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en eût imaginé un tout différent, fi dans le refte de fon Ouvrage il m'eût paru plus judicieux, & plus inftruit des ufages de l'antiquité.

Voici à présent une Table des différentes fortes d'usures ou d'intérêts chez les Romains.

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II se préfente ici une queftion qu'on peut faire fur la maniere de percevoir l'ufure chez les Romains; c'eft de favoir si le débiteur étoit obligé de payer fon créancier tous les mois, ou fi ce n'étoit qu'au bout de l'an. Car payer chaque mois, c'est un véritable anatocifme, par comparaifon au payement ufuraire qui ne fe fait qu'au bout de l'an; c'est payer en quelque forte l'intérêt de l'intérêt, parce que le débiteur en gardant fon argent jusqu'à la fin de l'année peut le faire profiter, & en retirer lui-même une ufure proportionnée à celle qu'il paye à fon créancier fur fon capital; au lieu qu'en payant chaque mois il s'ôte cette faculté. Cette différence dans les termes du payement ne laifferoit pas que de mériter de la confidération. Je fuppofe, par exemple, deux hommes également induftrieux qui ont des moyens pour faire valoir leur argent à un pour cent par mois ; ces deux perfonnes font obligées chacune à une redevance annuelle de douze livres intérêt de cent livres; mais le premier eft tenu d'en faire le payement à douze termes, favoir, à la fin de chaque mois ; & le fecond

n'eft obligé de payer qu'au bout de l'an: il eft clair que la con. dition de ces deux perfonnes n'eft pas la même; on trouve par le calcul que la premiere payera réellement environ deux livres onze fous cinq deniers de plus que la feconde. Columelle, dans le calcul que nous avons vu de lui, ne comprend pas les inté rêts compofés; mais cela ne me paroît pas décider la queftion. Je ne fais fi ce que dit M. Dupuy de l'anatocifme eft plus concluant fur ce qui concerne les échéances d'ufure.

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On voit, dit ce Savant, par les Lettres de Cicéron à Atticus (lib. V, epift. 21; & lib. VI, epift. 1, 2, 3.), que l'anatocifme étoit en ufage de fon temps, & pendant qu'il fut Proconful de Cilicie; il le permet lui-même, non à la vérité pour chaque mois, mais pour la fin de chaque année; deforte que fi pour lors l'ufure centieme du prêt n'étoit pas payée, elle s'ajoutoit au principal, & produifoit dès ce moment le même intérêt. Cet anatocifme, qui ne fatisfaifoit pas Scaptius, comme Cicéron s'en plaint, fut enfuite réprouvé, avec la note d'infamie, par une loi de Dioclétien & de Maximien en 284 mais on chercha bientôt à éluder cette loi par une fubtilité. Le créancier faifoit avec le débiteur un nouveau traité, par lequel les ufures non perçues étoient incorporées au principal, comme fi c'eût été un nouveau prêt, & commençoient dès-lors à produire. Juftinien défendit abfolument de réunir au principal les ufures, foit paffées, foit à venir & ftatua que l'ancien prêt feroit le feul qui porteroit intérêt. Tel fut le fort de l'anatocifme.

Mais ce qui prouve plus formellement qu'on payoit chaque mois l'intérêt de l'argent, c'eft le paffage fuivant de Cicéron (lib VI, Epift. ad Attic. ep. I.): Et tamen fic nunc folvitur, tricefimo quoque die talenta Attica xxxiij, & hoc ex tributis, nec id fatis efficitur in ufuram menftruam. Cela pofé, il y a une petite correction à faire à la Table précédente pour rapprocher l'ufure qui fe perçoit chaque mois de celle qui fe perçoit chaque

année,

Ufure onciaire

fextantaire

quadrantaire

,

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trientaire

quinconciale

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Outre l'ufure pécuniaire, il y avoit l'ufure des fruits. Celle-ci ayant été réduite par Conftantin le Grand (Cod. Juft. lib. II, tit. 33, leg. I.) à la moitié du prêt, s'appella hémiele, mot qui fignifie un & demi, comme l'enfeignent Suidas & Harpocrate, & encore Aulugelle (lib. XVIII, cap. 14.) en ces termes : Eft autem hemiolios qui numerum aliquem totum in fe habet, dimidiumque ejus, ut tres ad duo, &c. ; enforte que par cette ufure, pour un modius de bled prêté, on en rendoit un & demi au bout de l'an. L'ufure hémiole fut défendue, par les Conciles de Nicée & de Laodicée, aux Eccléfiaftiques, fous peine d'être retranchés du Clergé. Dans ces temps-là l'ufage étoit de prêter du bled aux laboureurs durant l'hiver, en exigeant d'eux, après la récolte, la moitié en fus du prêt. Saint Chryfoftome s'en plaint : Les riches, dit-il, ne fe contentent pas d'exiger des cultivateurs la centieme partie du ils veulent la moitié. Saint Jérôme en parle auffi, & nous fait part de la raison qu'on alléguoit en faveur de cette pratique. Un modius que j'ai prêté, difoit-on, en a produit dix; n'eft - il Pas jufte que je retire un demi-modius de plus? c'est encore neuf & demi qu'on tient de ma libéralité. Voilà précisément l'hémiole que Conftantin défendit de paffer, & que le Concile de Nicée interdit absolument au Clergé. Juftinien, plus éclairé que Conftantin, la réduifit dans la fuite, & fixa l'ufure des fruits au huitieme d'un modius par an; cet intérêt étoit un peu plus fort la centéfime, puifque fur ce pied cent modius en produiroient douze & demi de profit annuel. Ce Prince fut encore trop indulgent car l'ufure des fruits doit fuivre le cours de l'ufure pécuniaire, n'y ayant aucune raifon qui doive y mettre de la différence.

tout,

que

Les premiers Romains condamnoient généralement l'ufure, de quelque nature qu'elle fût; ce qui faifoit dire à Caton l'ancien que parmi les premiers Romains l'ufure étoit plus en abomination, & punie plus févérement que le vol: Majores noftri fic habuere, & ita in legibus pofuere, furem duplo condemnari, fœneratorem quadruplo (Cato, de Re ruft. initio.). Cette nobleffe de fentimens fubfifta tant que l'amour de l'égalité & de la frugalité furent en vigueur; mais l'ambition & l'avidité qui fuivirent les fuccès des armes Romaines, porterent l'ufure à des excès révoltans, qui plus d'une fois jetterent de grands troubles dans la République, & y allumerent le feu des difcordes civiles. On fit des loix que la cupidité ne refpecta pas long-temps. Tacite (lib. VI, 16. Annal.) témoigne que les loix des douze Tables, pour réprimer la licence des ufuriers, ne permirent que l'ufure onciaire, qui fut elle-même enfuite reftreinte à la demi-once, & fuivie de l'anéantiffement de toute ufure: Sanè vetus urbi fœnebræ malum & feditionum difcordiarumque creberrima cauffa, eoque cohibebatur antiquis quoque & minùs corruptis moribus. Nam primo duodecim Tabulis Janctum, ne quis unciario fœnore amplius exerceret cùm antea libidine locupletium agitaretur, dein rogatione tribuniciâ ad femuncias redacta; poftremò vetita verfura. Multifque plebifcitis obviam itum fraudibus, quæ toties repreffa, miras per artes rurfum oriebantur. « Je fais, dit M, Dupuy, que Dumoulin & M. de Montesquieu » accufent Taçite de s'être trompé. En 398, & environ_quatre» vingt-dix-fept ans après les loix des douze Tables, les Tribuns » Duilius & Manius fixerent, dit-on, par une loi le taux de l'ufure » à un pour cent par an; & c'est cette loi que Tacite confond avec » la loi des douze Tables. Néanmoins Tite-Live (lib. VII, no. 16.), » que l'on cite, ne dit point qu'à la follicitation des Tribuns on >> fit une loi, mais feulement un plébifcite, deux chofes qu'il n'eft » pas vraisemblable que Tacite ait confondues. Il est bien plus » naturel de croire que, malgré la loi des douze Tables, les Grands de Rome ne voulurent pas fe contenter de l'ufure on»ciaire, ce qui détermina Duilius à la propofer de nouveau »>: Haud æque patribus lata in fequenti anno C, Marcio, Cn. Manlio Confulibus, de unciario fœnore à M. Duilio, L. Manio Tribunis plebis rogatio eft perlata, & plebs aliquanto eam cupidiùs fcivit accepitque. Ceci arriva l'an de Rome 398.

« Quoi qu'il en foit, ce fut dix ans après ce plébiscite, fous » le

» le confulat de T. Manlius Torquatus & de C. Plautius, que » l'ufure fut réduite à la demi-once, vers l'an de Rome 408 » : T. Manlio Torquato, C. Plautio Confulibus, femunciarium ex unciario foenus factum (Liv. lib. VII, no. 27.). « Tite-Live nous af>> fure encore que le Tribun Génucius, au rapport de quelques » Auteurs, propofa la fuppreffion totale des ufures »: Præter hæc invenio apud quofdam, L. Genucium, Tribunum plebis, tuliffe ad populum, ne fœnerare liceret (ibid. n°. 42.). « Ĉeci feroit arrivé » vers l'an de Rome 413; mais quand cette idée auroit été con» firmée par un plébifcite, & même par une loi, l'ufure ne laissa » pas de monter, quelque temps après, de la demi- once à la » fémiffe.

» Enfin, après la conquête de l'Afrique, de l'Afie, de la Grece & » des Gaules, Rome opulente vit croître la foif des richesses avec » l'étendue de fon Empire, & l'usage de la centieme s'introduisit >> non-feulement dans fon fein, mais encore dans tous les Etats » qui lui étoient foumis. Combien ne s'en trouva-t-il pas encore >> qui ne purent s'en contenter, & combien de fois la fermeté des » Magistrats n'eût-elle pas à lutter contre la cupidité? Lucullus >> eut besoin de toute fon autorité pour contenir dans ces bornes >> les publicains d'Afie, ou les fermiers des impofitions mifes par >> le Dictateur Sylla; comme enfuite Cicéron de toute la fienne, >> étant Proconful de Cilicie, pour s'oppofer au Tréforier de Pom» pée, qui vouloit exiger du peuple le quadruple de la centéfime. » Ainfi, malgré les efforts des Magiftrats à réfréner l'avidité des » créanciers, malgré même la loi de Conftantin, qui ne permettoit >> au plus que la centieme, ne paroît-il pas que l'usure ait eu des » bornes bien marquées chez les Romains jufqu'à Justinien?

» On peut réduire les divers Réglemens qui furent faits avant >>le regne de ce Prince, à trois objets principaux, dont l'un con» cerne l'anatocifme (nous en avons parlé ci-devant); l'autre re» garde la nature de l'ufure, relativement à celle du prêt & à » l'état des perfonnes; & le dernier, le temps de la cessation des > ufures.

» Il paroît qu'anciennement la permiffion de l'ufure étoit géné>> rale, & la même pour toute perfonne fans diftinction. Nous »lifons cependant dans Lampride (in Alexand. Sev. n°. 26.) qu'A>>lexandre Severe n'accorda aux ufuriers que la tierce, & qu'ayant » d'abord défendu aux Sénateurs tout prêt ufuraire, avec la per

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