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& triticum in loco aperto, editoque qui fole quàm diutiffimè torreatur (Plin. lib. XVIII, cap. XVII.). Cependant elle s'accommode auffi des terres baffes & humides, fortes & crayeufes, telles qu'il y en a dans l'Italie & dans la Gaule Comate. Elle réuffit merveilleusement dans le pays des Allobroges & dans celui des Auvergnacs. Dans quelques lieux elle dégénere en triticum au bout de deux ans; il n'y a d'autre moyen pour empêcher cette métamorphofe, que de trier chaque année pour la femence les grains les plus nourris & les plus pefans. Elle a les feuilles unies & douces au toucher, comme le triticum; fon grain est également enveloppé de plufieurs écailles ou balles; mais fon épi, de même que celui du far, n'a point de barbe: Far fine arifta eft, item filigo (Plin. lib. XVIII, cap. X.). Sa tige s'éleve plus que celle de l'orge. On bat la filigo dans l'aire, comme le triticum & l'orge. La filigo eft excellente en Italie, lors fur-tout qu'on fait un mélange de celle qui croît dans la Campanie avec celle qui vient dans le territoire de Pife en Etrurie. Celle de la Campanie eft plus dorée, celle de Pife eft plus blanche, & celle qui vient dans une terre crayeuse a plus de poids. Ce grain ne mûrit pas tout en même-temps, & cependant il n'en eft point dont la moiffon puiffe fouffrir moins de délai, à caufe de fon extrême délicateffe; en effet quand les grains font bien mûrs, ils tombent de l'épi : cependant comme fon épi fe tient toujours droit, il eft moins expofé au danger; il eft moins fujet à la rouille que les autres grains. On dit que lorfque la filigo vient à dégénérer, elle fe change en triticum, ce qui n'arrive pourtant que la troisieme année. Elle ne craint pas les exceffives chaleurs, ce qui fait qu'on peut ne la femer qu'au printemps, de même que l'orge Galatique, l'halicaftrum, & les femences de la féve Marfique. On emploie de fa femence la même quantité que du triticum. Malgré ce qu'on vient de dire de la filigo, les Laboureurs ne doivent pas s'en laiffer impofer fur fon fujet, ni la fouhaiter comme préférable au triticum; car fi fon grain surpasse celui de ce dernier froment en blancheur, il lui eft cependant inférieur en poids: mais on le feme avec fuccès dans les lieux humides, où le triticum ne réuffiroit pas. On peut au refte s'en procurer de la femence fans beaucoup de difficulté ; car tout triticum femé dans une terre humide fe convertit en filigo après la

troisieme moiffon.

La filigo eft un bled d'hiver, dont l'épi eft fans barbe; il y en a dont

a dont le grain eft jaune & doré, comme dans la Campanie; il y en a dont le grain eft blanc, comme dans la Toscane: elle ne peut donc être que notre bled commun, & en même-temps le bled blanc d'Italie. Ce n'eft point le feigle, comme quelques Ecrivains se le font imaginé, probablement fur la reffemblance du nom. Tout le monde fait combien le pain de froment eft fupérieur à celui de feigle, & cependant le pain de la filigo étoit préféré à tout autre pour fa délicatesse & fa blancheur, comme on le voit par la cinquieme Satyre de Juvénal:

Sed tener & nivens, mollique filigine factus

Servatur Domino.

La moële, la chair ou la pulpe des bleds réduite en poudre, s'appelloit en général farina, farine, du mot fpécifique far, ou peut-être plutôt du verbe grec phago, dont ce dernier paroît dérivé. Mais on diftinguoit des farines de différentes qualités & de différens degrés de fineffe. Dans le triticum, la farine de premiere qualité s'appelloit fimilago, celle de feconde qualité se nommoit pollen, les recoupes qui faifoient la troifieme qualité s'appelloient cibarium ou fecundarium. Le furplus étoit la peau du grain ou le fon, furfur. Le modius du triticum d'Afrique rendoit communément huit fetiers de fimilago, cinq fetiers de pollen, quatre fetiers de cibarium, & quatre fetiers de fon; ainfi feize fetiers de grain, qui font la continence du modius, rendoient à la mouture vingtun fetiers de farine ou de fon. A l'égard de la filigo, la plus belle farine, passée au bluteau, s'appelloit filigo caftrata, celle de seconde qualité fe nommoit flos; celle de troifieme qualité, qui ne confiftoit que dans les recoupes, s'appelloit cibarium ou fecundarium. Un modius de filigo du territoire de Pife en Tofcane, rendoit cinq fetiers de farine de la premiere qualité, huit fetiers de farine de la feconde qualité, quatre fetiers de la troisieme qualité, & quatre fetiers de fon; ainfi feize fetiers de ce grain rendoient vingt-un fetiers de farine ou de fon, comme le triticum. Un modius de farine de filigo Gauloise produifoit vingt-deux livres de pain cuit en tourtieres, ou vingt-quatre livres de pain cuit au four. Un modius de farine de filigo d'Italie rendoit vingt-quatre ou vingt-cinq livres de pain cuit en tourtieres, ou vingt-fix à vingt-fept livres de pain cuit au four. Un modius de farine valoit communément qua

rante as fous l'empire de Trajan; la plus fine farine du triticum valoit quarante-huit as, & celle de la filigo cinquante-six as; c'est fur le pied de 30 liv. 5 f. le fetier de farine commune, de 36 1. 6 f. le fetier de la plus belle farine de triticum, & de 42 livres 7 f. le fetier de la plus belle farine de filigo, le tout à la mesure de Paris. Le fac de la plus belle farine pour faire du pain, lequel est le produit de deux fetiers, & eft réputé du poids de 325 liv., vaut actuellement dans cette Ville 52 liv.

Edor, ador, adoreum, far, alicaftrum ou_halicaftrum, femen, zea, olyra, arinca, fandalum, oryxa, tiphe, bromos, tragos, font des appellations polyglottes de la même forte de froment, avec quelques légeres différences. L'ador ou le far eft de tous les fro mens le plus ferme, le plus vigoureux; c'eft celui qui soutient le mieux les rigueurs de l'hiver. Il s'accommode, fans beaucoup de culture, des terres froides comme des terres chaudes. C'eft un bled d'hiver que l'on feme vers le temps du coucher des Pléiades; fa tige, plus haute que celle de l'orge, eft divifée par fix nœuds; fes feuilles font unies & douces au toucher; fon épi eft fans barbe; fon grain eft revêtu de plufieurs fortes enveloppes. Ce grain, de même que le millet & le panis, ne peut fe nettoyer ni fe débarraffer de fes écailles, fans avoir été chauffé & defféché au four; c'eft par cette raifon qu'on eft obligé de garder dans fa balle celui que l'on réserve pour la femence. Il eft plus pefant que l'orge, mais moins que le triticum. Il réullit parfaitement en Italie, & principalement dans la Campanie, où on l'appelle femen; on y en fait deux récoltes chaque année, & de plus une récolte de panis dans la même terre. Comme ce froment eft difficile à battre, & qu'on a de la peine à l'arracher des capfules qui le contiennent, on ne le nettoie point à l'aire, comme le triticum & la filigo; on eft forcé de le ferrer avec fa paille, dont enfuite on trouve moyen de le débarraffer en le faifant deffécher au four. L'ador ou le far fe plaît dans les terres crayeufes, dans les terres rouges, dans les terres baffs & les plus humides: In cretofo & rubricofo & aquofiore agro adoreum.... in creta & uligine & rubricá & agro qui aquofus erit femen adoreum potiffimum ferito.... in cretá & rubricâ & aquofiore agro, adoreum.... Periti in loco humidiore far adoreum potiùs ferunt quam triticum; contra in aridiore hordeum potiùs quàm far.... Magis aptè in agris imbribus obnoxiis adoreum quàm triticum feritur: quoniam folliculum quo continetur, firmum & durabilem adverfùs longioris temporis humorem habet.

Columelle dit qu'on connoiffoit quatre fortes de far ou d'ador: celui de Clufium ou de Chiufi, dont le grain eft d'une blancheur admirable; le far appellé vennuculum rutilum, dont le grain avoit l'éclat de l'or; & un troifieme qui étoit blanc: ces deux derniers furpaffoient celui de Clufium pour le poids. Enfin le quatrieme, appellé femen trimestre ou autrement halicaftrum, étoit plus pefant que tous les autres, & les furpaffoit en qualité. Les Anciens par conféquent avoient une forte de far ou d'ador, qui étoit un froment d'hiver, & un autre que nous appellerions far de Mars, ou far trimestre, lequel fe mettoit en terre au printemps. Virgile, dit Columelle, pense que l'on ne doit femer l'ador, aussibien que le triticum, qu'après le coucher des Pléiades, ce qu'il exprime ainfi en ces vers:

At fi triticeam in meffem robuftaque farra
Exercebis humum, folifque inftabis ariftis,
Ante tibi eoa Atlantides abfcondantur.

Or, ajoute Columelle, elles fe couchent le trente-unieme jour après l'équinoxe d'automne, ce qui arrive le neuvieme des Calendes d'Octobre. Ce jour répondroit, dans l'ancien Calendrier Romain, au 23 de Septembre; mais dans notre Calendrier actuel, il doit répondre au 23 d'Octobre, puifqu'il tomboit le trente-unieme jour après l'équinoxe.

le

Pline nous apprend que c'eft avec le far appellé femen trimestre & zea, qu'on fait l'alica. On contrefait encore l'alica avec une zea bâtarde qui vient d'Afrique. C'eft de ce mot alica que vient celui d'a licaftrum: ce mot alica exprime la zea lorfqu'elle eft mondée & dépouillée de fes enveloppes, c'est le noyau ou l'amande du grain. Mais l'halicaftrum, fans être mondé, s'appelloit auffi quelquefois alica. Le gruau d'orge, ou l'orge mondé, s'eft auffi nommé alica, comme on le voit dans Pline. Ce que cet Auteur appelle far & femen, Strabon (lib. V, p. 167.) le nomme zea. Parlant de la fertilité de la Campanie, il dit qu'il y vient un froment dont on fait un gruau qui furpaffe celui de quelqu'autre oryza que ce foit. La terre ne produit nulle part un aliment plus nourriffant ni plus délicieux. Ce froment, qu'il appelle la żea, s'y récolte deux fois l'année; on fait encore dans le même champ une troisieme récolte de panis, & quelquefois même une quatrieme d'herbes potageres.

V v v ij

que

D'un autre côté, Denys d'Halicarnaffe (Ant. R. lib. IV, p. 95.) écrit que le far des Romains est la zea des Grecs. La zea eft l'olyra, felon Hérodote (lib. II, no. 37.) & felon Galien (tom. II. Explic. Voc. Hippocr. p. 91.). Pline en plufieurs endroits dit le far eft auffi l'olyra. L'arinca eft également l'olyra dans Pline (lib. XVIII, cap. X; & lib. XXII, cap. XXV.). La zea eft femblable à l'oryza dans Théophrafte (Hift. Plant. lib. IV, cap. 5.), qui dit que les Indiens cultivent principalement l'oryza qui eft fem-blable à la zea, & qu'ils préparent comme l'alica, ou qu'ils mondent comme l'alica. L'olyra eft également l'oryza, fuivant Turannius, dans Pline, qui dit que les peuples de l'Italie faifoient un grand ufage de l'oryza, dont ils tiroient un gruau (ptisana) que les autres peuples font d'orge. Suivant ce Naturalifte, les feuilles de l'oryza font charnues, femblables à celles du poireau, mais plus larges: la hauteur de fa tige eft d'une coudée; fa fleur purpurine, & fa racine a la rondeur d'une perle. De plus encore, le Jandalum ou l'arinca, & non la brance, comme l'ont écrit les Copiftes en corrompant le texte de Pline (lib. XVIII, cap. VII.), eft un très-beau far que cultivoient les Gaulois qui habitoient fur les bords du Pô. Suivant le même Auteur, la tiphe, mot qui fignifie plante marécageuse, ou qui fe plaît dans les lieux aquatiques, eft la zea, dont on fait l'oryza. Le bromos & le tragos (lib. XVIII, cap. X.) font encore des efpeces d'oryza. Faifons parler Pline, en raffemblant ce qu'il dit en plufieurs endroits. Les fromens, dit-il, ne font pas par-tout les mêmes, & où ils font les mêmes, ils ne portent pas les mêmes noms. Les plus ordinaires font le far, que les premiers Romains appelloient adoreum, puis la filigo & le triticum. Ces grains font communs prefqu'à tous les pays. L'arinca eft propre & particuliere à la Gaule (Togate) & à 'Italie Tranfpadane, où on la cultive beaucoup. Nous appellons fandalum cette efpece: c'eft un bled dont l'épi eft plus grand & le grain plus compacte que dans les autres fortes de far: il pese davantage. Un modius de ce grain, qui eft très-pur & très-beau, balance au moins vingt-cinq, & le plus fouvent vingt-fix livres (22 ou 23 liv. le boiffeau), comme à Clufium dans l'Etrurie. Il produit à la boulangerie quatre livres de pain de plus que les autres bleds de même nature, & le pain où la pâtifferie qu'on en fait eft d'une faveur & d'un goût délicieux. Il n'eft point contenu dans des tuniques, mais il eft nud & fans écailles, comme l'orge

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