Images de page
PDF
ePub

en toutes fortes de productions; fes vallées charmantes, ses mon◄ tagnes & fes collines font couvertes de Villages & de maifons de campagne dont les jardins font plantés d'arbres, principalement d'orangers, de citronniers qui de citronniers qui y font de la plus grande beauté. Les vignobles y font très-multipliés, & produifent des vins dont on fait grand cas. On pêche beaucoup de poiffon dans fes fleuves & dans fes lacs.

Le Latium, qui fervit de berceau au peuple Romain, est fertile, felon Strabon, & produit des fruits de toute forte, excepté vers le rivage de la mer, où le terrein eft pierreux. Il y a auffi des marais d'eaux croupiffantes qui corrompent la pureté de l'air, tels que les Pontins. Le Latium produifoit les vins de Cécube, fi eftimés des Anciens ; ceux de Setina & de Labica. Les vendanges en Italie tenoient du prodige. Au rapport de Pline (lib. XIV, cap. IV.), on a vu des vignes produire jufqu'à dix culléus de vin par jugere; ce feroit quarante muids par arpent; d'autres ont rendu fept culléus par jugere, c'eft vingt-huit muids par arpent. Selon Caton & Varron, cités par Columelle (lib. III, cap. III.), un jugere de vigne produifoit, dans les anciens temps, jufqu'à fix cents urnes de vin, qui feroient foixante muids par arpent. Columelle ajoute qu'on en a vu des exemples tant en İtalie que dans la Gaule. Dans les vignobles de Séneque, fitués près de la Ville de Rome, un jugere, au rapport du même Ecrivain, rendoit huit culléus, faifant environ trente-deux muids par arpent. Le même Auteur dit encore qu'une vigne qu'il avoit plantée luimême, lui rapporta, la feconde année depuis la plantation, cent amphores de vin par jugere, c'eft environ vingt muids par arpent. L'on peut au moins compter fur vingt amphores ou un culléus par jugere, ajoute Columelle; c'eft environ quatre muids par arpent mais il confeille d'arracher la vigne qui produit moins de trois culléus par jugere, c'est-à-dire, douze muids par arpent. Dans la culture actuelle des vignes en France, un arpent (je ne fais à quelle mefure) rapporte communément, dit-on dans la Maifon Ruftique, dix ou douze muids de vin au moins par année, T'une portant l'autre ; ce qui revient assez au calcul de Columelle, fi pourtant il s'agit ici de l'arpent de France, comme il eft vraifemblable.

Une grande partie de l'Ombrie eft occupée par le mont Apennin; fon terrein eft par conféquent fort inégal, & varié dans fes

productions. Ici, ce font de hautes montagnes ; là, des collines plantées de vignes, d'oliviers, de figuiers & d'autres arbres qui produifent des fruits en grande quantité; ailleurs, ce font de belles plaines d'une fertilité admirable.

Le Pifenum, fuivant le témoignage de Tite-Live (lib. XXIII.); eft fertile en tout; cependant il produit plus de fruits que de grains. Pline a parlé avantageufement des vins de la Ville d'An

cone.

On lit dans Strabon, que tout le canton des Sabins eft merveilleusement fertile en vignes & en oliviers. Il y croît beaucoup de gland, qui fert à nourrir les beftiaux. Il y a de bons pâturages. Martial a célébré les jardins & les potagers de Nurfia & d'Ami terne, dans le canton des Vestins :

Nos Amiternis ager felicibus educat hortis :

Nurfinas poteris parciùs effe rapas.

Le Samnium jouit d'un air très-fain; il eft extremêment peuplé. C'est un beau & bon pays vers la mer; mais dans le milieu des terres, il eft hériffé de montagnes il y croît du fafran en quantité, & il nourrit des troupeaux innombrables.

La Campanie, ainfi nommée du mot campus, qui fignifie plaine, & appellée encore aujourd'hui Terra di Lavoro, Terre de Labour, eft un pays où la nature femble avoir pris plaifir à rassembler tout ce qu'elle a répandu ailleurs de délices, d'agrémens & de félicité. c'eft vraiment le jardin & le paradis de l'Italie, tant y eft incroyable la fertilité des terres. On y découvre des plaines auffi fécondes que vastes; des collines bien expofées, qui produifent une quantité prodigieufe de fruits; des bois charmans, qui répandent une odeur exquife; de belles fontaines dont les eaux bienfaifantes contribuent à la fanté; & combien d'autres choses? En un mot, la Campanie procure avec une forte de prodigalité tout ce qui peut rendre la vie des hommes heureuse, &, felon Strabon, furpaffe tous les autres cantons de l'Italie. Le froment y eft de la meilleure qualité, & on dit qu'en plufieurs endroits on fait deux récoltes de zéa, une de panis, & quelquefois une d'herbes potageres, le tout dans la même année. Ce pays produit le vin de Falerne, de Calene, de Statana & de Sorrento. Le territoire de Vénafre abonde en excellentes olives. Florus (lib. I. Hift. Rom,

cap. XVI.) peint le bonheur de la Campanie avec des couleurs encore plus vives. C'eft, dit-il, la contrée la plus belle, non-feulement de l'Italie, mais de la terre entiere. Il n'en eft point qui jouiffe d'un ciel plus pur & plus ferein, qui foit plus féconde, qui foit plus abordable du côté de la mer. Deux fois l'année les plaines y font émaillées de fleurs. On diroit que Bacchus & Cérès s'y difputent la palme & la victoire. C'eft-là qu'on voit les célebres ports de Caïete & de Mifene; les bains chauds de Baïes. Là font les lacs Lucrin & Averne, dont les digues fervent comme d'un boulevard infurmontable à la mer. Là, couronnés de pampre & de grappes, s'élevent le mont Gaurus, s'élevent le mont Gaurus, le Falernus, le Massicus, & le Véfuve, le plus beau de tous, qui vomit des flammes comme l'Etna. Près de la mer font les Villes de Formies, de Cumes, de Naples, d'Herculanum, de Pompeii, & fur toutes celles-là, Capoue, mife autrefois en parallele avec les deux plus grandes Villes du monde, Rome & Carthage. Denis d'Halicarnaffe (lib. I.) attefte, comme témoin oculaire, que chaque année dans la Campanie on faifoit trois récoltes, une au printemps, une autre l'été, & la troifieme l'automne.

L'Apulie-Daunie, aujourd'hui Puglia piana, a d'amples plaines, très-fertiles en froment & en autres fortes de grains. L'Apulie-Peucétie, à préfent la Terre de Bari, eft encore un pays très-fertile, & qui peut le difputer aux autres parties de l'Italie pour l'abondance des grains & des fruits. L'Iapygie jouit d'un bon air & d'un beau ciel, excepté le long de la côte maritime depuis Brindes jufqu'à Hydronte, où regnent des marais. Le terroir y eft gras fertile. Il y avoit un grand nombre de Villes, au temps de Strabon. Les Anciens ont parlé avec éloge du fel, du miel, des noix, des laines, des porreaux, des figues, des châtaignes, & de la pourpre de Tarente.

&

Selon Tite-Live (lib. IX.), toute la Lucanie eft montagneufe; c'eft une terre pierreuse. Au reste, ce pays eft rempli de bois & de forêts. Il y a de nombreux troupeaux de bœufs; il en eft fait mention dans le Poëte Lucilius:

Quem neque Lucanis oriundi montibu' Tauri
Ducere pro telo validis cervicibu' poffent.

C'est dans les plaines de Thurium, autrement Sybaris en Lucanie, & fur

& fur la frontiere du Brutium, que l'on recueille la manne qui y découle l'été des troncs & des feuilles des arbres. Le vin de ce canton étoit en réputation parmi les Anciens. La récolte des bleds n'étoit nulle part plus belle. Varron ( lib. I, de Re ruft. c. XLVII.) dit que les terres y rendoient cent pour un. On y jouit d'un printemps perpétuel. On lit dans Pline (lib. XVI, cap. XXI.) que de la Ville même de Sybaris, on voyoit un chêne qui ne perdoit jamais ni fon feuillage ni fa verdure. Suivant Strabon, cette Ville étoit fi peuplée, qu'elle mena trois mille hommes de troupes contre les habitans de Crotone; mais cette grande profpérité ne fut pas de longue durée, car foixante-dix ans après, elle fut détruite par les. Crotoniates. Le territoire de la Ville de Métaponte, située au nord de cette derniere, étoit également très-fertile.

Enfin le Brutium, aujourd'hui la Calabre, jouit d'une fertilité étonnante. Tout ce qui eft néceffaire pour paffer la vie agréablement & délicieusement, s'y trouve dans la plus grande abondance, froment, orge, toutes fortes de grains; vins de toute efpece, huile, fucre, manne, miel, cire, fel, figues, pommes, oranges, citrons, limons & autres fruits délicieux; mines d'or & d'argent, laine, coton, fafran, foie, lin & mille autres chofes. Le pays eft arrofé & rafraîchi par un grand nombre de rivieres & de fontaines. Il y a des fources d'eaux chaudes, de bons pâturages, des montagnes parées de beaux arbres & de fruits, des collines graffes des bois épais, des vallées très - fécondes, une population nombreuse.

Telle étoit la nature de l'Italie, & il femble que fes heureux habitans ne devoient porter envie au bonheur d'aucun peuple du monde : auffi furent-ils dans l'abondance, quelque nombreux qu'ils fuffent, tant que l'agriculture fut en honneur parmi eux, & que les terres, partagées entre les citoyens d'une maniere fort approchante de l'égalité, furent labourées par les propriétaires, & notamment par les premiers & les plus grands hommes de la Répu blique. Dans la fuite, l'avarice, le luxe & l'injuftice firent évanouir la profpérité de cette belle Région. Rome ne trouva plus dans fon fein des bleds fuffifamment pour la nourriture de fes citoyens. La Sicile, ufurpée fur fes anciens poffeffeurs, devint le grenier & la mere nourrice du peuple Romain. Cette Ifle, avec la Sardaigne, ne put encore remplir le vuide des moiffons de l'Italie. Rome, peuplée d'un petit nombre de riches voluptueux qui

Ffff

avoient fu s'approprier toutes les petites poffeffions, fe crut obligée, pour fubfifter, d'engloutir encore les richeffes de l'Afrique, de l'Egypte, de l'Afie & de toute l'Europe. Dans la guerre contre Philippe, les Ambaffadeurs de Carthage fournirent un million de modius de froment, & cinq cents mille d'orge. Ceux de Mafiniffa en donnerent autant. Voilà donc d'une part deux millions de modius, on cent vingt-neuf mille fetiers de bled, & de l'autre un million de modius, ou foixante-quatre mille cinq cents fetiers d'orge, dont le peuple Romain a befoin pour l'entretien de fes armées, & que l'on tire de l'étranger; c'eft pour la fubfiftance annuelle de 77440 hommes. On doit juger par-là du dépériffement des terres qui arriva par degrés à proportion de l'agrandiffement de la puiffance Romaine, comme nous allons l'expofer briévement.

Dès le temps de Romulus, les terres étoient divifées en portions égales entre les citoyens, fans diftinction. Ces portions étoient exemptes de tout impôt. L'Etat avoit de grands domaines appellés Sattes, & de l'étendue de huit cents jugeres, qu'il affermoit à des Publicains, lefquels les fous-affermoient à d'autres particuliers pour les faire valoir au profit de la République : Scripturarius ager publicus appellabatur, in quo ut pecora pafcantur, certum as eft, quia Publicanus fcribendo conficit rationem cum paftore (Pomp. Feftus.).

Etiam nunc in tabulis cenforiis pafcua dicuntur omnia, ex quibus populus reditus habet, quia diù hoc folum vectigal fuerat. (Plin. lib. LXVIII, cap. III.)

Quos agros non colebant propter filvas, aut id genus, ubi pecus poffit pafci, & poffidebant; ab ufu fuo faltus nominarunt (Varro, de Ling. Lat. lib. IV.).

Les portions des citoyens n'étoient point fujettes non plus à 'des redevances pour des Seigneurs particuliers, on n'en connoiffoit point; chacun l'étoit de fon petit domaine. Les Pontifes n'enlevoient point la dîme des récoltes. Seulement le peuple offroit aux Dieux les prémices des fruits de fon champ; mais cette rétribution d'hommage, dictée par la Religion & le zele de chaque particulier, n'étoit point fixée par une Loi dans fa quotité; parlà elle devenoit arbitraire, & méritoire pour celui qui l'offroit : mais on ne manquoit jamais à s'acquitter de ce devoir, dicté par l'amour feul & libre de la Religion: At ne degustab ant quidem

« PrécédentContinuer »