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ne renferme pas fans doute tous les cas & toutes les circonstances particulieres, ce n'eft qu'un point de vue général que le Législateur auroit pu développer, modifier & perfectionner en suivant toujours le même efprit.

La Législation d'Athenes étoit d'une nature toute différente; elle ne fe propofoit pas pour but l'égalité parfaite dans les biensfonds, elle vouloit empêcher la trop grande inégalité des fortunes. Solon n'ayant pas à Athenes autant d'autorité que Lycurgue en avoit eu à Lacédémone, mais voulant cependant oppofer obstacle invincible à l'agrandiffement des propriétés, fans ofer porter de Loi qui prefcrivit l'égalité dans le partage des terres, fe contenta de divifer le peuple en quatre claffes. La premiere ( felon Ariftote, II. Politicôn, Plutarque & Pollux) étoit compofée des Pentacofiomédimnes, c'est-à-dire, de ceux qui poffédoient cinq cents médimnes ou plethres de terre, foit en grains, foit en vignobles, foit en plants d'oliviers. La feconde classe étoit celle des Zeugites, qui poffédoient trois cents médimnes de terre. La troifieme étoit celle des Hippades, qui jouiffoient de deux cents plethres ou médimnes. La quatrieme étoit celle des Thetes, c'està-dire, des artifans & de falariés. Les citoyens des trois premieres claffes avoient des priviléges particuliers, ils étoient regardés comme les Nobles de la République, & pouvoient feuls prétendre aux magiftratures & au commandement des armées, mais c'étoit à des conditions qui circonfcrivoient finguliérement l'agrandiffement de leur propriété. Les Pentacofiomédimnes étoient obligés de payer chaque année un talent au tréfor public, ce qui faifoit douze drachmes par plethre; les Zeugites payoient un demi-talent, ou dix drachmes par plethre; & la contribution des Hippades étoit de dix mines, faifant cinq drachmes par plethre: c'est-à-dire, que les Pentacofiomédimnes jouiffoient de 280 arpens, pour chacun defquels ils payoient au tréfor 21 liv. f. ; que les Zeugites poffédoient 168 arpens, pour chacun defquels ils étoient taxés à 17 liv. 16 f. 7 d.; que les Hippades poffédoient 112 arpens, pour chacun defquels ils payoient feulement 8 liv. 18 f. 4 d. Les Thetes ne pouvoient parvenir à aucune charge tant qu'ils demeuroient dans cette claffe; mais ils étoient exempts de toute taxe; ils avoient le droit d'opiner dans les affemblées & dans les jugemens; ils pouvoient amaffer des richeffes leur travail & leur économie, & dès-lors paffer dans les claffes fupé

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rieures, où ils jouiffoient de toutes les prérogatives qui y étoient

attachées.

L'Attique, ou les terres de la République d'Athenes, pouvoit contenir 389800 arpens, c'est-à-dire, environ la moitié de la Laconie. On lit dans M. Rollin (tom. IV, pag. 502.) que la feule Ville d'Athenes étoit peuplée de foixante - onze mille ames; ce qui, réparti fur toute l'Attique, ne feroit trouver pour la part de chaque individu que cinq arpens & demi. Mais Athenes étoit une Ville commerçante, qui avoit des reffources que n'avoit pas fu fe procurer Lacédémone. Avant fes guerres avec cette derniere République, elle avoit fur mer ou dans fes ports jufqu'à quatre cents galeres (Xenophon. de Exped. Cyri, lib. VII.); elle tiroit des Provinces de fa domination, ou des pays éloignés qui étoient fes tributaires, jufqu'à mille talens pour le moins de revenu annuel, Athenes avoit de riches Colonies, d'où elle pouvoit tirer beaucoup de fubfiftances pour l'entretien de fes citoyens fans ces moyens, il paroîtroit impoffible que fon maigre territoire eût pu fournir aux befoins d'une fi nombreuse population, vu fur-tout l'inégalité de fortune qui y étoit permife. En effet, on voit par le calcul que 1390 Pentacofiomédimnes auroient feuls poffédé toutes les terres de l'Attique, & auroient réduit tous les autres citoyens à l'état de mercénaires. Rien n'étoit donc plus fage que la Loi de Solon, qui rendoit aux riches la poffeffion des grands biens & des honneurs, onéreuse & prefque infoutenable.

Mais eft-ce que les Thetes, qui poffédoient quelques terres, ne payoient rien à l'Etat ? Un citoyen, par exemple, pouvoit être propriétaire de cent quatre-vingt-dix médimnes de terre, & cependant il n'étoit que de la derniere claffe; cet homme ne payoitil rien à l'Etat pour fa propriété ? c'est ce que je ne puis comprendre. Il eft plus vraisemblable que les Hiftoriens ne nous ont confervé que quelques circonftances des Loix de Solon, par le moyen defquelles on peut, par la réflexion, en retrouver tout l'ensemble. Le Légiflateur voulut circonfcrire la propriété des particuliers dans un cercle au-delà duquel il feroit onéreux & même impoffible de paffer. Il dut en conféquence établir une taxe progreffive, qui s'accrût dans une plus grande raifon que celle de l'augmentation des propriétés. Il avoit le choix entre plufieurs combinaisons. Je fuppofe qu'il ait fait ici l'application de l'anatocisme fur une taxe fixe, la plus baffe poffible; par exemple, qu'il

ait impofé le poffeffeur d'un feul plethre de terre à une drachme par an pour le tréfor public, & qu'il ait réglé que celui qui pof féderoit deux plethres, payeroit une drachme & un cinquantième de drachme pour chacun de ces plethres, ou 2 drachmes pour les deux plethres; que le poffeffeur de trois pletres payeroit pour chacun drachme, plus, plus, & pour les trois plethres 3 drachmes, plus, plus; & ainfi des autres quantités de plethres. Nous pourrons compofer une formule générale, qui nous fervira à réfoudre le problême dans tous les cas.

Soit a le dénominateur de l'anatocifme, b ce même dénominateur a plus l'unité, enforte que ba+1; n le nombre des plethres; nous aurons n× pour la taxe progressive d'un nom

bi

an

br an

bren quelconque de plethres, & pour la taxe particuliere de chacun de ces plethres. Si l'on appelle x la quantité qu'on cher che, on aura dans le premier cas, log. x=n × log. - + log. n;

& dans le fecond cas, log. x= nxlog.

b a

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a

Si à préfent, par l'application de ces formules, nous voulons que le premier terme de l'anatocifme foit, nous aurons a = 50, & b 51: s'il doit être, nous aurons a= 100, &b=101; & ainfi des autres. Nous ajouterons une folution numérique dans le cas de a so, & nous aurons les résultats fuivans.

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De cette maniere Solon pouvoit faire, & fit en effet, un grand revenu pour fa République, fans prefque incommoder les pauvres citoyens.

Si la Béotie ne produifoit pas de bled en grande quantité, au moins avoit-elle l'avantage (Plin. XVIII, c. VII.) de produire le plus beau, le plus pefant qui fût connu des Anciens.

La Thrace étoit un pays très-renommé pour l'abondance du bled. La Cherfonnefe en produifoit beaucoup. Démofthene nous apprend (in Orat. contr. Lept. p. 546. id. in Phorm. p. 946.) que la Ville d'Athenes tiroit tous les ans de Byzance feule quatre cents mille médimnes de bled, qui valent 116700 fetiers mesure de Paris: c'étoit la fubfiftance annuelle pour 46680 hommes, trente boiffeaux par tête. Mais les Athéniens n'étoient pas les feuls fans doute qui tiraffent des bleds de ce pays. Varron ( de Re rust. lib. 1, c. XLVII.) écrit, fur le témoignage d'autrui, que les terres de la Ville d'Olynthe font restibles, & qu'on les enfemence tous les ans, en obfervant cependant qu'on ne les mettoit en bled que de trois en trois ans ; les deux années fuivantes on ne leur faifoit produire que de menus grains. Je ne ferois pas même éloigné de croire que le mot de Sithonie, qui étoit le nom du territoire d'OJynthe, ne dût s'écrire Sitonie, comme venant du mot grec fitos, qui fignifie du froment, quoique des Etymologiftes le dérivent du nom du mont Sithon, qui peut auffi avoir la même origine. Philippe Cluvier, dans fon Introduction à la Géographie, prétend que les Grecs & les Romains ont appellé grenier de Cérès, la Mofie, aujourd'hui la Servie, fituée entre la Thrace & le Danube; mais il fe trompe: ces Anciens ont prétendu appliquer cet éloge à la Myfie, Province de l'Afie mineure, qui comprenoit auffi la Troade & l'Eolide. Les vallées de la Myfie, au pied du mont Ida, dont la face qui regardoit les plaines vers le midi, s'appelloit Gargara, étoient très-fertiles, comme ces deux vers de Virgile (Georg. I.) en font foi:

Nullo tantùm fe Myfia cultu

Jactas, & ipfa fuas mirantur Gargara meffes.

Tout ce pays produifoit d'abondantes récoltes, auffi-bien que les plaines de Sardes, des bords de l'Hermus & du Caïftre en Lydie, comme on le voit dans Strabon (lib. XIII, p. 430.) Les moiffons

étoient fi prodigieuses, que lorsqu'on vouloit défigner un nombre infiniment grand, les Poëtes tiroient leur comparaifon des grains de bled qui naiffoient dans la Myfie, & des grains de raifin qui croiffoient dans l'Ifle de Lesbos, qui en eft voisine, & où eft la Ville de Méthymne; c'est ce qu'on voit dans Ovide (lib. I. de Arte amandi.):

Gargara quot fegetes, quot habet Methymna racemos,

Equore quot pifces, fronde teguntur aves.

Le vin de Lesbos étoit fort célebre parmi les Anciens; ce qui fait dire à Silius Italicus (lib. VII.) :

Ac Methymna ferax latiis ceffere falernis.

L'Ifle de Cypre est fertile en raisins & en olives; elle ne tire point de froment d'ailleurs.

Les Grecs ont beaucoup vanté les bleds de la Province du Pont; mais, dit Pline ( lib. VIII, c. VII.), ils ne furent pas connus en Italie. C'eft de la Ville de Cérafonte que nous font venues les cerifes; c'est Lucullus qui les apporta en Italie.

La Méfopotamie eft finguliérement fertilifée par l'Euphrate, qui, fe débordant, y charrie tous les ans un limon gras, qui en couvre les plaines, & en fait comme des terres neuves.

L'Arménie produit des aromates, & principalement de l'amome; c'eft de ce pays que les abricotiers, appellés en latin armeniacæ, ont été tranfplantés en Europe.

L'Hyrcanie, fuivant le témoignage de Strabon, étoit très-peuplée. Sa fertilité paffoit pour un prodige. Un feul pied de vigne y rendoit un métrétès de vin, c'est-à-dire, trente-cinq pintes, mesure de Paris; un figuier produifoit foixante médimnes de figues, ou deux cents dix boiffeaux de Paris. Les terres s'y trouvoient enfemencées des grains qui tombent des épis lors de la récolte. Les abeilles y établiffent leurs magafins fur les arbres, & y dépofent leurs rayons & leur miel qui y découle fur les feuilles. La même chofe arrive dans la Matiane de Médie, dans la Sacafene & l'Araxene en Arménie.

L'Arie produit d'excellent vin, qui fe garde durant trois générations, quoiqu'on le ferre dans des vafes non enduits de poix.

Antiochus

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