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ennemis se montoient à la valeur de deux cents livres, & qu'on n'étoit obligé qu'à un facrifice d'expiation, lorfque la valeur de ces dépouilles ne fe montoit qu'à cent francs.

Pline (lib. XXXIII, cap. III.) écrit que le poids de l'as qui jufqu'alors avoit toujours été d'une livre pefant, fut diminué P endant la premiere guerre Punique. La République ne pouvant fuffire aux dépenfes qu'elle fut obligée de faire, & voulant acquitter les dettes qu'elle avoit été forcée de contracter, par un artifice qui fût le moins onéreux poffible à fes créanciers, imagina de décrier les anciennes monnoies, & de faire fabriquer à la place de nouveaux as du poids d'un fextans ou de deux onces de cuivre, & qui ne continrent ainfi que la fixieme partie du poids des précédens; par cette opération la République acquitta fes dettes rembourfa ses créanciers avec la fixieme partie du métal qu'elle avoit emprunté, & gagna cinq fur fix. L'as fut marqué du côté de l'effigie d'un Janus à deux vifages, & du côté de l'exergue d'un éperon de navire : le triens & le quadrans furent caractérisés des radeaux. Le quadrans avoit été jufque là appellé teronce, parce qu'il étoit en argent, & qu'il valoit trois onces de cuivre ; à cette époque il ne conferva plus que le nom de quadrans, parce que le teronce d'argent fut fupprimé, aussi-bien que la libelle & la fembelle : Librale autem pondus æris imminutum bello Punico primo cùm impenfis Refpublica non fufficeret : conftitutumque eft ut affes fextantario pondere ferirentur. Ita quinque partes facta lucri, diffolutum

que

par

aes alienum. Nota aris fuit ex altera parte Janus geminus, ex alterá 10ftrum navis in triente verò & quadrante rates. Quadrans anteà teruncius vocatus à tribus unciis. Lorfque Pline dit que la monnoie de cuivre portoit fur une face la figure d'un Janus à deux vifages, & fur l'autre un cap de navire, &c., il ne parle pas plus de la monnoie de cette refonte, que de celle qui avoit précédé, & qui étoit marquée des mêmes caracteres & configurée de la même maniere.

Les Ecrivains gardent le filence fur la réduction des monnoies ďar gent, ce que je regarde comme une preuve qu'ils la comprennent dans celle des monnoies de cuivre, & qu'elle fubit la même réforme. En effet fi les monnoies d'argent n'euffent point été changées avec celles de cuivre, comment la République auroit - elle pu faire un profit de cinq fixiemes en décriant les anciennes monnoies? Eft-ce que tous les fonds de l'Etat étoient en matieres de

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cuivre ? Il est bien plus probable qu'une grande partie étoit en matieres d'argent, & que par conféquent, pour effectuer parfaitement un profit de cinq fixiemes, il falloit diminuer à la refonte les efpeces d'argent dans la même proportion qu'on diminuoit celles de cuivre. Le denier fut donc réduit à la taille de foixante-douze à la livre, fut du poids d'une fextule, de même valeur que le didrachme Afiatique, & feulement d'un vingt-quatrieme plus grand que la drachme Attique ou des Grecs. C'eft peut-être de cette égalité approximative du denier Romain de ce temps-là & de la drachme Attique, que la plupart des Ecrivains, tant Grecs que Romains, conferverent au denier le nom de drachme, lors même qu'il fut à la taille de quatre-vingt-quatre & même de quatre-vingtseize à la livre. La proportion de l'argent au cuivre fut donc, comme auparavant, fur le pied de 120 à 1.

Si la réforme dont nous venons de parler eut lieu durant l'intervalle de la premiere guerre Punique, comme l'écrit Pline, il en réfulte que nous avons évalué le prix des denrées lors du triomphe de Métellus à Rome, fur le pied d'une monnoie qui n'avoit plus cours. Il falloit donc l'évaluer fur la nouvelle monnoie, & nous aurions trouvé que fous le confulat de L. Métellus le fetier de bled mesure de Paris fe vendoit à Rome 3 liv. 12 f. 6 d. de notre monnoie, en calculant fur la monnoie de cuivre; ou bien trente-deux fous, en calculant fur la monnoie d'argent. Il feroit bien étonnant que le modius de bled qui 230 ans auparavant, fous le tribunat de Minutius Augurinus, fe vendoit une livre de cuivre lorfqu'il étoit au plus bas prix, ne fe vendît plus que deux onces, c'est-à-dire, un fixieme de ce qu'il avoit valu. Il y a néanmoins des gens qui trouveroient ce dernier prix plus raisonnable, tant on eft perfuadé qu'autrefois les métaux monétaires étoient moins abondans & plus précieux qu'ils ne le font aujourd'hui.

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Démofthene naquit en 381, & mourut 322 ans avant l'Ere chrétienne; le milieu de fa carriere fut donc vers l'an 404 de la fondation de Rome; c'eft cent ans avant l'époque du triomphe de Métellus. Or cet Orateur célebre nous apprend que de fon temps le médimne de bled fe vendoit ordinairement à Athenes pour la fomme de cinq drachmes. Le fetier de Paris de bled fe feroit donc vendu alors dans la Grece pour la fomme de 17 liv. 3 f. de notre monnoie; c'eft un peu plus qu'il ne fe vendoit à Rome dans les années d'abondance.

Polybe, qui vivoit 60 ans après l'époque du triomphe de Métellus, nous apprend (II, 103.) que de fon temps le modius de bled ne valoit ordinairement en Italie que quatre oboles. Il paroît que ces quatre oboles font une réduction de monnoie Romaine en monnoie Grecque; je ne fais fi elle a été bien faite quoi qu'il en foit, il fuit de ceci qu'au temps de Polybe le fetier de bled auroit valu en Italie 10 liv. 6 f. Il pourroit encore fe faire qu'il s'agit ici du modios Attique; car fi Polybe s'exprime en nonnoies Attiques, pourquoi ne s'exprimeroit-il pas également en mesures Attiques ? Dans ce cas, le fetier de bled auroit valu 13 liv. 14 f

On voit par les Plaidoyers de Cicéron contre Verrès, que dans la Sicile, où, à caufe de la grande fertilité de cette Ifle, le bled devoit être à bas prix, le modios mesure de l'endroit y va◄ loit ordinairement quatre fefterces, ou un denier de 84 à la livre, d'où l'on infere que le fetier de Paris y auroit valu 16 liv. 17 f. de notre monnoie.

l'an 750

Il est donc démontré que l'argent n'étoit pas plus précieux fous les regnes de Philippe & d'Alexandre le Grand, que fous celui d'Augufte, & qu'il ne procuroit pas une plus grande quantité des chofes néceffaires aux befoins de l'homme l'an 400 que de la fondation de Rome. Il y a plus, c'eft que dans la fuite le bled ne valut quelquefois que trois fefterces : c'est à ce prix que le fit réduire Néron pour foulager ou pour calmer le peuple après l'incendie de Rome: Sed folatium populo exturbato & profugo, campum Martis ac monumenta Agrippa, hortos quum etiam fuos patefecit, & fubitaria ædificia exftruxit, quæ multitudinem inopem acciperent: fubvectaque utenfilia ab hoftiá,& propinquis municipiis; pretiumque frumenti minutum ufque ad ternos nummos (Tacit. Annal. lib. XV cap. XXXIX.).

C'eft fans fondement que l'on crie que les mines du NouveauMonde ont avili l'argent; il n'étoit ni plus précieux ni plus utile autrefois qu'il ne l'eft aujourd'hui. On ne ceffe de dire que le numéraire eft confidérablement augmenté depuis certain nombre d'années; on entend par-là que la quantité de l'or & de l'argent s'eft multipliée en Europe. L'on n'a aujourd'hui, dit-on , pour écu de trois livres, que ce que l'on avoit pour douze fous il y a trente ans. En tenant ces difcours, on ne fait pas toujours attention que la livre numéraire ou la livre tournois n'étoit pas intrin

féquement égale à celle d'à préfent; & quand elle le feroit, ce n'eft point au plus ou moins d'or effectif qu'il faut attribuer le hauffement de prix des marchandises. S'il fe trouve dans un Etat plus de métaux, on en fait une plus grande confommation en matieres de luxe. Les changemens de prix dans les denrées nécefaires à la vie, dépendent d'autres caufes; le monopole & les priviléges exclufifs en font le principe. Que le bled, par exemple, fe foit tenu à un prix modique pendant un certain nombre d'années, à la fuite defquelles il fe formera une Compagnie de riches monopoleurs, qui s'empareront d'une quantité de bled excédante le fuperflu de la confommation des habitans d'un Etat; le prix du bled montera. Si le monopole fe foutient, le haut prix du bled fe foutiendra; le prix de la main-d'œuvre en tout genre hauffera à proportion, & tout fe mettra en équilibre comme auparavant, même après une crife violente & dangereufe. Voilà donc tout à haut prix; mais le gain & la dépenfe font proportionnés. Après un intervalle de quelques années toutes ces chofes baifferont par d'autres causes; les denrées néceffaires à la vie reviendront à bon prix; la main-d'œuvre s'y conformera encore, jufqu'à ce qu'il vienne de nouveaux monopoleurs troubler l'heureuse fécurité dont jouiffoit la fociété. Je n'allégue pas ici toutes les causes qui peuvent donner lieu à ces viciffitudes alternatives de chertés & de bas prix dans les chofes de premiere néceffité; il me fuffira de prévenir le Lecteur qu'il appercevra ces variations à l'inspection de la Table que je joins à cet Ouvrage, fur le prix du fetier de bled à Rofai en Brie, réduit au taux de la monnoie courante. En la voyant, fon jugement se rapprochera peut-être du mien; il en inférera que ce n'eft qu'accidentellement, & indépendamment de la maffe des métaux pécuniaires, que tout eft à un haut prix depuis quelques années; & que fi la fin du regne de Louis XV a vu la cherté s'établir fur tout, il eft réservé au regne il est réservé au regne de Louis XVI d'y voir fuccéder un prix plus modéré.

Pline nous a mis dans l'erreur en nous difant que l'as du poids d'une livre de cuivre fut réduit à celui de deux onces dans le temps de la premiere guerre de Carthage. Le raifonnement précédent fur le prix des denrées, tout plausible & tout judicieux qu'il paroît, trouveroit peut-être des contradicteurs, tant on a peine à fe départir de la perfuafion que les Anciens ont été incapables de nous tromper. Heureusement je trouve une autorité à opposer

à celle de Pline; c'eft celle de Feftus. Ce Grammairien dit que ce fut dans le temps de la feconde guerre Punique, lorfqu'Annibal faifoit la guerre en Italie, que le Sénat ordonna cette opération pour libérer la République des emprunts qu'elle avoit été obligée de faire, & rembourfer les créanciers fans leur caufer un grand dommage. Il ajoute qu'enfuite de cette réforme, on se fervit encore pendant fept ans de l'ancien numéraire, qui attribuoit au denier la valeur de dix as, après quoi l'ufage en fut abrogé, pour y en fubftituer un autre, par lequel le denier étoit de feize ce qui fut obfervé dans la fuite, & demeura fixe pour toujours. Tel eft le fens qui me paroît convenir à ces paroles : Sextantarii affes in ufu effe cœperunt ex eo tempore quo propter bellum Punicum fecundùm quod cum Annibale geftum eft, decreverunt Patres, ut ex affibus qui tunc erant librarii, fierent fextantarii, per quos folvi coeptum effet, & populus are alieno liberaretur, & privati quibus debitum publicè folvi oportebat, non magno detrimento adficerentur. Septuennio quoque ufus eft, ut priore numero, fed id non permanfit in ufu, nec ampliùs proceffit in majorem.

as,

cùm

Feftus, dans un autre endroit, après avoir dit que l'ancien fefterce valoit deux livres & demie de cuivre, ce qui lui avoit fait donner ce nom, ajoute qu'il fut augmenté durant la feconde guerre Punique, c'est-à-dire, qu'au lieu de deux as & demi qu'il valoit auparavant, il en valut quatre. Il dit enfuite que l'ancien denier valut d'abord dix as, & le quinaire cinq as; que l'un & l'autre qui étoient caractérisés par des chars attelés de quatre ou de deux chevaux, furent également augmentés à cette époque, ce qu'il faut toujours entendre du nombre des as qu'ils devoient avoir. Le denier en valut alors feize au lieu de dix, & le quinaire huit au lieu de cinq. Enfin il finit par nous apprendre que l'ufage de l'ancien numéraire qui affignoit dix as feulement pour la valeur d'un denier, cinq pour celle d'un quinaire, & deux & demi pour celle d'un fefterce, & qu'il a dit dans le paffage précédent avoir été prorogé pour fept ans, le fut par une loi de Caius Flaminius qui ordonna cette opération dont nous avons parlé, fur la monnoie, afin que le peuple Romain qui fe trouvoit obéré de dettes, pût s'acquitter en payant moins. Je pense que tel eft le fens du paffage de Feftus qui paroît très - corrompu; le voici tel que je le trouve dans l'exemplaire que je poffede de fon ouvrage : Seftertii apud antiquos fuit dupondi, & femiffis. Unde feftertius dićtus

nota

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