n'étoient pas les mêmes, & qu'il falloit déterminer, pour qu'une piece de monnoie fût fuffifamment caractérisée. Feftus nous donne une définition du talent Euboïque, qui ne nous apprendra rien, finon qu'il faut corriger Feftus; la voici : Euboicum talentum nummo Græco Septem millium & quingentorum ciftophorum eft: noftro quatuor millium denariorum. Si en nous conformant à peu près à la correction que M. de la Bare a faite de ce paffage dans un Mémoire imprimé avec ceux de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, dont il étoit, ferions-nous blâmables d'interpréter ainfi Feftus ? Euboicum talentum mille & quingentorum ciftophorum eft, feptem millium denariorum. L'ouvrage de Feftus tel que nous l'avons, eft ce qu'on a pu tirer d'un manuscrit réduit en pourriture; il a fallu rapprocher convenablement les morceaux détachés du rouleau qui le contenoit; enforte qu'avec toute l'intelligence poffible de la part du Rédacteur, il eft bien difficile qu'il ne fe foit pas mépris plus d'une fois, & qu'ici, par exemple, il n'ait pas mis avant le mot ciftophorum, ces autres, feptem millium, feptem millium, qui conviennent au denier de Papyrius, auquel probablement Feftus avoit réduit le talent Euboïque. Si Feftus ajoute les mots nummo Græco, ce n'eft raifon fuffifante, ce me femble, pour en conclurre que ce Grammairien parle ici d'un talent de la Grece: fi l'Auteur a extrait cette définition d'un écrit Grec, cela lui aura fuffi pour lui faire ajouter ces mots, nummo Graco, comme l'ont fait tant d'autres Compilateurs anciens. A ce paffage nous pouvons en ajouter un autre du même Auteur: Talentorum non unum genus. Atticum eft fex millium denarium. Rhodium & ciftophorum quatuor millium, & quingen

pas une

torum denariûm. Alexandrium XII. denariûm. Naapolitanum VI. denarium. Syracufanum ÏÏÏ. denarium. Oferai-je me permettre de rectifier & d'expliquer ainfi ce paffage? Talentorum non unum genus. Atticum eft fex millium denariûm (drachmarum Atticarum). Rhodium eft ciftophorum mille & quingentorum, denariûm feptem millium. Alexandrinum XII. denarium ( Afiaticorum). Neapolitanum VI. denariûm (drachmarum Atticarum feu didrachmorum Afiaticorum). Syracufanum III. denarium (id eft ficlorum).

J'avoue qu'en quelques points je tranche plutôt fur Feftus, que je ne le corrige par des raifons folides; voici cependant celles que je puis alléguer. Nous avons vu plus haut, qu'Edouard Bernard avoit examiné des pieces de monnoie d'argent des Hébreux, des Inles de Thase, de Ténédos, de Rhodes, &c. & des Villes de Périnthe en Thrace, de Lariffe (il y avoit plufieurs Villes de ce nom), de Messine en Sicile, & de Carthage: elles contenoient le poids de douze pennys de la livre de Londres, & étoient par conféquent de la valeur d'une once Afiatique. Or je ne trouve point que les Auteurs affignent de nom à cette efpece de monnoie, & c'est ce qui m'a déterminé fans beaucoup de fondement, comme on voit, à penser que cette piece de monnoie, qui étoit la 1500° partie du talent de Syrie & d'Afie, felon Pollux, étoit la cistophore.

La ciftophore, dont il eft quelquefois fait mention dans TiteLive & dans Cicéron, étoit ainfi nommée, parce qu'elle portoit d'un côté la cifte facrée (xin), ou la corbeille qui renfermoit les myfteres de Bacchus felon les uns, & de Minerve felon les autres. Cependant Eisenschmid n'eft pas tout-à-fait de cet avis; obferve que fi ce nom étoit dérivé de xin, on auroit dû dire plutôt nignpopos que xocopos, de la même maniere que de víxn, on a fait NixnQopos, Nicéphore. Outre cela, dit-il, toutes les monnoies de Rhodes portent d'un côté l'image du foleil, & de l'autre une Aeur que l'on croit être la rofe, quoique Voffius & Spanhem aiment mieux la prendre pour la fleur du grenadier. Mais si l'on examine la chofe de plus près, dit Eifenfchmid, on verra, tant par la dénomination de cette monnoie, que par fa forme, qu'on n'a pu y représenter d'autre fleur que celle que produit l'arbriffeau que Diofcoride appelle xios, le cifte qui porte le laudanum, dont le fuc épaiffi étoit employé autrefois avec fuccès par les Médecins & les Teinturiers. Plufieurs Botaniftes ont décrit la forme élégante

&

& agréable de cet arbriffeau & de fon fruit, entr'autres Charles Clufius Hift. Plantar. rar. lib. 1, p. 68.). On a examiné & pefé, ou cru pefer de ciftophores. Eifenfchmid a pefé des monnoies qu'il a prifes pour des ciftophores de Rhodes: elles contenoient 47 grains du poids de marc. Le P. Panel a auffi pefé des monnoies qu'il a cru être des ciftophores : elles contenoient depuis 229 jufqu'à 241 grains. Mais s'il eft vrai, comme l'affure Eisenschmid, que toutes les monnoies de Rhodes, de quelque métal & de quelque grandeur qu'elles foient, portent la même fleur dont nous venons de parler, elles méritent à ce titre également le nom de ciftophores, & l'on ne fauroit rien dire de bien raifonnable pour en déterminer la valeur.

Les autres explications que j'ai faites dans le texte de Feftus peuvent paroître plus raisonnables; je dirai un mot de celles qui peuvent paroître douteufes. J'ai rendu les fix mille deniers qui compofoient le talent de Naples, par fix mille drachmes Attiques; parce que les Grecs ayant peuplé la partie méridionale de l'Italie, qui pour cela fut appellée la grande Grece, il est naturel de penser qu'ils y porterent leurs poids, ainfi que leurs mefures. Au contraire, j'ai rendu les trois mille deniers qui faifoient la valeur du talent de Syracufe, par trois mille ficles ou tétradrachmes; parce qu'Edouard Bernard, , par fes expériences fur les monnoies anciennes, nous a appris que l'once Afiatique, qui étoit également celle de Meffine, l'étoit probablement de toute la Sicile, & nous fait croire que dans cette Ifle on faifoit ufage des mêmes poids qu'en Afie, en Egypte & à Carthage. Un examen fuivi des monnoies anciennes qui ont été confervées jufqu'à préfent, feroit très-propre à repandre un plus grand jour fur cette matiere. Je ne fuis pas à portée de profiter de cet avantage; j'indique ce moyen à celui qui trouvera bon de s'occuper de cette étude.

Nous avons vu que Pollux évaluoit le talent de Babylone à sept mille drachmes Attiques, qui font foixante-dix mines; Hérodote évalue le même talent de Babylone à foixante-dix mines Euboïques; ce qui prouve que Pollux regardoit les mines & les drachmes Attiques comme parfaitement égales aux mines & aux drachmes Euboïques; car c'est d'après Hérodote qu'il a fait cette évaluation. Mais il eft temps d'examiner le talent de Babylone d'après le pere de l'hiftoire (Herod. lib. III, n°. lxxxix, &c.): nous entrerons fur ce fujet dans un affez grand détail.

Rr

[ocr errors]
[ocr errors]

« Darius, fils d'Hiftafpes, divifa en vingt Gouvernemens toutes » les terres de fon Empire; il établit en chacun un Satrape, & » ordonna ce que chaque Nation payeroit de tribut. Il voulut que » l'argent qu'on lui en apporteroit, fût pefé au poids du talent Ba»>bylonien, qui vaut foixante-dix mines Euboiques, & que l'or » qu'on lui payeroit, fût pefé au poids du talent Euboïque : car » durant les regnes de Cyrus & de Cambyfes on n'avoit point en» core établi d'impofitions, mais on faifoit tous les ans de certains » préfens au Prince. La premiere Satrapie étoit compofée des » Ioniens & des Magnetes de l'Afie, des Eoliens, des Cariens, des Lyciens, des Mélyens, des Pamphyliens, & payoit de tribut » 400 talens d'argent. La feconde Satrapie comprenoit les Myfiens, » les Lydiens, les Alyfoniens, les Cabaliens, & les Hygéniens, » qui étoient taxés ensemble à 500 talens d'argent. La troisieme » Satrapie étoit des Hellefpontins, des Phrygiens, des Thraces » qui font en Afie, des Paphlagoniens, des Marcandins & des Sy» riens, qui payoient ensemble 360 talens. Les Ciliciens, qui fai» foient la quatrieme Satrapie, donnoient tous les ans trois cents » foixante chevaux blancs, c'est-à-dire, un cheval pour chaque » jour de l'année, & outre cela 500 talens d'argent, dont cent >> quarante étoient diftribués dans la partie de la Cilicie où l'on >> nourriffoit ces chevaux, & le refte, montant à trois cents foi>> xante talens, entroit dans l'épargne de Darius. La cinquieme >> Satrapie commençoit à la Ville de Pofidée, qu'Amphiloque, fils » d'Amphiarée, fonda fur les frontieres des Ciliciens & des Syriens, » & s'étendoit jufqu'en Egypte, fans toutefois y comprendre le pays » des Arabes qui étoient exempts de tout tribut: cette Satrapie >> payoit 350 talens d'argent avec la Cilicie, la Syrie appellée Pa» leftine, & l'Ifle de Cypre, qui appartenoient au même Gouver» nement. On tiroit de l'Egypte & de la Lybie qui est voisine de » l'Egypte, de Cyrene & de Barcé, qui font comprises dans cette >> fixieme Satrapie, 700 talens d'argent, fans celui qui provenoit » de la pêche du lac Méris, & une certaine quantité de bled que » l'on distribuoit à cent vingt mille Perfes & aux foldats qui étoient » en garnison dans les murailles blanches de Memphis. La feptieme Satrapie comprenoit les Sattagides, les Gandariens, les Dadi>> ques, & les Apparites, qui contribuoient de 170 talens d'ar» gent. Les Sufiens & le refte du pays des Ciffiens, qui faifoient » la huitieme Satrapie, rendoient 300 talens d'argent tous les ans.

« PrécédentContinuer »