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tournois. C'est encore le prix du vin dans quelques-unes de nos Provinces, lorfque la vendange eft abondante.

Columelle au même endroit encore, comparant le produit des vignobles à celui des autres terres, dit que lorsqu'un jugere de pré, de pâturage ou de bois produit cent fefterces au propriétaire qui le fait valoir, il doit être fort content: cùm prata & pafcua, & filvæ, fi centenos feftertios in fingula jugera efficiant, optimè domino confulere videantur. Sur ce pied un arpent auroit rendu 41 liv. 16 fous. Ce produit eft moins confidérable que celui que nous a fourni le paffage de Varron; mais ce dernier Ecrivain parloit d'une bonne terre dans les environs de Rome. L'an 1200 de la fondation de Rome, ou l'an 446 de l'ére vulgaire (Hift. du Bas-Empire, liv. XXXIII, art. XLVII.), par une loi de Valentinien III, le fou d'or eft évalué à 40 modius de froment, à 270 livres de viande, à 200 fetiers de vin, A ce compte, le fetier de bled mefure de Paris, n'auroit valu que 5 liv. 16 fous, la livre poids de marc de viande, que que i fou 7 deniers, le muid de vin 21 liv. 2 fous, & la pinte 2 fous deniers. Je foupçonne erreur au moins dans le prix du bled; ou bien il ne s'agit pas du modius, ou bien ce n'eft pas du modius Romain: fi c'étoit le modios Attique, le fetier de bled n'auroit encore valu que 7 liv. 14 fous; fi c'étoit l'hémiate, alors le fetier auroit valu is liv. 8 fous; ce prix paroîtroit plus raifonnable. Par une autre loi du même Prince, chaque milicien eft estimé trente fous d'or, qui valent 450 liv. C'eft apparemment, dit M. le Beau, à quoi fe montoit alors la paie du foldat & la dépense néceffaire pour fon équipement & fa fubfiftance, pendant une année. Mais nous voyons, ajoute-t-il, que dans ce temps-là, l'eftimation du milicien varie fuivant la volonté des Princes, fans doute à proportion des befoins de l'épargne.

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Suivant Démofthenes (Philipp. 1.) la paie d'un foldat fantassin étoit de dix drachmes (10 liv.) par mois, ou de deux oboles (6 fous 8 deniers) par jour à cette condition le fantaffin gagnoit par jour la valeur de trois chénices & un cinquieme de bled, car le bled valoit cinq drachmes le médimne: on ne lui donne pas tant aujourd'hui. Le cavalier avoit par mois trente drachmes, ce qui revient à vingt fous tournois par jour. Quelquefois les foldats Grecs avoient un darique (16 fous 8 deniers par jour) de paye par mois; c'étoit la folde que des Perfes avoient cou

tume de leur payer. On voit qu'à la priere de Cléarque le jeune, Cyrus l'augmenta encore à ceux qui le fuivoient dans la haute Afie, & que d'un darique, il la fit monter à un darique & demi par mois (25 fous par jour). La paye des matelots étoit de trois & quatre oboles par jour ( 10 & 13 fous 4 deniers). Souvent la paye du foldat qui fervoit fur les vaiffeaux étoit portée jusqu'à la drachme entiere. Dans la flotte qui fut envoyée en Sicile, les Athéniens donnerent par jour une drachme de paye; fans doute que ces foldats étoient obligés à tout leur entretien.

Les foldats Romains, dit M. Rollin, (Hift. anc. tom. XI, pag. 366.) dans les premiers temps de la République, la fervoient gratuitement, & fans recevoir de paye. Les guerres pour lors ne fe faifoient pas loin de Rome, & n'étoient pas de longue durée. Dès qu'elles étoient terminées, les foldats retournoient chez eux, & prenoient foin de leurs biens, de leurs terres & de leurs familles. Ce ne fut que plus de quatre cents quarante ans depuis la fondation de Rome, que le Sénat, à l'occasion du siege de Veies, qui fut fort long, & continué fans interruption pendant T'hiver contre la coutume, ordonna, fans en être requis, que la République payeroit aux foldats une fomme réglée pour le fervice qu'ils lui rendroient. Ce décret d'autant plus agréable au peuple, qu'il ne paroiffoit l'effet que de la pure libéralité dụ Sénat, caufa une joie univerfelle, & tous les citoyens s'écrierent qu'ils étoient prêts de répandre leur fang & de facrifier leur vie pour une patrie fi bienfaifante.

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Pour fournir à cette paye, on impofa un tribut fur les citoyens à proportion de leur revenu. Les Sénateurs donnerent l'exemple qui entraîna après eux tous les autres, malgré l'oppofition des Tribuns du peuple. Il faroît que perfonne n'en étoit exempt, pas même les Augures ni les Pontifes. Ils s'en étoient difpenfés pendant quelques années par voie de fait, & de leur autorité privée. Les Quefteurs les firent affigner pour se voir condamner au payement de toutes ces années. Ils en appellerent au peuple qui les condamna. Quand la guerre étoit terminée, & qu'on avoit fait un butin confidérable fur les ennemis, on en employoit quelquefois une partie à reftituer aux particuliers les fommes quon avoit exigées d'eux pour les frais de la guerre. Ce tribut subsista jusqu'au troisieme triomphe de Paul-Emile fur les Macédoniens, qui fit entrer tant de richeffes dans le tréfor public, qu'on jugea

à propos d'abolir pour toujours cette impofition.

Quoique le foldat ne fervît ordinairement que la moitié de l'année, il recevoit la folde pour une année entiere, comme il paroît par plufieurs endroits de Tite-Live, & elle lui étoit payée à la fin de la campagne, quelquefois auffi de fix mois en fix mois. Ce que l'on a dit jufqu'ici de la paie militaire chez les Romains ne regarde que les fantalins.

Elle fut auffi accordée trois ans après aux cavaliers pendant le même siege de Veies. C'étoit la République qui leur fourniffoit des chevaux ils avoient eu la générofité dans un preffant befoin de l'Etat, de déclarer qu'ils s'en fourniroient eux-mêmes à leurs propres dépens.

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La paye des foldats, ftipendium, lorfque le denier Romain étoit du poids d'une once, pouvoit être d'une fembelle pour le fantassin, & il feroit poffible qu'on lui eût donné le nom de fingule parce qu'elle étoit le falaire de chacun, parce qu'on la don noit tête dans ce cas, celle du cavalier auroit été par libelle ou un as. Le cavalier auroit donc eu vingt fous de paye, & le fantalin dix fous. On trouvera fans doute que c'eft trop pour le fantaffin. Si la folde étoit le téronce, il n'avoit que valant fix fous huit deniers, précisément comme les foldats ats Grecs au temps de Démofthenes. En admettant que le téronce fut d'abord la paye du piéton, & que cette petite monnoie avoit été fabriquée pour cet ufage, il fera facile de se persuader qu'on lui avoit donné un nom qui en exprimoit l'emploi, on pouvoit l'appeller ftips. En effet, les Lexicographes, d'après Cicéron, difent que la sips étoit la plus petite efpece de monnoje qu'euffent les Romains, ce qu'il faudroit entendre de l'argent & non du cuivre. Quoi qu'il en soit, la ftips étoit une monnoie réelle, & il paroît par Feftus qu'on s'en fervoit pour payer les foldats: ftipem effe nummum fignatum telimonio et & de eo quod datur ftipendium mi&c. Et ailleurs, ftipem dicebant pecuniam fignatam, &c.

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Polybe, qui étoit contemporain & ami du fecond Scipion l'Africain, marque que la paie journaliere du piéton chez les Romains étoit de la valeur de deux oboles, celle des centurions de quatre oboles, & celle des cavaliers de fix oboles, c'est-à-dire que la paye du fimple foldat de pied, étoit d'un tiers de denier, celle du centurion de deux tiers de denier, & celle du cavalier d'un denier; car les Romains ne payoient pas leurs troupes en mon

noies Grecques. On trouve ici l'application d'un endroit de Pline, favoir que quoique le numéraire de la monnoie Romaine eût été changé dans le temps de la feconde guerre Punique, & qu'au lieu de dix as que l'on donnoit auparavant pour la valeur d'un denier, on y en comptât feize; cependant on continua dans la fuite à ne donner aux foldats que dix as pour la valeur d'un denier, enforte que leur paie n'étoit réellement que des cinq huitiemes du denier d'argent: in militari tamen ftipendio femper denarius pro decem affibus datus. Nous avons évalué le denier du poids d'une fextule à trente fous de notre monnoie en combinant le prix de l'argent avec celui du cuivre ; fur ce pied le denier ftipendiaire n'auroit valu qu'environ dix-neuf fous, & c'étoit la paie du cavalier; le centurion n'auroit donc eu que 12 fous 8 deniers, & le fimple fantaffin que 6 fous 4 deniers. Mais fi nous voulons croire que dans le temps que Polybe écrivoit fur la paie des foldats Romains, le denier étoit alors à la taille de 84 à la Hvre, & que de plus la réduction des monnoies Romaines en monnoies Grecques faite par cet Hiftorien, étoit à-peu-près exacte; alors nous dirons que le fantaflin avoit de paie le tiers du denier courant, c'eft-à-dire cinq ou fix as, le centurion dix bu douze as, & le cavalier, le denier courant & réel. De cette maniere d'entendre Polybe, il réfultera toujours à-peu-près la même paye que ci-deffus, favoir, au moins 6 fous pour le piéton, 12 fous pour le centurion, & 18 fous pour le cavalier. Polybe a foin d'obferver que fur ce modique falaire, le foldat étoit obligé de fe nourrir & de fe fournir d'armes & d'habits ce qui apparemment avoit toujours été pratiqué depuis l'inftitution de la paye militaire: non frumentum, non veftem, nec arma gratuita militi fuiffe fed certa horum pretia de ftipendio à quæftori

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bus deducta,

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-Ceci dura_jusqu'au temps de Jules-Céfar, qui, au rapport de Suétone (in Jul. Caf. c. 26.), pour s'attacher davantage les foldats légionnaires, doubla leur paye, c'eft-à-dire, qu'il leur donna Te denier Ripendiaire entier favoir, dix as du denier réel d'argent qui en valoit feizes enforte que fi tout fut proportionné à cette époque, le fantaffin eut dix as le centurion vingt, & le cavalier trente. Legionibus ftipendium in perpetuum duplicavit. Alors donc le fantaffin eut 1 fous 3 deniers de paye, le centurion 22 Fous 6 demers', & le cavalier 3 fous 9 deniers. Cette paye paroît

confidérable, mais c'étoit le prix qu'on vouloit mettre à la liberté des citoyens.

Cependant les foldats, lors de la fédition qui s'éleva en Pannonie dans le camp des trois légions qui y étoient réunies fous le commandement du confulaire Junius Bléfus, immédiatement après la mort d'Augufte, fe plaignent de fa modicité. Tacite (Annal. lib. I. n° XVII.) fait ainfi parler Percennius instigateur de la fédition.

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Pourquoi obéir comme de vils efclaves à un petit nombre de >> Centurions, & à un nombre encore moindre de Tribuns? Quand »oferont-ils fe promettre du foulagement dans leurs maux, fi »une requête ou les armes à la main, ils ne vont en demander » au Prince (Tibere) nouvellement élevé à l'Empire, & encore » chancelant fur le trône? Que c'étoit trop d'avoir fouffert durant » tant d'années, que malgré leur vieilleffe & les bleffures dont » leur corps étoit couvert, on les obligeât de porter les armes » pendant trente & quarante ans. Qu'encore feroient-ils trop heu»reux, fi après avoir obtenu leur congé, on mettoit fin à leurs » fervices, mais qu'on les retenoit fous le drapeau pour les y » charger des mêmes travaux fous le nom de vétérans. Que s'il » s'en trouvoit qui euffent affez de force pour furmonter tant de » fatigues, on les tranfplantoit en diverfes contrées où fous pré>>texte fpécieux de leur donner des terres à cultiver, on les em»ployoit à deffécher des marais ou à défricher des montagnes » arides. Que leur fervice étoit auffi ingrat qu'il étoit pénible. "Qu'ils fe vendoient, corps & ame, pour dix as par jour. Que >>fur ce mince falaire, il falloit s'entretenir d'habits, d'armes, de se racheter des châtimens que leur infligeoient les Cen»turions, & en extorquer à prix d'argent quelques momens de » relâche. Qu'en vérité leur vie entiere n'étoit qu'un tiffu de maux, » que pour eux fe fuccédoient fans interruption, les coups, les » bleffures, les rigueurs des hivers, les fatigues de l'été, les périls » dans la guerre & l'indigence dans la paix. Que s'ils vouloient >>fe procurer quelque adouciffement, il falloit prefcrire eux-mê»mes les conditions fous lefquelles ils prétendoient fervir: favoir » qu'on leur donneroit de paie le denier d'argent à chacun; qu'a»près feize ans de fervice, ils auroient leur congé ; que ce temps » expiré, on ne les retiendroit plus fous les enfeignes; que dans »le camp même, avant leur départ, on leur compteroit leur

>> tentes,

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