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tachoient, & se réuniffoient au plomb; l'argent pur furnageoit comme dans l'opération précédente.

Les Anciens, pour faire l'effai des métaux, connoiffoient comme nous la pierre de touche, qu'ils appelloient coticula, Heraclius lapis, & lapis Lydius, à cause que dans les commencemens on n'en tiroit que du fleuve Tmolos, qui coule dans la Lydie, près de la montagne de ce nom; mais on trouva bientôt en d'autres endroits. de ces pierres, qui ont communément quatre pouces de longueur fur deux de largeur. Celles qu'on rencontre expofées au foleil fur la fuperficie de la terre, ont plus de vertu, & font meilleures que celles qu'on tire des mines. Par le moyen de ces pierres & d'un peu d'habileté à les manier, on détermine avec une précision étonnante le titre d'un lingot d'or ou d'argent, dont on détache quelques limailles.

Après tant de foins & de précautions, refte-t-il lieu de douter que l'or & l'argent destinés à être monnoyés ne fuffent pas parfaitement dégagés de tout alliage? Mais on penfe qu'il eft impoffible d'affiner les métaux au point qu'ils ne contiennent que leur matiere propre quand cela feroit, quelle preuve pourroit-on en apporter, puifqu'il s'enfuivroit de cette opinion que jamais on n'auroit vu d'or ni d'argent parfaitement purs? On obferve que plus l'or & l'argent ont été cuits & purifiés par le feu, plus ils font éclatans & mous: le feu en épurant les métaux leur enleve donc une matiere qui conftituoit leur dureté & leur folidité. Mais ceci eft une détérioration qui fait perdre au métal une qualité qui lui étoit effentielle; par conféquent les matieres dernieres qu'on enleve à l'or & à l'argent en les affinant à l'extrême, sont une substance qui leur étoit néceffaire, qui étoit de leur nature, & qu'il falloit leur conferver: d'où je conclus que les opérations dont nous avons parlé font fuffifantes pour procurer à ces métaux toute la netteté dont ils font fufceptibles, & qu'après les leur avoir fait fubir, on doit les regarder comme parfaitement affinés & au titre de 24 karats pour l'or, & de 12 deniers pour l'argent. Aller plus loin, c'est dénaturer l'effence des chofes; en un mot, il ne s'agit pas ici de rendre l'or potable.

Mais on allégue des faits qui tendent à prouver que les monnoies anciennes ne font pas faites d'un métal parfaitement pur. En voici un exemple. Un denier Romain frappé au temps d'Augufte, fuivant l'effai de Bouteroue, n'eft qu'au titre de 1 i deniers

19 grains, enforte qu'il s'en faut cinq grains qu'il ne soit au degré requis de pureté. Ciaconius (p. 133 de Pond. & Menf.) a aussi examiné de ces monnoies qui n'étoient qu'au titre de 11 deniers 18 grains. On pourroit répondre que dès le temps d'Augufte, le fcrupule des Romains touchant l'affinage des métaux n'étoit déja plus fi grand; on avoit trouvé l'art de les mélanger; & fi le Sénat mit quelquefois une barriere à l'avidité de ceux qui entreprenoient de dépraver les especes monnoyées, il n'obtint pas néanmoins que le mẻtal fût travaillé auffi foigneufement qu'il l'avoit été dans les temps antérieurs. Je ne fais d'ailleurs fi l'on peut déterminer affez infailliblement, à cinq grains près, le titre, foit de l'or, foit de l'argent; il me femble au contraire avoir entendu dire à des perfonne de l'art, qu'il n'y avoit pour cela aucun moyen für lequel on pût abfolument compter.

Eisenschmid & d'autres veulent encore que l'on confidere le droit de feigneuriage & de brassage, qui fe perçoit aujourd'hui en Europe au profit du Souverain, & que l'on croit n'avoir été connu ni des Romains, ni des Grecs. Et que me fait à moi, qui ne cherche qu'une mefure appréciative dans les monnoies, que tel particulier qui ayant cent marcs d'or à 22 karats, les porte à la Monnoie pour n'en recevoir en efpeces que la valeur de 90, de 60', ou même de so marcs? Je me contente d'examiner ce qu'on donne aujourd'hui d'un métal monnoyé, par comparaison à ce qu'on en donnoit autrefois pour avoir un boiffeau de bled, qui est toujours également précieux & néceffaire pour mon existence. Si pour avoir cette quantité de bled on donne aujourd'hui quarante fous de notre monnoie, & qu'autrefois on ait donné la même valeur intrinfeque d'argent, j'en infère que l'argent vaut à présent ce qu'il valoit autrefois, & j'ai dès-lors une mefure d'égalité dont je puis me fervir pour juger de la richeffe des Etats ou des particuliers dans l'antiquité. Si l'on donne aujourd'hui intrinféquement plus ou moins d'argent qu'autrefois, j'en infère que ce métal eft plus vil ou plus précieux, & je tiens compte de la différence. Le droit de feigneuriage ne doit donc être d'aucune confidération dans la comparaifon des monnoies anciennes avec les modernes ; il n'ôte ni n'ajoute à leur valeur, non plus que les dépenfes que néceffitoient autrefois les opérations multipliées par lefquelles on faisoit passer les métaux pour les affiner, & qui, fuivant toutes les apparences, égaloient au moins les droits perçus aujourd'hui par le Souverain.

Malgré toutes ces raisons, j'ai balancé fi je réduirois les monnoies anciennes aux nôtres, en fuppofant les métaux parfaitement affinés, ou si je rabattrois quelque chofe du titre. Comme dans cette matiere il eft très-permis d'opter entre fix & fept grains de fin pour la commodité du calcul, j'avois pensé à évaluer le didrachme Afiatique à vingt fous jufte de notre monnoie; en quoi je fuppofois le marc d'argent de la valeur de 51 liv. 10 f. 6 d., & au titre de 11 deniers 12 grains. La réduction faite fur ce pied étoit avantageufe, en ce qu'elle donnoit la valeur de toutes les autres monnoies en nombres faciles. Mais confidérant enfuite que le denier d'Augufte, essayé par Bouteroue, & qu'on peut fufpecter d'avoir été fabriqué d'un argent moins pur que celui des monnoies plus anciennes, étoit néanmoins d'un argent de 11 deniers 19 grains de fin, j'ai préféré de faire mes évaluations dans l'hypothefe que les métaux étoient auffi parfaits qu'il eft poffible. Je me fuis déterminé d'autant plus volontiers à prendre ce parti, que j'y trouve une nouvelle commodité agréable pour ceux de mes Lecteurs qui n'aiment pas les nombres trop fractionnaires.

Les notions précédentes fur la valeur des métaux & la confection des monnoies étant plus que fuffifantes pour la réduction des monnoies anciennes aux nôtres, nous allons à préfent les examiner, en commençant par celles de l'Afie & de l'Egypte, ou, fi l'on veut, par celles des Hébreux, qui font les mêmes.

Si l'on prend le poids du talent Attique, tel que nous l'avons déduit dans le Chapitre précédent, & qu'on le transforme en monnoie fur le pied du marc d'argent fin, on trouvera qu'il revient à environ 601 livres de la monnoie de France. Mais comme il eft difficile que les anciens aient pu parvenir, quelque travail qu'ils aient employé, à épurer l'argent au degré précis de douze deniers, on peut réduire l'évaluation précédente à 6000 livres tournois, & moyennant cette déduction peu confidérable, on a la drachme Attique de même valeur précise que la livre idéale de la monnoie de France, & il femble dès-lors qu'il n'y ait plus rien à faire pour la réduction des monnoies anciennes; car nous avons combiné ci-deffus la drachme Attique dans tous les numéraires des poids de l'antiquité, qui en font auffi les monnoies. Mais comme il fe trouve des efpeces particulieres qui n'ont point été rangées au nombre des poids, & qu'il y a d'ailleurs des poids qui ne font point. monnoies, il faut reprendre dans une chaîne

progreffive le détail du numéraire de la monnoie de chaque peuple. Cette méthode, que nous avons déja employée pour les mefures & les poids, eft claire, réguliere & démonstrative.

De ce que la drachme Attique vaut une livre tournois, il s'enfuit que le talent commun de l'Afie, qui eft celui de Moïfe, vaut 6250 livres, 125000 fous ou 1500000 deniers de la monnoie de France. Il ne s'agit donc plus que de faire voir en détail que ce talent, confidéré comme une monnoie de compte, contient

kentenarion ou cintar, 50 mines facrées, 120 grands argyres. ou mines Talmudiques, 120 rotules ou onces d'or, 240 pérèfes, 250 ftateres d'or, 500 chyfos ou auréus, 750 tétraftateres, 1000 drachmes ou deniers d'or, 1500 diftateres, 2000 hexadrachmes, 3000 ficles ou ftateres d'argent, 4000 tridrachmes, 6000 didrachmes, 12000 drachmes ou deniers d'argent, 24000 rébiites, 60000 gérahs, 72000 meháhs, 144000 pondions, 288000 phollis 1152000 kodrantès, 2304000 pérutáhs ou prutas.

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Le perutáh, pruta, lepton, as minutum, minutum, nummus minutus, Jemuna, octans, valoit de deniers tournois. C'étoit la plus petite efpece de monnoie des Hébreux & des autres peuples de l'Àfie; elle étoit de cuivre, & du poids de deux fcripules ou du huitieme d'une once Afiatique, de même que la drachme ou denier d'argent ou d'or. Le lepton étoit le huitieme de l'affarion, de même que la femuna ou l'octans (Biblia Syriaca, Jefus Alides, & Schola omnis Judaica.). Le pruta étoit la moitié du kodrantès le huitieme de l'affarion, le feizieme du pondion (Sic Patres concifi initio L. Ciddufin: fic nepotes eorum.); la 32o partie du meháh la 192o partie du denier ou zuz, la 768 partie du feláh ou ficle, 1536 partie de la valeur de l'once Afiatique d'argent (Iidem. Anteceffores, & Maimonides, & vis magna Commentatorum.). Il est fait mention du lepton dans S. Luc (XXI, 2.): Vidit autem & quandam viduam pauperculam mittentem æra minuta duo,duo eld. Deux leptons valent 1 denier tournois.

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Le denier tournois vaut prutas ou lepton.

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Le kodrantès, quadrans tétarton, ainfi nommé de ce qu'il étoit quart d'une once de cuivre, valoit 137, denier tournois, & 2 perutáhs. Il valoit 2 octans ou prutas (Syrus interpres.); le quart: du hollis de cuivre (Hefychius & Etym. M.); 2 nummus (Hefych.); le quart de l'affarion ou 2 prutas (Talmudum utrumque in Ciddufin, Fefanus, Alii.). Il eft parlé de cette monnoie dans S. Matthieu

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(cap. V, verf. 26.): Amen dico tibi,non exies indè, donec reddas noviffimum quadrantem, Kod pávτnv. Il eft fait mention du lepton & du kodrans comparés dans S. Marc (XII, 42.): Cùm veniffet autem vidua una pauper, mifit duo minuta, quod eft quadrans : Xel Duo, o egi xodpartns. L'offrande de cette pauvre femme n'étoit que de la valeur de 12 denier tournois.

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4.

Le phollis, follis ou pholis, ainsi appellé par les Hébreux; assár, affir, iffár par les Syriens & les Chaldéens; taflugum par les Arabes; tafu par les Perfes; affarion ou chalcous par les Grecs, & æreole par les Latins, étoit une monnoie de cuivre du poids d'une once Afiatique, & valoit 4 kodrantès, 4 deniers tournois, 8 leptons ou prutas. Le phollis valoit kodrantès felon Héfychius ; l'affar ou affarion valoit 8 pérutahs felon tous les Rabbins & les Interpretes ou Commmentateurs Syriens; 8 prutas (Sal. Jarchius.); la moitié du pondion ou 2 prutas (Doctores Talmudorum Ierof. & Babyl. necnon Fefanus, Maimon. Bartenovius.). Il est parlé de l'affarion dans S. Matthieu (X, 29.): Nonnè duo pafferes affe, doσaplov, væneunt ? Deux moineaux ne fe vendent-ils pas 4 deniers tournois? Edouard Bernard (de Menf. & Pond.), dans fes Reftituenda rapporte un fragment Grec tiré d'un manuscrit poffédé par Georges Wheler, dans lequel tout ce que nous avons dit fur les trois efpeces de monnoies précédentes eft expliqué avec beaucoup de clarté : il y eft dit que le kodrantès eft le quart du phollis, & de la valeur de deux leptons : κοδράντης τὸ τέταρτον τῆς φόλεως, ή δύο Ald. Eufebe Pamphile dit que le kodrantès eft une monnoie du λεπτά. poids de fix fcrupules, & que le lepton pese trois fcripules; il vouloit dire que le kodrantès étoit du poids de deux drachmes Afiatiques, & le lepton du poids d'une drachme: il falloit donc écrire, le kodrantès eft du poids de quatre fcripules, & le lepton du poids de deux fcripules; car fi la drachme Romaine de Néron contenoit trois fcripules, la drachme Asiatique n'en contenoit que deux.

Le pondion, & peut-être dipondion, hemidanakion, contenoit 2 phollis, 8 kodrantès, 9 deniers tournois, & 16 leptons. Il étoit le douzieme de la drachme (Mf. Roanum & Rabanus.); Hésychius l'appelle hémidanakion. Le pondion ou dipondion valoit deux affarions (Deuterofis Rabinica Baba batra, c. 5, 9.), 16 prutas, 2 affarions, la 24 partie du ficle, la 36° du tridrachme ou rhegia, la 48° du feláh ou ficle, la 12° du denier, & la moitié du meháh ou de l'obole Talmudique (Mifna Eracin, c. 7, 1 ; & Pea,

c. ult.

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