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pulfo, domitis alter Sabinis, accepta quæ viritim dividebantur captivi agri, feptem jugera, non minùs induftriè coluerit, quàm fortiter armis quæfierat ( Colum. de Re ruft. lib. I. in Præfat.). Fabricius fut Conful l'an de Rome 474.

Maintenant, dit Pline, ce font des mains privées de leur liberté, des efclaves ayant les fers aux pieds & un écriteau fur le front, qui exercent toutes ces fonctions; mais la terre, sensible aux honneurs qu'on lui rend comme à la mere nourrice de tout ce qui refpire, ne produit plus qu'à regret & avec une forte d'indignation; & nous fommes tout étonnés de voir que les travaux des esclaves ne font point fructueux comme ceux des Généraux d'armées: At nunc eadem illa vincti pedes, damnatæ manus, infcriptique vultus exercent: non tamen furdâ tellure, quæ parens appellatur, colique dicitur & ipfa, honore hinc affumpto, ut nunc invita eâ, & indignè ferente credatur id fieri. Sed nos miramur ergastulorum non eadem emolumenta effe quæ fuerunt Imperatorum (Plin. loc. cit.).

La culture des terres par des efclaves eft très-mauvaise, comme tout ce qui eft fait par des gens fans efpoir & fans intérêt : Coli rura ergatulis peffimum eft, ut quidquid agitur à defperantibus (Plin. lib. XVIII, cap. VI.).

Dans les premiers temps, les terres étoient cultivées avec un foin extrême chez les Romains. S'il fe rencontroit quelque Laboureur négligent, il étoit noté & diffamé par un Jugement des Cenfeurs Agrum malè colere, Cenforium probrum judicabatur (ibid. lib. XVIII, cap. II. ).

C'étoit de leur application à l'agriculture que les citoyens Romains tiroient leur gloire & leur illustration. Les tribus de la campagne étoient en grande confidération, celles de la Ville étoient méprifées; & il étoit honteux & déshonorant d'être relegué des tribus de la campagne dans celle de la Ville: Jam diftinctio honofque civitatis ipfius non aliundè erat: rufticæ tribus laudatiffimæ eorum qui rura haberent, urbana verò, in quaftrans ferri ignominia effet, defidia probroque (Plin. lib. XVIII, cap. III. ).

On rendoit la juftice aux Laboureurs de les croire vertueux & gens de bien ; & le plus grand éloge qu'on pût faire d'un citoyen, c'étoit de dire qu'il étoit un bon Laboureur: Et virum bonum cùm laudabant, ita laudabant; bonum agricolam, bonumque colonum. Ampliffimè laudari exiftimabatur, qui ita laudabatur (Cato, de Re rust. cap. I.).

On

On regardoit les Laboureurs comme le foutien de l'Etat, également propres à faire fortir des terres qu'ils travailloient, la fubfiftance de la patrie, & à défendre ces mêmes terres contre les ennemis du dehors. Le profit qu'ils faifoient à la fueur de leur visage, étoit regardé comme le feul honnête, le feul certain, & non précaire, le feul qui n'excitât point l'envie, parce qu'il étoit jufte & mérité; & l'on étoit perfuadé que ceux qui font appliqués à ce genre de travail, font incapables de fe livrer aux vices qu'engendre l'oifiveté : At ex agricolis, & viri fortiffimi, & milites ftrenuiffimi gignuntur, maximèque pius quæftus ftabiliffimufque confequitur minimèque invidiofus : minimèque malè cogitantes funt, qui in eo ftudio occupati funt (ibid.).

Tel fut le principe de la grandeur Romaine, qui lui valut l'empire prefque du monde entier. L'agriculture fut pour les Romains une fource inépuisable de richeffes beaucoup plus folides que celles des métaux que les Carthaginois tiroient des mines d'Espagne & des produits de leur commerce. Les terres affranchies de toute fervitude, & distribuées également entre tous les habitans, en faifoient comme autant de petits Souverains, & delà cet amour pour la patrie qui fe fignala en tant d'occasions; delà cette noble fierté qui caractérifoit le peuple Romain, cette élévation de fentimens, cette intrépidité dans les plus grands dangers, cette fensibilité si marquée pour les injures reçues d'un peuple étranger, & cette généreuse reconnoiffance pour des fervices rendus. Tant que les Romains conferverent cet amour du travail & de la médiocrité, la République fut floriffante; mais dès qu'elle commença à fe relâcher fur l'obfervance rigoureufe de fes premieres inftitutions, l'abstinence bientôt fit place à l'avidité, qui s'empara de tous les efprits; l'amour de la patrie fut remplacé par l'égoïfme: chacun dans fon particulier ne penfa plus qu'à s'enrichir, & à engloutir dans un feul domaine les terres qui avoient fuffi pour procurer tous les befoins à un grand nombre de citoyens. Tibérius Gracchus avoit fait un Réglement par lequel il étoit défendu à ceux à qui on avoit diftribué des terres, de les vendre. Les Patriciens firent lever par un Tribun cette défense, ce qui donna moyen aux riches de les acheter des pauvres, & même quelquefois de s'en emparer par violence. Enfin les grandes poffeffions perdirent l'Italie & les Provinces: Verumque confitentibus, latifundia perdidere Italiam & Provincias; & les chofes furent portées au point que

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la moitié de l'Afrique fe trouva entre les mains de fix particuliers que Néron fit mourir après avoir confifqué leurs biens: Sex domini femiffem Africa poffidebant, cùm interfecit eos Nero princeps (Plin. ).

il

On eft étonné de la fortune énorme d'un Marcus Licinius Craffus, qui, au rapport de Plutarque, avoit pour plus de cinquante millions de bien en terre; de celle d'un Sylla, plus riche encore que Craffus; de celle d'un Narciffe, & d'un Pallas, tous deux efclaves affranchis de l'Empereur Claude. Le dernier, felon Tacite, jouiffoit de trois millions de fefterces; fomme qui revient à 56250000 livres, en fuppofant le denier d'alors de quatre-vingtfeize à la livre. Cette fomme, au denier vingt, auroit produit 2,812, 500; & fi l'on fuppofe toute la richeffe de Pallas, en fonds de terre, à raifon de dix livres pour le revenu d'un arpent, poffédoit 281250 arpens; de forte qu'y ayant en France cent millions d'arpens, trois cents cinquante-cinq Pallas ou quatre cents Craffus, auroient poffédé toutes les terres du Royaume. Selon le même Plutarque, dans la vie de Pompée, un affranchi de ce Romain, nommé Démétrius, jouiffoit d'un fonds de trois cents talens, qui reviennent à dix-huit millions en principal; il avoit donc neuf cents mille livres de revenu au denier vingt, ce qui fait le produit de quatre-vingt-dix mille arpens, à raifon de dix livres pour chacun; ainfi onze cents onze Démétrius auroient occupé toute la France. M. Caton, fi l'on en croit Sénèque, jouiffoit de quatre millions de fefterces en principal, qui lui étoient venus de différens héritages; fi le dénier Romain étoit alors de foixante-douze à la livre, Caton avoit pour un million de bien, ce qui fait cinquante mille livres de rente au denier vingt; c'est le revenu de cinq mille arpens, à raifon de dix livres l'arpent; & vingt mille Caton, fur ce pied, aurient poffédé toute la France. Selon Sénèque encore, Lentulus l'Augure avoit quatre cents millions de fefterces de bien, qu'il tenoit des libéralités d'Augufte; cette fomme revient à 85714286 livres, qui font 4285714 livres

de revenu.

CHAPITRE XII.

Témoignages des Anciens touchant les productions naturelles de la Gaule. Ce Chapitre, qui fait fuite aux deux précédens, eft terminé par quelques obfervations fur l'Agriculture.

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OUTE la Gaule Tranfalpine étoit comprise entre les Alpes Cottiennes, le Rhin, l'Océan, les Pyrénées & la Méditerranée; ce font les limites que lui affigne Ammien Marcellin (lib. XV. Rerum geftarum), & ce font également celles que femble lui prescrire la nature. Mais les Romains, par leurs premieres con quêtes dans la Gaule, en retrécirent les bornes. Ce que nous appellons aujourd'hui le Languedoc, la Provence, le Dauphiné & la Savoie, devinrent une Province de la République, & la Gaule fe trouva referrée entre l'Océan, les Pyrénées, les Cévenes, le Rhône depuis Vienne jufqu'à fa fource, & le Rhin depuis fa fource jufqu'à fon embouchure; & telle eft l'étendue que lui donne Jules Céfar, & d'après lui Suétone (In Julii Cæfaris vitâ, cap. XXV.), qui dit que Céfar réduifit en province Romaine toute la Gaule comprise entre les Pyrénées, les Cévenes, le Rhône & le Rhin, & que cette région, qui a de périmetre trois mille deux milliaires, fut affujettie par le vainqueur à une imposition annuelle de quarante millions de fefterces (9000000 livres ). M. d'Anville borne la Gaule par l'Océan, les Pyrénées, la Mé diterranée, les Alpes Maritimes, Cottiennes, Greques & Pennines, jufqu'à la fource du Rhône, delà, par une chaîne de montagnes,' qui va joindre le Rhin à l'endroit où il fort du Lac de Conftance, & enfin par le Rhin, depuis cet endroit jufqu'à fon embouchure dans l'Océan. Cette étendue de terres eft au moins de cent vingtfept millions d'arpent de France à la mesure du Roi,

L'air de la Gaule eft fain & tempéré, ses terres fertiles nourriffoient une population innombrable; c'eft ce que nous en apprennent Claudien, Céfar, Strabon, Ammien Marcellin & Végece. Une grande partie, de fes terres font en plaines; mais

on y trouve çà & là d'agréables côteaux entrecoupés par des vallées délicieuses, & toutes ces fituations font d'une admirable fécondité. Ses champs bien cultivés produifent du bled & toutes fortes de grains en abondance. Stabon témoigne que la Gaule produit beaucoup de froment, du millet & du gland, & qu'elle nourrit des troupeaux nombreux de toute efpece; que les terres y font par-tout en valeur, à l'exception de celles qui font occupées par des lacs ou par des forêts. Trébellius (in Balistä) parle auffi des riches productions de bled de la Gaule. Cicéron (Orat. pro M. Fonteio) dit que les Romains en faifoient des importations confidérables. Céfar & Dion (lib. XXXIX.) ont écrit la même chose. Solin (in Polyhiftore) fait la defcription de cette contrée. Ses terres, dit-il, font graffes, & propres pour toutes fortes de grains; les vignes & les autres arbres y réuffiffent prefque par-tout; il y a d'excellens pâturages pour la nourriture des beftiaux. Selon Pomponius Méla, la Gaule eft riche en froment & en foins; fes grandes forêts fervent à l'embellir & à en rendre le féjour plus délicieux; & fi quelques plantes délicates s'y refusent à la rigueur du climat, il eft rare au moins qu'on y rencontre des animaux vénimeux ou malfaifans. Il n'eft point vrai, comme le dit Pline, que le bled de la Gaule eût moins de poids que celui des autres pays qu'on importoit à Rome; c'eft de la part de cet Auteur une erreur résultante d'une confufion de mefure.

Les Anciens parlent avec éloge des hauts fapins qui couronnent les Vofges & le mont Jura; des bouleaux à écorces blanches, dont les habitans extrayoient une forte de bitume; des citronniers, dont il y avoit quantité dans la Gaule, à ce qu'il paroît par Velléius Paterculus, qui dit que Céfar en décora fon triomphe. On fait auffi mention des ifs de ce pays, mais comme d'un arbre dont les fucs font un poifon, & l'ombre mortelle, ou au moins dangereuse pour celui qui dormiroit deffous. Selon Pline, le vin confervé dans des vafes faits de bois d'if, eft une boisson qui donne la mort. Cativulque, roi du pays de Liége, s'empoifonna avec de l'if, au rapport de Céfar. Strabon écrit, d'après Artémidore, qu'il croît dans la Gaule un arbre femblable au figuier, & dont le fruit a beaucoup de rapport avec celui du cornouiller; on fait des carquois avec ce bois, & l'on exprime de l'arbre même un fuc mortel, dans lequel on trempe les fleches & les dards. L'Empereur Julien (in Mifopogono) parle de la Gaule en cette

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