l'article 3 de l'Edit de Henri II, Roi de France, il fut défendu de travailler de l'argent qui ne fût à 11 deniers 12 grains de fin, au remede de 2 grains. Aujourd'hui on appelle argent-le-Roi celui qui paffe à la monnoie & dans le commerce à 50 livres 1 fou 1 deniers, & qui eft au titre de 11 deniers 18 grains de fin. Le nom d'argent - le- Roi, ou du Roi, fut donné à celui qui eft au titre de 11 deniers 12 grains; parce que nos Rois ne faifant exploiter aucune mine d'or ou d'argent en France, voulurent accorder quelques profits aux étrangers qui en apporteroient, en leur payant l'argent au titre de 11 den. 12 grains, comme s'il eût été à celui de 12 deniers : & delà vient que par argent fin, les Ordonnances entendent l'argent à 11 deniers 12 grains; ce qui fe prouve par le registre de la Chambre des Comptes, cotté Nofter, fol. 205, dont voici l'extrait :

Argent-le-Roi eft & doit eftre à une maille (près) d'argent >> fin: car argent fin eft à 12 den. d'aloy, & argent-le-Roi à 11 » den. obole. Et fi l'en dit: telle monnoye eft à 8 den. d'argent>> le-Roy, s'y prend l'en l'argent-le-Roy à 12 den. & le fin à 12 » den. obole, & vaut chacun denier 24 grains, & 12 grains obole » ou maille; ainfi ont porté chacun denier d'aloy d'argent fin, un grain en argent-le-Roy. Si comme qui diroit, cette monnoye eft » à 4 den. d'argent fin; c'est-à-dire, que il eft à 4 den. 4 grains d'argent-le-Roy, & ainfi des autres.

>> Ez comptes des Monnoyes eft dit : C'est le compte de la mon» noye de tel lieu, de telle monnoye, à tant d'argent-le-Roy, » fait par tel, & ne dit l'en pas d'argent fin: car anciennement » quand l'Emperiere faifoit monnoye, l'en difoit en fes monnoyes » d'argent fin, & ainfi faifoit l'en ez monnoyes des Rois, Ducs, >> Princes & Comtes qui tenoient de luy. Et afin qu'il ne semblât » que le Roy de France fût homme de l'Emperiere, & qu'il tenît » de luy, il fut ordonné par le Confeil des Peres de France, que » l'en diroit argent-le-Roy, qui eft, à une maille prez, d'argent fin. » Argent fin eft à 12 den. obole d'argent-le-Roy.

» Gros tournois de S. Louis & les autres font à 12 deniers » Argent fignié en vaiffelles & mailles

» tierces vieilles

d'argent-le-Roy.

font à 11 den. obol.

» Mailles d'argent figniées vieilles de 3 den. tournois de cours, » font à 11 den. 6 grains argent-le-Roy.

>> Se aucun vouloit ouvrer argent-le-Roy, & achetoit argent » fin, & fût l'achat & la délivrance tout à un marc il le peut >> faire, mes que le prix de la délivrance & de l'achat foient con» fidérez eftre d'une valeur, fi comme qui acheteroit un marc d'ar» gent-le-Roy 58 gros, l'en n'en devroit donner que 56 gros, fi » l'en les délivroit à argent-le-Roy, c'est toute une valeur; car » argent fin en emporte bien plus que argent-le-Roy, & comment » que il femble, que il donne plus grand prix, c'eft à fçavoir 58 » gros, fi ne donne-t-il pas plus que 56 gros argent; car il achete » argent & délivre argent, & femble que le furcroît de l'argent » fin que il achete, il doit rendre, puifque il délivre argent-leRoy, qui bien fe pourroit montrer à tel prez demy-gros ».

L'intelligence de cet article eft importante pour entendre les anciennes Ordonnances de nos Rois; mais il paroît qu'il y a quelques défauts d'exactitude dans l'explication ci-deffus: car les 11 deniers de l'argent-le-Roi étant fuppofés idéalement divifés en douze deniers, & chacun de ces deniers en 24 grains, il s'enfuit que la monnoie fabriquée à 8 deniers argent-le-Roi, n'eft qu'à 7 deniers 16 grains de fin; que la monnoie à 4 deniers de fin eft à 4 den. 4 grains argent-le-Roi, & non précisément à 4 den. 4 grains; que l'argent fin eft à 12 deniers 12 grains argent-le-Roi, & non précisément à 12 deniers 12 grains. Il fuit encore que les mailles d'argent de la valeur de trois deniers tournois, & qui font à 11 deniers 6 grains argent-le-Roi, ne font qu'à 10 deniers 18 grains de fin; que les gros tournois de S. Louis, étant à 12 den. argent-le-Roi, ne font qu'à 11 deniers 12 grains de fin, comme nous l'avons vu ailleurs dans ce Chapitre; que les eftallins ou efterlins d'Angleterre, &c. étant à 11 deniers obole argent-leRoi, ne font qu'au titre de 11 deniers & demi-grain de fin, comme l'eft encore aujourd'hui la monnoie d'Angleterre ; que le marc d'argent fin étant à 58 gros, le marc d'argent-le-Roi ne devroit valoir que 55 gros, & non précisément 56. On comprendra mieux cette théorie par l'infpection de l'abaque fuivant..

23 a

Toutes les monnoies fe font travaillées, jufques vers le milieu du fiecle précédent en comptant le titre à l'argent-le-Roi ; il faut donc faire une réduction pour ramener le titre argent-le-Roi au titre argent fin. C'est un calcul à faire, & en voici le procédé. Suppofons qu'une monnoie est à un certain titre argent-le-Roi, lequel titre j'appelle a; on fera cette analogie 24 : 23 :: a : dont le quatrieme terme, fera le titre de cette monnoie, exprimé en argent fin. Si au contraire il étoit question de réduire le titre b en argent fin d'une monnoie, en titre argent-leRoi, on feroit cette autre analogie 23: 24: b: le quatrieme terme exprimeroit le titre argent-le-Roi.

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24

&

Argent en droit s'entend toujours de l'argent monnoyé. Argent bas ou bas argent fe dit de celui qui eft à plus de fix deniers au-deffous du titre de l'argent monnoyé; ainfi l'argent à 1, 2, 3, 4, 5, deniers de fin, eft de l'argent bas.

En général, felon les plus habiles gens, l'or & l'argent audeffous du titre des efpeces, favoir, l'or jufqu'à 12 karats, & l'argent jusqu'à 6 deniers, doivent être appellés or bas, argent bas. Quand l'or eft au - deffous de 12 karats, & l'argent au-deffous de fix deniers, en ce cas on peut dire billon d'or, billon d'argent, parce que le cuivre l'emporte fur ces deux métaux.

Argent tenant or fe dit de l'or qui a perdu fon nom & fa qualité pour être allié fur le blanc, & au-deffous de 17 karats.

Argent faux fe dit de tout ce qui eft fait de cuivre rouge qu'on a recouvert à plufieurs fois par le feu, de feuilles d'argent.

Les Ordonnances, après avoir réglé le titre des métaux à monnoyer, & des efpeces qui doivent en être fabriquées, prefcrivent

que vous

en même temps le poids de ces efpeces, en ordonnant qu'il en fera forgé un certain nombre dans le poid d'un marc, du métal au titre légitime, & c'eft ce qu'on appelle la taille. Tailler, c'est faire la jufte quantité des efpeces qui doivent être au marc fuivant l'Ordonnance. La maniere d'énoncer la taille étoit fimple dans l'antiquité, comme elle l'eft encore aujourd'hui. Par exemple le mandement de Philippe de Valois du 23 Août 1348, ( tom. 2, p. 289.) s'exprime ainfi: Nous vous mandons falfiez faire deniers d'or à l'écu qui auront cours pour feize fous la piece,& de cinquante-quatre au marc de Paris. Il eft clair que dans ce cas il y avoit cinquante-quatre deniers à l'écu dans un marc d'or, qui valoit 43 livres 4 fous de la monnoie courante d'alors. Mais dans les fiecles derniers, la monnoie, qui avoit toujours été regardée comme la mesure fixe & invariable du prix des chofes nécessaires aux befoins de l'homme, étant devenue un objet de fpéculation, qui, par des mutations fpontanées & arbitraires, procuroit fur le champs un bénéfice considérable aux Princes, qui dans ces temps-là n'avoient pas, comme aujourd'hui, des revenus affurés par des taxes impofées fur les terres & les denrées, on imagina une théorie plus favante, qui, en formant des opérations du monnoyage, un fyftême scientifique fût propre à pallier les profits du Prince. Cette fcience fut pratiquée durant plus d'un fiecle & demi, favoir, depuis environ l'an 1300, fous le regne de Philippe le bel, jufqu'à l'an 1467, fous Louis XI; on doit cependant obferver qu'on n'en fit l'application qu'au monnoyage des efpeces d'argent, celles d'or n'y ayant point été affujetties.

Expofons les combinaisons analogiques de ce fyftême fort em-. brouillées dans Boizard, M. Dupré de Saint-Maur, & que le Blanc n'explique point. On convint d'appeller monnoie premiere, celle dont le marc à 12 deniers argent-le-Roi, ne produit que s fous tournois, ou un quart de livre tournois courante de taille, enforte que cette livre courante vaudroit quatre marcs à douze deniers argent-le-Roi. La monnoie deuxieme fut confidérée comme celle dont le marc d'argent à 12 deniers argent-le-Roi, vaut 2 fois cinq fous, c'est-à-dire, 10 fous, en forte qu'il faut deux marcs à ce titre, pour faire la valeur d'une livre. La monnoie troisieme vaut trois fois 5 fous, c'est-à-dire, 15 fous; en forte que la livre de compte eft la valeur d'un marc, & un tiers, à 12 deniers de loi, argent-le-Roi. La monnoie quatrieme vaut 4 fois.

cinq fous, c'eft-à-dire, 20 fous; enforte que le marc d'argent à 12 deniers argent-le-Roi, ou 11 deniers argent fin, ne vaut 144 qu'une livre tournois courante. La monnoie douzieme eft celle dont le marc produit douze quarts de livre tournois, qui font 3 livres du numéraire courant; c'eft la plus forte monnoie que nos Rois, depuis faint Louis inclufivement, aient fait fabriquer. La monnoie vingt-troisieme eft celle dont le marc produit 23 quarts de livre, ous livres tournois du numéraire courant, &c. La monnoie cinq centieme eft celle dont le marc produit 500 quarts de livres, ou 125 livre du compte courant : cette monnoie fut ordonnée par Charles V, alors Dauphin & Régent de France, fous le Roi Jean, l'an 1359. On comprendra encore mieux la différence de ces monnoies 1, 12, 24, 40e, &c., en jettant les yeux fur le tableau fuivant, qui en préfente les rapports.