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favons pas précisément ce que c'eft. La polenta est un orge réduit en farine, & préparé pour fervir d'aliment : Pline explique la maniere dont elle fe faifoit.

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Le feigle, fecale, croît, dit Pline, fous les Alpes, où les riniens (les Piémontois) l'appellent afia. C'eft un affez ma vais bled, mais on en mange du pain dans les pays où l'on a difette des autres fromens. C'eft une plante dont la tige eft menue, & qui vient dans toute forte de terre: elle eft féconde, car elle rend juf qu'à cent pour un. Le grain du feigle a affez de poids, mais le pain que l'on en fait eft noir, amer & peu nourriffant. Pour le rendre plus fupportable, on mêle du riz avec la farine du feigle, mais avec ce correctif on ne réuffit pas à en faire de bon pain; néanmoins comme il rend beaucoup de grain, & qu'il vient Partout, on en préfére fouvent la culture à celle des autres bleds. Chez les anciens Romains, l'aveine, avena, bromos, ne faifoit pas un grand objet de culture. On la femoit dans l'automne avec les autres bleds d'hiver. Au printemps on la coupoit pour donner en verd aux beftiaux, ou bien on la faifoit fécher pour faire foin. On fe contentoit d'en laiffer mûrir ce qu'il en falloit pour avoir de la femence. Mais les Germains en faifoient une culture plus férieufe; ils en tiroient leur nourriture, & en grande partie ils vivoient de gruau ou de bouillie d'aveine. Pline, après avoir rangé le bromos dans la claffe de la zea, le range ailleurs dans celle de l'aveine; il dit que cette plante porte un épi qui reffemble à celui de l'herbe ou du gramen; que fa tige & fes feuilles ont beaucoup de rapport avec celles du triticum mais " que fes femences pendent des fommités de la tige en forme de locules ou de petites bourses, ce qui défigne parfaitement l'aveine.

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La tige, foit du millet, foit du panis, est noueuse, concave, & rameuse à son extrêmité fupérieure. Les femences n'ayant point été pourvues de tuniques, font fans défenfe, & expofées au infultes des petits oifeaux. Le millet, milium, xéyxpos, tire fon nom latin, felon Feftus, du mot mille, à cause de fa fécondité. graines attachées & foutenues par des filets pliés & recourbés, forment comme une chevelure éparpillée. Le panis, paniczum, μexiv, représente une gerbe ou une jube d'un pied de longueur, dans laquelle le grain eft entaffé & preffé par petites houpes ou bouquets: il s'appelle ainfi des panicules ou fommités filarenteufes & languiffamment flottantes qui foutiennent les graines. Il y

a de plufieurs fortes de panis; le mammeux eft remarquable par fa double tête, compofée de panicules très-déliés, & qui reffemblent à deux quenouillées ou à deux grappes de raisin. On distingue auffi le panis par la couleur : il y en a de blanc, de noir, de doré & de purpurin. Il eft rare que l'on faffe du pain de panis; mais on fait du pain de millet de plufieurs fortes, & ce painpeut fe manger avec plaifir lorfqu'il eft chaud & fortant du four. Aucun froment ne pefe autant que le millet, & il n'en eft point qui fe multiplie davantage à la cuiffon. D'un modius de ce grain on fait foixante livres de pain (53 livres poids de marc par boifseau mesure de Paris); & trois fetiers du même grain détrempé pour faire de la bouillie, en produit feize fetiers. Depuis environ dix ans, dit Pline, on nous a apporté de l'Inde en Italie, une forte de millet dont le grain eft noir & d'une groffeur prodigieufe. La tige de cette plante reffemble à celle du rofeau, & s'éleve à la hauteur de fept pieds (6 pieds 8 pouces de Roi). Ses fommités, en forme de jube ou de gerbe, font un grand volume: on les appelle phobes. Cette efpece de millet, qui fe plaît dans les lieux aquatiques, eft la plus féconde de toutes, car d'un feul grain de fa femence on en recueille jufqu'à trois fetiers (environ deux pintes).

C'est dans la Campanie en général que le millet eft un objet de culture confidérable. On y en fait de la bouillie avec du lait, qui eft très-blanche & affez bonne; on y en fait auffi du pain d'une faveur douce & agréable. La bouillie de millet eft la principale nourriture des Sarmates; ils en mangent même la farine fans la faire cuire, ils fe contentent de la délayer dans du lait de jument ou dans le fang qu'ils tirent de leurs chevaux en leur ouvrant les veines de la cuiffe. Les Ethiopiens ne connoiffent pas d'autres grains que le millet & l'orge. Les peuples de la Gaule, & fur-tout de l'Aquitaine, font ufage du panis. Les Italiens des environs du Pô en préparent auffi pour leur nourriture, mais ils y mêlent des féves comme dans tous leurs autres alimens. Les habitans du Pont préférent le panis à tout autre mets. La farine de millet paîtrie avec du vin doux, eft bonne pour faire du levain. Les Anciens, au temps de la vendange, avoient foin d'en préparer une provifion pour toute l'année. Le millet & le panis n'aiment pas l'eau, quand ils ne font encore qu'en herbe. On dit qu'il ne faut pas X x x ij

les femer parmi les arbres fruitiers, ni dans les vignes, parce qu'ils ufent & amaigriffent la terre.

Pline range le féfame, fefama, fefamum, dans la claffe des bleds de Mars, & Columelle dans celle des légumes. Selon Pline, la tige du féfame reffemble à celle des plantes férulacées; fes feu illes font fanguines, de même que celles de l'irion; fes femences font blanches & contenues dans des vafcules en forme de coupes Ou ciboires, comme celles du pavot. Cette plante reffemble à l'éryfimon qui croît en Afie & en Grece; il reffemble auffi beaucoup à l'irion que les Gaulois appellent velarum, velar ou torlelle; irion, qui eft plus nourri que le féfame & l'éryfimon, eft une plan te rameufe qui a les feuilles un peu plus étroites que celles de l'erne, la roquette, & la femence femblable à celle du nafturtium, nasito1 ou creffon alénois. La plante, que les Grecs appellent horminorz ormin, eft encore de la nature des précédentes, mais elle ressemble plus au cumin; on la feme en même temps que le sésame & l'irion. L'éryfimon, l'ormin & l'irion ne fe cultivent que comme plantes médicinales, & jamais pour la nourriture de l'homme ou même des beftiaux : aucun animal n'en mange dans les champs. Le féfame eft une mauvaise nourriture, qui appefantit l'efprit dans ceux qui en ufent. Nous voyons dans Quinte-Curfe (lib. VII, n°. 4.) que les foldats d'Alexandre, dans un befoin preffant, se contentoient d'en exprimer le fuc huileux dont ils fe frottoient comme d'un préfervatif contre la rigueur du froid. Cependant les peuples d'Afie cultivoient le féfame pour en extraire une huile avec laquelle ils affaisonnoient leurs viandes; mais cette huile n'eft bonne qu'à brûler, & probablement qu'on n'en faifoit pas d'autre usage en Italie. Magon, dans Pline, donne la maniere de préparer le féfame pour aliment, & fon procédé eft tel : il veut qu'on faffe tremper la graine dans de l'eau chaude, puis qu'on la frotte au foleil pour en détacher la peau; qu'enfuite on la jette dans de l'eau froide, afin que les balles furnagent; & qu'enfin on la reporte au foleil étendue fur un linge. Tout ce travail demande beaucoup de célérité, fans quoi le féfame fe corrompt, & prend

une couleur livide.

Columelle prefcrit de femer le féfame après l'équinoxe d'a tomne. Dans les terres humides on le feme plutôt, dans les terres seches plus tard. Il aime une terre poulle, ou noire & graffe, tell e

qu'il y en a dans la Campanie; cependant il vient affez bien dans les terres rapportées, & dans celles qui étant bonnes de leur nature, font mêlées d'un peu de fable. On répand de la femence dans un jugere autant que de celle de millet & de panis, & quelquefois même deux fetiers de plus. J'ai vu faire cette femaille, dit l'Auteur, en Cilicie & en Syrie dans les mois de Juin & de Juillet (Juillet & Août), & la moiffon s'en faifoit en automne.

Les Botaniftes modernes définiffent le féfame en difant, que fa tige eft férulacée, fes feuilles rouges ou fanguines; que fes femences, blanches, & moindres que celles du lin, font contenues dans des vafcules; que fa racine eft fimple & blanche; enfin que c'est la plante que les Italiens appellent aujourd'hui jugiolina, la jugeo¬ line.

Après la culture des bleds, celle des légumes eft la plus néceffaire à l'homme; & entre les légumes, les Anciens donnoient le premier rang à la féve, faba, Kúquos. Cette prééminence étoit fondée fur ce que de fa pulpe on avoit trouvé le moyen de faire une farine qu'on appelloit lomentum, & qu'on pouvoit employer pour faire du pain. Cette farine, il eft vrai, lorfqu'elle étoit employée feule, produifoit un pain pefant, comme celui qu'on feroit de la farine de tout autre légume; mais on corrigeoit ce défaut en y mêlant de la farine de froment, fur-tout du panis, & plufieurs peuples fe nourriffoient de cette forte de pain. Il paroît cependant que la plus grande consommation de ce légume ne se faifoit pas de cette maniere; on le préparoit à la cuifine, & en l'affaifonnant diverfement, on en faifoit pour l'homme un mets agréable & fain. L'avantage que l'on trouvoit à cultiver des féves ne fe bornoit pas là encore; on en nourriffoit les beftiaux, qui en mangeoient également & les coffes & les fabales ou pailles.

La féve est celui des légumes que l'on met le premier en terre ; on la feme (en Italie) avant le coucher des Pléiades & avant l'hiver. Cependant l'opinion de Virgile eft qu'on la feme au printemps, comme cela fe pratique aux environs du Pô. Mais les féves femées de bonne-heure, c'est-à-dire, en automne, réuffiffent toujours mieux que celles qu'on ne feme qu'au printemps; le bétail en mange plus volontiers les coffes & les tiges. Il est néceffaire d'arrofer cette plante lorfqu'elle eft en fleur; elle a moins besoin d'eau après la floraison. On eft dans la perfuafion qu'elle améliore la terre où on l'a femée, & qu'elle lui tient lieu d'engrais:

c'est. par cette raison qu'en Macédoine & en Theffalie, lorsque la féve étoit en fleur, on retournoit la terre, & on l'enfouiffoit fous les mottes pour fervir de fumier.

La féve demeure quinze ou vingt jours en terre fans lever. Elle commence par pouffer des feuilles, d'où il s'éleve enfuite une tige ou un tuyau fans noeuds; cette tige eft feule & unique dans la féve, comme dans le lupin. Tous les autres légumes produifent plusieurs tiges, & quelques-uns, comme le cicer, l'ervum & la lentille, ont leur tige rameufe & branchue. La féve seule jette un bouquet de racines. Les autres légumes, fans en excepter le lupin qui à le plus de rapport avec la féve, ne produisent qu'une racine furculeuse en forme d'un long pivot, & c'est dans le cicer que cette racine eft la plus profonde. La féve eft en fleur durant quarante jours, & beaucoup plus long-temps qu'aucun autre légume. La gouffe de la féve eft groffe & charnue, & de plus les lobes de la femence font enfermées dans une membrane forte & épaiffe, ce qui eft caufe qu'elles s'échauffent facilement.

Lorfque la féve & les autres légumes fe font élevés de terre à la hauteur de quatre doigts, il eft temps d'en extirper les mauvaises herbes avec le farcloir. On excepte le lupin, auquel cette maniere de farcler eft nuifible, parce que n'ayant qu'une feule racine, la plante meurt auffi-tôt qu'on l'a coupée, ou qu'on l'a feulement offenfée; & quand même cet accident n'arriveroit pas, le farclage ne feroit pas moins inutile au lupin, parce qu'il eft le feul d'entre les légumes qui, loin d'être incommodé des mauvaises herbes, les fait périr. Beaucoup de perfonnes penfent qu'on ne doit pas farcler les féves, parce que quand elles font parvenues à leur maturité, on les arrache avec la main, & que de cette maniere on les fépare facilement des mauvaises herbes que l'on coupe enfuite pour faire du foin. Pour moi, dit Columelle, je pense qu'un Laboureur est très-blâmable de fouffrir que les herbes nuifibles croiffent dans fes grains; je fuis donc d'avis qu'il farcle les féves, & même jufqu'à trois fois; car l'expérience nous a appris que traitées de cette maniere, elles produifent beaucoup plus de graines, que les coffes font beaucoup plus maigres & plus minces, & le fruit plus nourri, & qu'enfin un modius de ces féves écoffées rempliffent encore prefque le modius, après qu'on les a dérobées & débarraffées de leurs peaux.

Virgile veut qu'avant que de femer les féves, on les fafse tremper

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