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loin, & leva un fi gros droit fur les monnoies, qu'il retenoit les trois quarts d'un marc d'argent, pour fon droit de feigneuriage & pour les droits de la fabrication. Il prenoit encore une plus groffe traite fur le marc d'or, ainfi qu'on le voit par fes Ordonnances. Ce Prince ayant chaffé les Anglois du Royaume, commença à y rétablir l'ordre par le réglement des monnoies. J'ai trouvé, dit M. le Blanc, dans un ancien manufcrit, qui est environ de ce temps-là, que le peuple se ressouvenant de l'incommodité & des dommages infinis qu'il avoit reçus de l'affoibliffement des monnoies, & du fréquent changement du prix du marc d'or & d'argent, pria le Roi de quitter ce droit, confentant qu'il imposât les tailles & les aides; ce qui fut accordé. Le Roi fe réferva feulement un droit de feigneuriage fort petit, qui fut destiné au paiement des Officiers de la Monnoie, & aux frais de la fabrication. Un ancien regiftre de Monnoies, qui paroît avoir été fait fous le regne de Charles VII, dit que, Onques puifque le Roy met les tailles des poffeffions, des Monnoyes ne luy chalut plus.

Par là on voit que l'impofition fixe des tailles & des aides fut substituée à la place d'un ancien tribut, infiniment plus incommode que n'étoient alors ces deux nouvelles impofitions. On peut voir dans les Annales de la Monarchie quelles pertes on fouffrît en France, par les fréquens changemens des monnoies, depuis le regne de Philippe le Bel, jufqu'à celui de Charles VII; car outre le droit de feigneuriage que les Rois augmentoient fous le moindre prétexte, ils pouvoient encore changer les monnoies quand ils vouloient, de forte que décriant celles qui avoient cours, & fur lefquelles ils avoient déja levé un droit de feigneuriage; & faifant faire une nouvelle monnoie fur laquelle ils prenoient le même droit, ils levoient par ce moyen une impofition fur les peuples quand ils vouloient. Ces changemens de monnoies étoient si insupportables, & fi à charge aux peuples, qu'il y avoit, fous le commencement de la troifieme race, des Villes & des Provinces entieres, qui, pour avoir une monnoie ftable, accordoient au Roi, de trois en trois ans, une taille ou droit de Monnéage.

Nous avons dit que le rendage ne comprenoit que le feigneu riage & le braffage; mais que la traite comprenoit tout ce qui s'ajoute au prix naturel des métaux qu'on emploie à la fabrication

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des efpeces, foit pour les remedes de poids & de loi, foit pour les droits de feigneuriage & de braffage. En un mot, la traite eft la différence entre le prix d'un marc d'or ou d'argent fin non ouvré, fur le pied qu'il eft vendu aux Directeurs de la Monnoie par les particuliers, & le prix du même marc de fin ouvré, fur le pied que les Directeurs de la Monnoie le délivrent aux particuliers. Si, par exemple, le prix du marc d'argent fin en matiere eft vendu aux Directeurs de la Monnoie pour 48 livres, & qu'après la fabrication on le délivre pour 51 livres, la traite fera de 3 livres. Examinons fur quel pied elle eft aujourd'hui en France.

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Par un Arrêt du Confeil d'Etat du 15 Juin 1726, le marc d'or au titre de 24 karats, doit n'être payé aux Hôtels des Monnoies que fur le pied de 740 livres 9 fous i denier, & celui des autres titres à proportion (2869498 log. 740. 45 livres); & l'argent au titre de 12 deniers, fur le pied de 5 livres 3 fous 3 deniers le marc (1708961 log. 51. 16 livres), & celui des autres titres à proportion.

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Suivant l'Edit de Janvier 1726, nos louis d'or de 24 livres font à la taille de 30 au marc, au titre de 22 karats, au remede de poids de 15 grains par marc, & au remede de loi de 10 trentedeuxiemes; mais la Déclaration du 12 Février de la même année, l'étend jufquà 12 trente-deuxiemes. Par le même Edit, les écus d'argent de 6 livres, font à la taille de 8 au marc, au titre de 11 deniers, au remede de poids de 36 grains par marc, & au remede fur le titre de 3 grains.

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Avant que d'effectuer notre calcul, il faut analyfer ce que l'on entend par remedes de poids & remedes de loi. Nous avons déja dit, que parce qu'il eft comme impoffible que l'alliage des métaux, l'effai qui en eft fait, & la coupe du marc en un certain nombre de pieces, fe trouvent dans une proportion & une égalité fi parfaite, qu'il n'y ait pas quelque chofe de plus ou de moins que le poids ou le degré de pureté permis, il n'y auroit pas de Directeurs des Monnoies, qui ne fût expofé à la perte ou à la peine, files Ordonnances qui reglent le poids & le titre des monnoies étoient exécutées à la rigueur. C'eft donc d'après ces confidérations qu'on a établi des remedes de poids & de loi.

Il ne fe trouve pas de mention plus ancienne de ces remedes de poids & de loi, que du regne de faint Louis, en 1253, auquel temps, Alphonfe, Comte de Touloufe, & frere de ce Roi,

paffant bail de fa monnoie de Toulouse, une claufe principale fut que le Maître feroit tenu de lui payer le remede de loi. Nous avons auffi une Ordonnance du même Roi, de l'année 1269, qui porte, que dorénavant la manufacture des monnoies tant d'or & d'argent que de billon, fe payera fur les deniers revenant au Roi, par les jugemens qui feront faits defdits ouvrages, par les Généraux de fes Monnoies, tant à caufe des foiblages, que des remedes de loi d'iceux. Toutes les monnoies qui ont été fabriquées depuis ce temps-là ont toujours été ordonnées avec des remedes de poids & de loi; & on peut préfumer d'ailleurs, que ces remedes ont été depuis long-temps à-peu-près de la même quantité qu'ils font encore aujourd'hui.

Le marc d'or en efpece doit pefer 4608 grains du poids de marc, mais il y a 15 grains de remede; par conféquent le marc d'efpeces d'or peut ne pefer que 4607, 4606, 4605, &c., 4593, fans que Monnoyeur foit en faute; de même, pour l'argent, le marc d'efpeces doit pefer 4608 grains; mais les réglemens accordent un remede de poids de 30 grains : le Monnoyeur peut donc fe retourner & fe jouer entre 4572 & 4608 grains, pour le poids du marc des groffes efpeces d'argent. Si les efpeces font fi exactement taillées que le poids de 30 louis, & celui de 8 écus 3 dixiemes faffent jufte chacun le poids de 4608 grains, alors le louis, qui pefera 153 grains, & l'écu qui en pefera 555, font dits trébuchans & droits de poids. Il a toujours été ordonné que les efpeces fuffent fabriquées trébuchantes, pour être en état d'avoir cours plus long-temps dans le commerce, fans trop diminuer par le frai & le maniement. Si les monnoies font au-deffous du trébuchant, mais en -dedans du remede, favoir entre 4608 & 4593 grains pour l'or, 4608 & 4572 grains pour l'argent, alors il y a foiblage dans le remede permis par l'Ordonnance, & les Directeurs des Monnoies font obligés de tenir compte au Roi de la quantité de ce foiblage. Mais fi le marc eft affoibli pour l'or jufqu'à 4592 grains ou au-deffous, & pour l'argent, jufqu'à 4571 grains ou au-deffous, alors il y a foiblage hors du remede, & le Directeur ou Maître de la Monnoie, pour avoir excédé les limites permifes par l'Ordonnance, eft condamné à la reftitution des fommes auxquelles les foiblages hors du remede se trouvent monter, à l'amende, & même à de plus grandes peines, fuivant l'exigence des cas, & la quantité du foiblage hors du

remede permis. Si, au contraire, les efpeces étoient taillées au-dessus du poids de 4608 grains, enforte que le poids de 30 louis, ou des 8 écus fût de 4609 grains ou plus; dans ce cas il y auroit forçage de poids, & les pieces feroient au-deffus du poids prefcrit par l'Ordonnance. Lorfque cela arrive, par la faute, fans doute des ajufteurs ou taillereffes, c'est toujours au détriment & à la perte du Directeur. On exige, comme on voit, une grande exactitude dans la taille des groffes efpeces, & beaucoup d'égalité entre leurs poids. Les louis qui peferoient plus de 153 ou moins de 153 grains; & les écus qui peferoient plus de 555 ou moins de 550 grains, feroient rebutés par les Juges-Gardes, qui le font remettre en fonte, aux dépens des Directeurs, lorsqu'ils font trop forts ou trop foibles, relativement à la portion du marc que chacune de ces pieces peut représenter au plus ou au moins. Ĉes pieces font donc pefées non conjointement & par piles de 30 pour les louis, & de 8 pour les écus, ce qui feroit le poids du marc, mais chacune féparément, contre le poids dénéral ou de fierton; & voilà ce qu'expriment les Edits, qui portent que les pieces feront de recours du marc à la piece, & de la piece au marc. On doit conclure de ce raifonnement, que pour faire des calculs fur les monnoies, d'après un principe certain, il faudroit fuppofer les louis & les écus taillés entre le plus fort & le moindre poids qu'ils peuvent avoir fuivant l'Edit; favoir, fur le pied de 4600 grains, pour le poids de trente louis, & fur le pied de 4590 grains, pour 8 écus.

Les autres monnoies de moindre importance ne font point fujettes à tant de précision; on les taille le plus également qu'il eft poffible; mais elles font reçues dans les Jugemens, pourvu que la moindre ou la plus grande quantité qui s'en peut fabriquer dans un marc fuivant l'Edit, pese le marc. Ainfi les pieces de deux fous font admifes, lorfque 112, 113, 114, 115 & 116 pesent un marc. Si les 111 on 117 faifoient le marc, on en rejetteroit quelques-unes. Les 112 ou 116 pieces peuvent donc varier confidérablement entr'elles, en obfervant toutefois que le nombre de pieces plus légeres doit être compenfé par un nombre de pieces plus pefantes; c'eft ce que fignifient les mots : Sans recours du marc à la piece, & de la piece au marc.

Voyons les remedes de loi. L'or pour la monnoie doit être au titre de 22 karats, mais l'Ordonnance accorde 12 trente-deuxiemes

de remede, par conféquent le Monnoyeur fera encore en regle, lorfque les louis ne feront qu'au titre de 21 karats 20 trente-deuxiemes; de même l'argent, pour les groffes pieces, doit être travaillé à la monnoie, fur le pied de 11 deniers de fin, mais le Roi permet 3 grains de remede fur le titre, d'où il fuit que les écus feront fuffifamment du titre légitime, quoiqu'ils ne foient qu'au titre de 10 deniers 21 grains. Quand les efpeces fabriquées fe trouvent dans le remede permis par l'Ordonnance, cela s'appelle Echarseté de loi dans le remede, & dans ce cas le Directeur eft obligé de tenir compte au Roi de cette écharseté. Mais fi l'écharfeté fe trouve au-deffous du remede permis, c'eft-à-dire, audeffous de 21 karats 20 trente-deuxiemes pour l'or, & de 10 deniers 21 grains pour l'argent, cela s'appelle: Echarfeté hors du remede; & dans ce cas le Directeur eft condamné à payer au Roi les fommes ordonnées pour la reftitution de cette écharseté, si elle est légere, & il eft auffi condamné à l'amende : que fi l'écharseté eft trop audeffous du remede, il eft des punitions plus rigoureufes, ainsi qu'il eft porté par l'Ordonnance de 1586. Echarfeter, c'est tromper le Roi & l'Etat. Echars fignifie foible. On dit qu'une monnoie eft échars hors du remede, lorfqu'elles eft au-dessous du degré de fin qu'elle devroit avoir; mais elle est échars dans le remede, lorsqu'elle est au- dessus. On dit qu'un écu eft échars dans le remede ou hors du remede. Le terme d'écharfeté étoit inconnu aux Anciens, parce qu'ils travailloient fur le fin, & employoient les matieres dans tout l'état de pureté qu'il eft poffible de leur procurer. L'invention de l'écharfeté eft née de l'affoibliffement des monnoies, dans le temps où l'on a commencé à en régler le titre à un certain degré. Quand le Monnoyeur approche extrêmement du remede tout entier, fans néanmoins l'excéder, cela s'appelle : Chatouiller le remede. Si le Maître de la Monnoie fe trouve avoir excédé le titre prefcrit par l'Ordonnance, favoir ici 22 karats pour l'or, & deniers pour l'argent, ce que l'effayeur trouve de plus au-deffus du titre eft nommé Largeffe, par l'Ordonnance de 1554, & par celle de 1686, qui oblige les Juges-Gardes d'a

vertir le Maître qu'il ne lui fera tenu aucun compte pour cette largeffe, ni pour la refonte qui fera faite de ces pieces avant qu'elles foient expofées dans le commerce. Largesse est, comme on voit, par rapport au titre, ce qu'eft forçage par rapport au poids. Au furplus, nous pourrions inférer de cette inftruction, que

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