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que le ficle eft le quart de l'once; que l'affarion eft le quart de l'once, & que le kodrantès est également le quart de l'once. J'aurois eu plus de confiance dans les autorités de ces Ecrivains, fi je les avoit trouvé conformes à celle de l'Evangile, où on lit que deux leptons font la valeur du kodrantès; j'aurois voulu du moins trouver ces Auteurs d'accord entr'eux : au refte, on verra dans la fuite que la plupart de ces autorités font exactes, & se rapportent aux monnoies du grand Conftantin.

qu

Si nous avons réussi à rétablir les monnoies de l'Asie, on est en droit d'en conclurre qu'il ne fe préfentera plus de difficulté infoluble fur ce fujet dans les Livres de l'antiquité. Je voudrois pût tirer cette conféquence fans précipiter fon jugement; mais sil eft vrai que la plupart des difficultés font applanies, il en existe néanmoins encore, & je vais en préfenter ici quelques exemples.

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que

de

On lit dans, le premier Livre des Paralipomenes (XXII, 14.), que les richeffes que David, dont le regne ne fut pas fans troubles, laissa à son fils Salomon pour conftruire le Temple de Jérufalem, fe montoient à cent mille talens d'or, à un million de talens d'argent, &c.: Ego in paupertate meâ præparavi impenfas domûs Domini, auri talenta centum millia, & argenti mille millia talentorum æris verò & ferri non eft pondus, vincitur enim numerus magnitudine. Si nous évaluons ces deux fommes d'or & d'argent fur le talent de Moïfe, les cent mille talens d'or vaudront 7,500,000,000 livres tournois, & le million de talens d'argent à 6,250,000,000 livres, enforte la fomme totale reviendra à 13,750,000,000 livres de notre monnoie. Le regne de Salomon fut un regne paix, & fes revenus furent beaucoup plus confidérables que ceux de David: il hauffa les impôts, & tira davantage d'or des mines d'Ophir & de Tharfis mais quoique les Hiftoriens de ce tempslà nous difent que ce Prince amaffa tant de richeffes à Jérufalem, que l'argent y étoit commun comme les pierres, ces mines d'Ophir ne lui produifoient cependant que 420 (III. Reg. IX, 28.), ou 450 (II. Paral, VIII, 18.) talens d'or, & cela tous les trois ans (II. Paral. IX, 21.), c'est-à-dire, au plus 150 talens d'or chaque année; en un mot, les revenus annuels de Salomon fe montoient à 666 talens d'or & quelques petites fommes particulieres de plus Erat autem pondus auri quod afferebatur Salomoni per annos fingulos, fexcentorum fexaginta-fex talentorum auri: excepto eo, quod afferebant viri qui fuper vectigalia erant, & negotia

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tores,

tores, univerfique fcuta vendentes, & omnes Reges Arabia, ducefque terra (III. Reg. X, 14 & 15.): Erat autem pondus auri, quod afferebatur Salomoni per fingulos annos, fexcenta fexaginta-fex talenta auri: exceptâ eá fummâ, quam legati diverfarum gentium, & negotiatores afferre confueverant, omnefque Reges Arabia, & Satrapa terrarum, qui comportabant aurum & argentum Salomoni (II. Paral. IX , 13 & 14.). Il falloit que le montant de ces taxes partielles ne fût pas considérable, puifqu'on a négligé de le comprendre dans la fomme principale: mais ne foyons pas fcrupuleux, & fuppofons que tous les revenus de Salomon étoient de mille talens d'or, ou de 75 millions de livres tournois; ainsi le Souverain d'un petit pays peu plus grand que la Normandie, aura été presque auffi riche que Darius fils d'Hiftafpes, qui poffédoit toute l'Afie: car nous avons vu que les revenus de ce dernier Prince se montoient à environ 90 millions. Divifons la fomme des richesses en or & en argent que David laiffant en mourant, par la fomme des revenus annuels que nous fuppofons à Salomon, & nous trouverons qu'il auroit fallu plus de 183 ans pour amaffer, fans faire aucune dépenfe, une fomme auffi confidérable.

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S. Epiphane parle d'une monnoie de compte qu'il appelle follis ou ballantion, & qu'il évalue à deux argyres & demi, ou à deux cents cinquante deniers. Végèce dit que c'étoit une bourse ou un fac d'argent. Il eft certain que fi le ballantion valoit deux argyres & demi ou autant de mines Talmudiques, il valoit auffi 250 deniers ou drachmes, puifque l'argyre valoit 100 deniers. Mais je pense que la feconde évaluation eft faite fur la premiere, & dans la fuppofition que le ballantion étoit effectivement compofé de deux argyres & demi; enforte que fi au contraire cette monnoie n'avoit contenu que deux litres ou rotules de douze onces chaelle n'auroit valu que 240 deniers ou drachmes Afiatiques, par conféquent auroit été égale à la mine facrée ou mine de Moïfe. Ce mot ballantion ou balantion, car on dit l'un & l'autre, eft dérivé, selon les Lexicographes, du grec Brew evrós, qui fignifie mettre dedans, , par la raifon que le mot ballantion a fouvent été employé pour exprimer une bourfe dans laquelle on met de l'argent; d'autres font venir balantion du nom de la Ville de Byzance en Thrace, parce que les Hiftoriens font mention d'une monnoie de Conftantinople qui portoit ce nom, & qui avoit cours fous les Empereurs d'Orient : c'est delà, dit-on, que vient le moc

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bezant, monnoie d'Egypte, dont il eft parlé dans l'histoire de faint Louis. Pour moi, je trouve une fi grande analogie entre les mots balantion & talantion, qui feroit un diminutif de talanton, & figni. fieroit un petit talent, que je ne puis croire que ce ne foit pas la même chofe. Mon fentiment, que je ne donne point comme une décision, feroit donc que la grande mine ou mine facrée de Moïfe & d'Ezechiel fe feroit appellée, en matiere de monnoie, petit talent, balantion, talantion, ou tout autre mot équivalent; en hébreu on aura pu la défigner fous le nom de cicár, avec un adjectif ou une terminaifon qui la caractérisât & la diftinguât du grand cicár ou grand talent; il a pu arriver même qu'on l'ait défignée quelquefois fous la dénomination abfolue de cicár. Voyons à combien fe monteroient les richeffes de David en les réduifant fur le balantion, fuppofé égal à la mine facrée. Nous avons dit que cette mine vaut en argent 125 livres tournois, & elle vaudra en or 1500 livres; ainfi cent mille balantions d'or vaudront 150 millions de notre monnoie; & un million de balantions d'argent fera 125 millions; enforte que la fomme totale de l'or & de l'argent amaf fés par David reviendra à 275 millions de la monnoie de France. L'Hiftorien Jofephe (Ant. Jud. lib. VII.) trouvant le nombre des talens exprimés dans les Paralipomenes, exceffif, en a réduit la totalité, tant en valeur d'or qu'en valeur d'argent, à cent mille talens d'argent, probablement qui vaudroient de notre monnoie 625 millions; mais on n'eft pas für que fa correction foit exacte.

Salomon fit faire (111. Reg. X, 16 & 17.) deux cents boucliers d'or très-pur, chacun du poids de fix cents auréus ; il en fit faire encore trois cents d'une autre forme, dans lefquels il entroit le poids de trois cents mines d'or très-affiné, & il fit déposer les uns & les autres dans le tréfor de fon Palais de la forêt du Liban. Un bouclier du poids de trois cents mines n'auroit pas été maniable pour le géant le plus énorme : mais cet endroit eft rectifié ailleurs (II. Paral. IX, 15.); les premiers contenoient le poids de fix cents auréus, qui font 91 onces de la livre de Paris; & les autres trois cents auréus, qui valent 45 onces.

David ayant vaincu les Ammonites par le moyen de Joab fon Général, on trouva parmi les dépouilles (1. Paral. XX. 2.) la Couronne de leur Roi Melchom; elle contenoit le poids d'un talent d'or, & étoit enrichie de pierres précieuses. David la réserva pour s'en faire un diadême. Une Couronne pefant 57 livres de

Paris, fur la tête d'un Roi, auroit été une chose bien étonnante. Si l'on veut appliquer ici le balantion pris pour la mine sacrée, cette Couronne aura contenu un peu plus de dix-huit onces du poids de Paris.

Créfias raconte dans Athénée (Dipnofoph. lib. XII.) que Sardana pale fe voyant détrôné par Arbacès, fe donna la mort en fe précipitant dans un bûcher de la hauteur de quatre plèthres où il avoit fait mettre cent cinquante lits d'or, autant de tables de même métal, beaucoup d'autres meubles précieux, & de plus une fomme d'or de mille myriades de talens & une d'argent de dix mille myriades de talens. Evaluons l'or fur l'argent, & nous trouverons que ces deux fommes réunies font celle de 220 millions de talens d'argent, lefquels à raison de 6250 liv. pour un talent vaudroient 1375 milliards de notre monnoie. Mais fi l'on veut prendre pour des ftateres les talens de Ctéfias, tant ceux d'or que ceux d'argent, les richeffes de Sardanapale en efpeces monnoyées fe monteront encore à plus de 458 millions, monnoie de France, & je pense que c'eft le feul parti qu'il foit raisonnable de prendre ici.

Homere (Iliad. lib. XXIII.) fait la defcription des combats funébres qui furent ordonnés pár Achille en l'honneur de Patrocle, & il fait en détail l'énumération des prix qui furent propofés; le premier prix pour la courfe des chariots fut une femme captive avec un trépied; le fecond fut une cavalle pleine; le troifieme une chaudiere ou coquemar de cuivre, & le quatrieme deux talens d'or: τῷ δὲ τέταρτῳ θῆκε δύο χρυσοῖο τάλαντα. I eft évident qu'il n'eft point ici queftion du talent ordinaire; car dans ce cas cent quarante-quatre mille livres de notre monnoie, auroient été de moindre valeur, non-feulement qu'une femme efclave ou qu'une cavalle, mais même qu'un vafe de cuivre fervant à faire chauffer de l'eau. S'il s'agit de deux auréus de la monnoie de l'Afie mineure où ce fpectacle fe donnoit, ce prix aura été de 25 livres de notre monnoie, & eft affez confidérable pour avoir été proposé par un petit Prince comme Achille, Pollux (lib. IV.) dit que la ftatere d'or ne contenoit que le poids de deux drachmes Attiques, ὁ δὲ χρυσοῦς τατὴς δύο είχε Spaxμa's 'Atlixa's. Ce paffage, qui eft clair, me femble pourtant embarrassant; car il préfente deux fens, & peut s'expliquer de deux manieres. Le premier eft que la ftatere d'or d'Athenes n'é

toit qu'un didrachme Attique d'or; & le fecond, que la ftatere d'or de l'Alle étoit de quatre drachmes d'or Afiatiques qui ne contenoient que le poids de deux drachmes d'Athenes. Le même Grammairien dit (pag. 1022.) que la ftatere d'or valoit une mine, c'eft-à-dire, une mine d'argent: ὁ δὲ χρυσοῦς κατὴρ μνᾶν ἡδύνατο; mais ce rapport ne peut convenir entre la ftatere d'or telle qu'il l'a définie & la mine Attique d'argent : car il s'enfuivroit qu'une statere d'or valoit 50 ftateres d'argent, tandis que nous prouverons dans la fuite qu'elle n'en valoit que dix à Athenes. Voici ce que je pense à ce fujet. Je foupçonne que les Afiatiques avoient des monnoies réelles d'une once d'or qui valoient effectivement une litre ou rotule d'argent. Ces monnoies avoient dans le pays où l'on en faifoit ufage un nom quelconque que Pollux & d'autres ont rendu par l'expreffion de ftatere d'or; & il me femble que c'est tout ce que cet Auteur veut dire ici.

Selon Pollux encore (fegm. 54, lib. IX, c. VI, p. 1018.) le talent d'or valoit trois chryfos ou auréus Attiques, mais celui d'argent valoit foixante mines Attiques. Son fentiment eft encore foutenu de celui de Diphile, au rapport duquel plufieurs anciens Auteurs ont affuré que le talent d'or chez les Grecs étoit une petite fomme. On trouve encore diverfes évaluations de petits talens dans l'antiquité la plus reculée; felon Polémarque il y en a eu un de quatre livres ou mines; felon Théophrafte un autre de quatorze livres, & felon Timée un de vingt-quatre. Pollux (lib. IX.) attribue deux fortes de talens à la Sicile, l'un ancien de vingt-quatre nummus, & l'autre nouveau de douze nummus. Nous reviendrons à ces talens de la Sicile après avoir évalué les monnoies de la Grèce, c'eft ce qu'il eft temps de faire.

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Le chalcous ou réole valoit 6 deniers tournois. Il étoit le fixieme de l'obole, felon Suidas, d'après Diodore de Sicile : ὀβολος παρ' Αθηναίοις ἓξ ἐπιχαλκῶν. Quelques Aureurs croient que cette efpece étoit d'une once de cuivre, d'où il fuivroit que proportion entre l'argent & le cuivre auroit été à Athenes comme 225 à 1; c'est trop, & je pense que les Auteurs qui égalent le chalcous à une once de cuivre entendent par-là le phollis des Hébreux des Afiatiques. A l'égard des rapports des autres monnoies Grecques entr'elles, je n'alléguerai plus les autorités fur lefquelles ils font établis, on peut confulter le Chapitre précédent.

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