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& l'aveine. Dans la Grece, on ne peut le féparer de la paille, ni le monder qu'avec beaucoup de peine; c'eft pourquoi Homere dit qu'on le donnoit à manger aux chevaux (Voyez l'Iliade, liv. V, v. 195; & liv. XVIII à la fin.); car c'est celui qu'on appelle olyra: il vient en Egypte fans beaucoup de culture, & y eft d'un grand produit. Les efpeces de grains particulieres à l'Egypte, la Syrie, la Cilicie, l'Alie mineure, & une partie de la Grece, font la zea, l'olyra & la tiphe.

Les Ecrivains anciens affurent qu'il n'y avoit point de nourriture plus faine, ni en même temps plus agréable que celle de l'alica. La plus parfaite fe faifoit en Italie, dans le Véronese & le territoire de Pife, mais principalement dans la Campanie. Celle d'Egypte n'avoit point la même qualité. Pour faire cette alica qu'on tiroit de la zea ou du femen, on évitoit de se servir de mortiers de pierre, de peur de brifer le grain; on employoit pour cela des mortiers de bois. Lorfque l'amande étoit dégagée de fa tunique on la concaffoit à nud dans le même mortier & avec le même pilon. De cette maniere on faifoit de l'alica de trois qualités; la fine, la moyenne, & la groffe, qu'on nommoit apharema. Cette opération ne lui procuroit pas encore fa grande blancheur; cependant on la préféroit dès-lors à celle d'Alexandrie. Quand on vouloit la sendre parfaitement blanche, on y mêloit de la craye, qui, s'incorporant avec le grain concaffé, lui donnoit cette extrême blancheur qui la faifoit rechercher & la rendoit plus tendre.

C'est dans le Picenum qu'on avoit trouvé l'art de faire les gâteaux ou tartes d'alica, & les habitans de ce canton confervoient encore, au temps de Pline, la réputation de faire la meilleure pâtifferie en ce genre. Leur procédé étoit tel : ils mettoient tremper dans l'eau l'alica, & l'y laiffoient durant neuf jours; le dixieme jour ils la paîtriffoient, & donnant à la pâte la forme d'un raifin fec & preffé, ils en faifoient des gâteaux ronds & applatis; enfuite on les mettoit cuire au four dans des tourtieres de terre cuite, faciles à rompre. Cette efpece de biscuit ne se mangeoit point qu'on ne l'eût fait amollir auparavant dans du lait préparé avec du miel.

Mettons en parallele la defcription du grain précédent & celle 'du riz, tel qu'il eft connu en Europe, principalement en Italie & en Espagne, d'où nous vient prefque tout celui que nous confommons en France.

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La fleur du riz n'a point de pétales. Les femences font un peu épaiffes & ovoïdes elles naiffent en épi, & elles font renfermées dans une capfule qui eft terminée par un filet (Tournefort, Inft. rei herb.).

Cette plante pouffe des tiges ou tuyaux de trois à quatre pieds de hauteur, plus gros & plus fermes que ceux du bled, noués d'efpace en efpace: fes feuilles font longues, charnues, assez semblables à celles de la canne ou du poireau; fes fleurs raiffent à fes fommités, & ressemblent à celles de l'orge; mais les graines qui les fuivent, au lieu de former un épi ordinaire, font difpofées en pannicules ou bouquets, enfermées dans une capfule jaunâtre ou autrement dans des coques formées de deux balles rudes au toucher, & dont l'une fe termine en un long filet. On fait que fes graines font blanches & oblongues. On le cultive dans tout le Levant, en Egypte, dans l'Inde & à la Chine. Il y a quantité de rizieres en Italie le long du Pô.

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Pour élever utilement le riz, & en multiplier le produit, on choisit un terrein bas, humide, marécageux, un peu fablonneux, facile à deffécher, & où l'on puiffe faire couler aifément de l'eau. C'est que les rizieres, pendant la croiffance de la plante, doivent être alternativement arrofées & defféchées. Voici comme Virgile (Georg. lib. I.) décrit cet arrosement :

Quid dicam, jado qui femine cominùs arva

Infequitur, cumulofque ruit malè pinguis arena;
Deinde fatis fluvium inducit, rivofque fequentes,
Et cùm exuftus ager morientibus aftuat herbis,
Ecce fupercilio clivofi tramitis undam

Elicit illa cadens raucum per lævia murmur
Saxa ciet, fcatebrifque arentia temperat arva.

Mais l'art du Laboureur peut tout, après les Dieux.
Dans fes champs la femence eft-elle déposée ?
Il la couvre à l'inftant fous la glebe écrasée,
Puis d'un fleuve coupé par de nombreux canaux
Court dans chaque fillon diftribuer les eaux.
Si le foleil brûlant flétrit l'herbe mourante,
Auffi-tôt je le vois par une douce pente

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Amener du fommet d'un rocher fourcilleux

Un docile ruiffeau, qui fur un lit pierreux

Tombe, écume, & roulant avec un doux murmure

Des champs défaltérés ranime la verdure.

M. Delifle, de qui font ces beaux vers, observe dans fes Notes que ceci ne fe pratique point en France, & n'eft plus guere en ufage en Italie que pour les jardins. Cela ne fe pratique pas en France, fans doute parce qu'on n'y cultive pas de riz; cela ne se pratique pas non plus en Italie pour les bleds de l'efpece des nôtres, & cela ne s'y eft jamais pratiqué dans ce cas. Mais aujour d'hui, comme autrefois en Italie & en Efpagne, on fait couler des eaux dans les rizieres, & à différentes reprises.

La terre où on feme le riz doit être labourée une fois feulement dans le mois de Mars. On le feme en Avril. Il faut que les grains en ayent été confervés dans leur balle ou enveloppe, & qu'ils ayent trempé auparavant trois ou quatre jours dans l'eau, où on les tient dans un fac jufqu'à ce qu'ils foient gonflés, & qu'ils commencent à germer. On le coupe vers la mi-Оctobre.

En Catalogne on met le riz en gerbes, on le fait fécher, & quand il eft fec on le porte au moulin pour le dépouiller de fa balle. Les Chinois, après avoir cueilli leur riz, le font cuire légérement dans l'eau avec fa peau; enfuite ils le fechent au soleil, & le pilent à plufieurs reprises. Quand on a pilé le riz pour la premiere fois, il fe dégage de fa groffe peau, & la feconde fois il quitte la pellicule rouge qui eft au-deffous, & le riz fort plus ou moins blanc felon l'efpece. C'eft dans cet état qu'ils l'apprêtent de différentes manieres pour aliment. Le riz femé dans une terre falée rend jufqu'à 30 ou 40 pour un Dict. Encycl. au mot Riz. ).

Le riz réuffit parfaitement bien en France. Il y a dans ce Royaume beaucoup de terres qui ne font guere propres pour la culture des autres grains, on pourroit les confacrer avantageufement à faire des rizieres. On le cultivoit avec fuccès dans le Rouffillon; mais on a défendu cette culture, fous prétexte que l'eau croupiffant dans ces lieux, s'y corrompoit, rendoit l'air mal-fain, & occafionnoit des maladies. Cette interdiction n'a peut-être été l'ouvrage que de quelques perfonnes intéressées à ce que nous foyons toujours obligés de tirer ce grain précieux de l'étranger.

Si la defcription ancienne du far, & la defcription moderne du

riz, différent par quelques nuances légeres, leur, ensemble fuffit pour nous y faire reconnoître la même plante, & il ne ne peut refter de doute fur leur identité. Moins de reffemblance dans ces deux peintures fuffiroit pour en convaincre ; car on ne peut pas dire que le riz étoit inconnu aux Anciens, nous avons vu qu'ils le connoiffoient or s'ils l'ont connu, ce grain étoit trop utile pour qu'ils n'en fiffent pas quelque mention dans leurs écrits. Cependant, fi l'on excepte la courte defcription qu'en fait Pline avec quelques autres Naturaliftes fous le nom d'oryza, il n'en est jamais ou prefque jamais parlé fous cette dénomination dans les Ecrivains, fur-tout parmi les Romains. Il me femble que ni les Hiftoriens ni les Poëtes n'en difent mot. Le riz auroit mérité de trouver quelque place dans les Traités d'Agriculture de Caton, de Varron & de Columelle; ils n'en parlent point fous le nom d'oryza. Le riz a-t-il donc été créé depuis ? Non; Rome étoit au berceau, & la bouillie de riz fut le premier & même l'unique aliment des Romains dans l'enfance de leur Monarchie. Verrius Flaccus, très - ancien Grammairien, avoit écrit qu'ils s'en nourrirent l'espace de trois cents ans; durant ce temps ils n'uferent point de pain, & tant qu'il y eut des Romains, ils conferverent le monument mémorable de cette éducation primitive de leurs peres. Numa Pompilius avoit ordonné qu'on honorât les Dieux en leur offrant du riz, ou de la bouillie de riz: il voulut même, au rapport d'Hémina, qu'à l'égard du riz on n'en fit des offrandes qu'après l'avoir mondé, parce que n'étant propre pour la nourriture de l'homme que dans cet état, il étoit indigne de la majefté des Dieux de le leur préfenter moins pur. Dans cet efprit de Légiflation rituelle, il inftitua des fêtes où il n'étoit permis de s'occuper que du travail de monder le riz. Ces fêtes & ces cérémonies furent foigneufement obfervées : car dans ce temps-là les Romains, comme Pline en fait la remarque, connoiffoient des Dieux, & jamais ils ne goûterent aux fruits nouveaux fans leur en préfenter les prémices. Les générations fuivantes, quoique moins zélées pour le culte des Dieux, ne perdirent pas néanmoins de vue cette antique inftitution. Les libations & les offrandes prefcrites par Numa, ainsi que celles du jour natal des particuliers, furent faites folemnellement fuivant l'ancien rit. On offroit de la bouillie ou des tartes de riz, adorea dona, adorea liba. Si, les mains pures, vous vous approchez des autels, dit Horace (lib. III, Od. XXIII.), il n'est point de

fuperbe

fuperbe victime plus efficace pour fléchir les Dieux irrités, qu'une offrande religieufe de riz affaifonné d'un peu de fel:

Immunis aram fi tetigit manus,
Non fumptuofa blandior hoftia
Mollibit averfos penates

Farre pio & faliente micâ.

Après le triticum, la filigo & le far, la culture la plus utile est celle de l'orge, hordeum ou ordeum; c'est en Italie un froment d'hiver que l'on feme vers le temps du coucher des Pléiades, c'est-à-dire, vers la fin d'Octobre. Il leve le feptieme jour après qu'on l'a mis en terre. Du plus gros bout du grain fort la racine de la plante, & du moindre la tige, le feuillage & la fleur. La tige eft divifée par huit nœuds. Les feuilles font rudes au toucher. Le grain n'eft point enveloppé dans des tuniques; il eft nud comme dans l'arinca & l'aveine. Son épi eft barbu, & plus piquant que celui du triticum. Son grain eft le plus léger des fromens. Il est rare qu'un modios Attique d'orge paffe quinze litres Attiques ou livres Romaines ( 17 livres de Paris le boiffeau ). On doit femer, autant qu'il eft poffible, dans une terre neuve ou dans une terre restible. Il y a plufieurs efpeces de cette plante. Il y a l'orge à deux rangs de grain fur l'épi, hordeum diftichum ou galaticum c'eft celui qu'on appelle en France à deux quarts; il en a à qua

y

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tre quarts & à fix quarts: ce dernier fe nomme hordeum hexaftichum ou cantherinum. L'orge hexaftique étoit eftimé des Anciens, tant parce qu'il eft excellent pour la nourriture des beftiaux, que parce que dans un temps de difette & de cherté il peut fervir d'a liment à l'homme même. L'efpece d'orge appellé diftique ou galatique a le grain compacte, pefant & d'une agréable blancheur; en le mêlant avec du triticum on en faifoit de très-bon pain pour les esclaves chez les Romains. Comme il y a plufieurs efpeces d'orges, on remarque auffi quelques différences dans la forme, le poids & la couleur de ce grain; il eft tantôt plus long, tantôt plus court ou plus rond, tantôt plus blanc, tantôt plus noir, quelquefois même il tire fur la couleur pourpre. C'est avec l'orge qu'on faifoit en Egypte la ptifana, c'est-à-dire, le gruau, ou l'orge mondé apparemment. Pline dit que la maniere de faire cette préparation de l'orge eft connue de tout le monde; aujourd'hui nous ne

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