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propofé d'observer ftrictement la regle que nous venons d'établir, d'autant que la quantité de la femence doit varier comme la conftitution des lieux, la température des faifons, & la difpofition du ciel. La conftitution des lieux, comme lorsqu'il s'agit d'ensemencer une plaine ou une colline; dans ces deux cas les terres peuvent être graffes, ou médiocres, ou maigres. La température des faifons, comme lorsqu'il s'agit de femer dans l'automne ou au commencement du printemps: dans l'automne il faut moins de femence, il en faut davantage au printemps. La difpofition du ciel, comme lorsqu'il fait de la pluie ou qu'il fait fec; car quand le temps est pluvieux, il faut femer plus clair; & quand il eft sec, il faut femer plus dru. Tout bled barbu fe plaît fur-tout dans une terre en plaine découverte, expofée aux rayons du foleil, & bien ameublie car quoique les collines produifent fouvent un grain plus vigoureux, elles rendent cependant moins de bled. Une terre forte, crayeufe & humide de fa nature, eft propre à recevoir le bled non barbu & le riz; il faut pour ces grains une terre trèsfertile, bien labourée, & repofée de deux années une: ces grains ne craignent ni les pluies continues, ni les lieux humides & marécageux. L'orge au contraire ne vient que dans un terroir meuble, fec & de médiocre qualité : fi la terre eft très-graffe, ou fi elle eft très-maigre, il y périt également ; il ne réuffit pas mieux dans un lieu humide ou marécageux. Or par rapport aux deux fortes de bleds, le barbu & le non barbu, fi la terre eft un peu crayeuse & naturellement humide, il faut plus de cinq modius de femence; mais fi elle eft feche & meuble, foit qu'elle foit graffe, foit qu'elle foit maigre, il ne faut que quatre modius; car dans ce cas, la terre maigre veut autant de femence que la terre graffe; fans cela, l'épi feroit mince & infécond: mais lorfque le grain s'eft multiplié en pouffant plufieurs tiges, alors le bled se trouve affez garni. Nous ne devons pas ignorer encore qu'un champ planté d'arbriffeaux doit confommer une cinquieme partie de femence de plus qu'un champ découvert & en plein air, & nous entendons toujours parler de la femence d'automne , car c'eft celle que nous eftimons la meilleure. Mais il y en a une autre occafionnée par la néceffité; c'eft celle que les Laboureurs appellent des trimestres : elle eft de reffource dans les pays froids & fujets à la neige, où l'été eft humide & fans chaleurs. Il eft trèsla récolte de ces grains foit abondante. Cette femaille

rare que

'doit être achevée de bonne-heure, & toujours avant l'équinoxe du printemps; & autant que la conftitution des lieux & la température de l'air peuvent le permettre, il faudra l'avancer: de cette maniere elle réuffira mieux; car il ne faut pas s'imaginer qu'il y ait aucune femence qui foit trimestre de fa nature, comme plufieurs l'ont cru. Tout grain femé en automne vient toujours mieux; cependant il y a certaines fortes de grains qui résistent mieux aux chaleurs du printemps, comme le bled fans barbe, l'orge Galatique, le riz ordinaire, & la féve Marfique: car pour les autres fromens d'une complexion plus forte, ils doivent toujours être semés avant l'hiver dans les régions tempérées.

Il fuffit, dit Pline (lib. XVIII, cap. XXIV.), de femer par jugere, dans un climat tempéré, cinq modius de bled barbu ou fans barbe; dix modius de riz d'hiver ou de riz trimestre ; fix mo◄ dius d'orge ou d'orobe; fix modius de féves, douze de vefce, trois de pois chiches, de geffe, de pois communs ou de lentilles; dix de lupins, fix de fénugrec, quatre de haricots ou féveroles, vingt de foin, quatre fetiers de millet ou de panis. Il faut plus de femence dans une terre graffe, il en faut moins dans une terre maigre. On fait encore une autre diftinction; dans une terre forte, crayeufe & d'une nature humide, il faut fix modius de bled, foit barbu, foit fans barbe; il n'en faut que quatre dans une terre meuble & légere, découverte, feche & fertile. Lorsque le bled n'eft pas femé clair dans une terre maigre, l'épi eft mince & fans grain; mais dans une terre graffe, le bled talle, & d'un feul grain il pouffe plufieurs tiges, d'où il arrive que d'une petite quantité de femence on récolte une abondante moiffon ; c'est pour cela qu'il y a des perfonnes qui veulent que pour enfemencer un jugere, on emploie entre quatre & fix modius de bled, fuivant la qualité du terroir; d'autres, en plus grand nombre, prescrivent qu'on n'en feme pas moins de cinq modius, foit que la terre foit graffe ou maigre, foit qu'elle foit en plaine ou fur le penchant d'un côteau.

Dans le pays des Léontins en Sicile, on feme ordinairement, dit Cicéron (in Frumentaria), environ un médimne de bled par jugere. Lorfque la terre rend huit pour un, on se trouve bien partagé fi elle rend dix quelquefois, c'est par une faveur spéciale des Dieux.

En Espagne, un fanéga de terre dans les environs du Canal pro

jetté de Murcie, fuivant les renfeignemens pris & par comparaifon avec les terreins voifins, dit-on (dans le Profpectus d'un emprunt en rentes viageres pour la conftruction de ce Canal), eft eftimé valoir huit cents piaftres courantes: on enfemence ce terrein avec un fanéga de bled, pefant cent livres poids de Caftille. La terre rend trente-fix pour un. Le fanéga de bled vaut, année commune en Efpagne, quarante-cinq réaux de veillon ; & l'exportation y est permife lorfque le fanéga ne vaut que trente-deux réaux.

C'eft-à-dire, un arpent de France vaut dans la Province de Murcie 4925 livres : il faut environ sept boiffeaux de Paris pour l'enfemencer en bled. La terre rend la femence trente - fix fois, enforte que l'arpent produit vingt-un fetiers de bled. Le fetier vaut, année commune, 31 liv., & lorfqu'il ne vaut que 22 liv., l'exportation eft permife: d'où il fuit qu'un arpent de terre produit en Efpagne, année commune, pour 651 liv. de bled. Ce que je trouve de fort exagéré ici, c'est le prix en argent des terres; mais c'étoient ces terres qu'on hypothéquoit pour la fûreté des fonds des intéreffés, & il falloit bien les faire valoir. A l'égard du produit de ces terres, il doit encore être porté à l'extrême, vu l'état actuel de l'agriculture en Efpagne. Mais le terroir d'Efpagne eft de nature à donner ce produit, & on lit dans la Géographie de Mérula qu'une mesure de bled en rendoit autrefois quarante dans cette heureuse région.

Dans les vallées de Mixe & d'Arbérone en baffe Navarre, on feme dans un arpent du pays une conque & demie de froment.

Les Laboureurs affurent, dit Budée ( de Asse, p. 523.), qu'il faut une mine & demie ou neuf boiffeaux environ de bled pour enfemencer un arpent de France. Lorfque pour m'en affurer moimême, continue-t-il, je l'ai demandé à ceux de mon Canton, à peine ai-je pu concilier leurs opinions, ce qui vient autant de la variété des terreins que de celle des mefures. Tout ce que j'ai pu inférer de leurs réponses, eft qu'une terre graffe & forte exige au moins neuf boiffeaux de femence, quelquefois dix; & que dans une terre meuble & feche, il faut de femence tantôt fept & tantôt huit boiffeaux. Un arpent de bonne terre rend, année commune, environ douze mines ou fix fetiers: c'eft-là ce que nos meilleures terres produifent communément dans l'Ile de France, que l'Auteur appelle la tétine ou la mamelle de la France (fumen Francia). Dix-huit arpens de cette terre s'afferment un muid de

bled

bled par année, ce qui revient à huit boisseaux de bled pour un

arpent.

Les bonnes terres fortes de l'Ile de France ne rendent donc, fuivant ces obfervations de Budée, que huit pour un de femence, & quelquefois que fept & un cinquieme; mais les meilleures terres légeres rendent jufqu'à neuf & dix pour un.

De la Coutume du grand Perche on déduit, par le calcul, qu'il faut environ huit boiffeaux & trois cinquiemes de bled pour enfemencer un arpent de France; & il résulte des obfervations précédentes de Budée, qu'il en faudroit communément huit & demi.

Selon M. Arbuthnot, dans fon Livre de l'utilité des grandes Fermes & des riches Fermiers, on feme en Angleterre deux bushels & demi de bled par acre légal, trois bushels d'orge, & quatre d'aveine; on recueille communément trois quarters de bled par acre, ce qui fait neuf & trois cinquiemes pour un; mais il fait remarquer que la femence rend quelquefois jusqu'à feize pour un. L'orge rend dix deux tiers pour un, ou quatre quarters par acre; & l'a veine rend huit pour un, ou quatre quarters par acre.

Selon M. Horrebon, dans une Lettre adreffée à M. de la Lande, de l'Académie des Sciences, on feme en Danemarck deux tonnes de bled par toude-hart-korn.

Je vais rapprocher ici fous un même point de vue toutes les obfervations précédentes, réduites au boiffeau de Paris & à l'arpent de France.

Quantité de la femence du bled par arpent de France.

En Egypte, un modios de bled par aroure
En Palestine, un faton'de bled par bethféah.
En Grece, un médimne par jougeron
En Sicile, un médimne par jougeron
En Murcie, un fanéga par fanéga de terre .
En Italie, cinq modius par jugere

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5.593 boiffeaux

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5.593

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6.504

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7.079

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7.000

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7.193

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7.763

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En Caftille, un fanéga par fanéga de terre
En Navarre, I conque par arpent
En l'Ile de France, 8 boiffeaux par arpent.
En Angleterre, 2 bushels par acre

124

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En Danemarck, 2 tonnes par toude-hart-korn, | 10,140

Ttt

On voit par cette Table, que dans les pays chauds il faut moins de femence que dans les pays froids ; que plus les régions font voisines de l'Équateur, moins il faut de femence, & qu'il en faut d'autant plus, qu'on s'avance davantage vers l'un ou l'autre Pole, Cette regle eft établie fur l'expérience & l'ufage constant des peuples, & équivaut à une démonstration.

A Gotha en Saxe on feme un quart de malter de seigle par arpent du pays, ce qui fait 8.225 boiffeaux par arpent de France. M. Carpentier, dans fa Grammaire Ruffe, marque que dans l'Ingrie on emploie ordinairement un tchetvert & demi de feigle pour enfemencer une décétine de terre, ce qui revient à 8.416 boiffeaux par arpent. Mais faut-il autant de femence de feigle que de bled? Quelques Auteurs difent que oui; cependant comme le feigle eft moins volumineux que le bled, je penfe qu'il en faut moins. Au refte, ne fachant rien de pofitif là-deffus, je n'ai pas cru devoir faire entrer en comparaifon la quantité de femence de feigle avec celle de froment.

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A l'égard de l'orge, les Anglois en fement à raifon de dix boif feaux par arpent; & de l'aveine, ils en mettent fur le pied de 14 boiffeaux par arpent. Nous allons donner ici une Table de la quantité de femence de plufieurs fortes de grains & de légumes, calculée à raison de ce que les anciens Romains en mettoient dans un jugere.. Mais comme la quantité de femence croît ou décroît fuivant les climats, & que cinq modius pour un jugere Romain ne doivent point faire trouver 7.193 boiffeaux de Paris pour un arpent de France, puifqu'au contraire l'ufage eft d'y en mettre 8 & demi; & que de même deux bushels & demi par acre ne doivent pas donner 8.878 boiffeaux pour un arpent, puifque l'on ne doit également en avoir que 8; je me crois obligé de partir de ce principe pour dreffer la Table que j'annonce & que voici.

Premiérement, des bleds ou fromens.

Triticum, & πupos, bled ou froment barbu, 4 modius de femence par jugere, felon Columelle; c'est par arpent 6 boisseaux dans 'Ifle de France. 5 modius communément, felon Varron, Columelle & Pline; c'eft 8 boiffeaux par arpent. 6 modius quelquefois, felon Columelle & Pline; c'eft par arpent 10 boiffeaux. Siligo, olayıs, bled ou froment commun fans barbe; c'est le

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