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pour fignifier la monnoie d'argent; & de celui de monnoie noire, pour défigner celle de billon; ainfi maille blanche signifie maille d'argent. Tournois blancs, turones albi, dans l'Ordonnance de Philippe le Long, font des tournois d'argent; & turones parvi ou nigni font de petits tournois de billon.

Par monnoie forte on entendoit, dans les actes & dans les contrats, la monnoie qui étoit de la valeur de celle de S. Louis, & on difoit qu'alors couroit forte monnoie; & lorfque la monnoie courante étoit de moindre valeur intrinseque, on disoit qu'alors couroit foible monnoie.

Les monnoies réelles peuvent être fauffes, altérées, fourrées. La fause monnoie eft celle qui n'eft pas fabriquée avec les métaux ordonnés par le Souverain; comme feroient des louis d'or de cuivre doré, des louis ou des écus d'argent d'étain recouverts de quelques feuilles d'argent fin.

La monnoie altérée eft celle qui n'eft pas faite au titre & du poids porté par les Ordonnances, ou qui ayant été fabriquée de bonne qualité, a été diminuée de fon poids, en la rognant, en la limant fur la tranche, ou en enlevant quelques parties de la fuperficie avec de l'eau régale, fi c'eft de l'or, ou avec de l'eau forte, si c'eft de l'argent.

Monnoie fourrée eft celle qui tient, pour ainfi dire, le milieu entre la fauffe monnoie & la monnoie altérée. Elle eft faite d'un morceau de fer, de cuivre ou de quelqu'autre métal, que le faux monnoyeur couvre des deux côtés de lames d'or ou d'argent, fuivant l'efpece qu'il veut contrefaire, & qu'il foude proprement & avec jufteffe autour de la tranche. Le faux flaon fe frappe comme les véritables, & peut même recevoir la légende & le cordonnet de la tranche. On ne peut découvrir la fauffeté de ces fortes de pieces que par le poids ou par le volume, qui eft toujours plus épais ou plus étendu que dans les bonnes efpeces.

Il eft temps de dire quelque chofe des monnoies de compte, dont on s'eft fervi en France fous les différens regnes.

La pougeoife, pite, pide ou poitevine, pogefia, picta, eft la plus petite des efpeces qui eurent cours fous S. Louis, & il paroît, par une Ordonnance, que Philippe de Valois en fit fabriquer.

Maille ou abole. Ces deux dénominations expriment la même efpece, & le double de la pougeoife. Les Statuts que S. Louis donna à la Ville d'Aiguefmortes, font mention de l'obole & de

pou

la pougeoife. L'obole fait toujours la moitié du denier, & la geoise valoit la moitié de l'obole, & par conféquent le quart du denier. La preuve s'en tire d'un titre, de l'an 1273, de Gérard de Montefon, onzieme Evêque de Lectoure. Le Roi Philippe le Hardi donne, par ce titre, à cet Evêque, tres pogefias, feu pictas, feu tres partes unius denarii; ce qui fait voir auffi que la pite ou poitevine étoit la même chofe que la pougeoife. Le troisieme article des Ordonnances que Philippe le Bel fit, l'an 1294, pour les Foires de Champagne, le marque auffi évidemment: De qualibet libra Turonenfium parvorum dabunt unam pogefiam five pictam Turonenfem. Il appelle la pite tournoife; car quoiqu'elle dût fon nom de pite ou de poitevine à la Province de Poitou où elle avoit pris fon origine, comme elle partageoit le denier en quatre parties, & que nous avions des deniers tournois & des deniers parifis qui étoient de diverfe valeur, on appelloit la pite tournoife ou parifis, fuivant le denier qu'elle partageoit.

On trouve plufieurs monnoies d'argent de la feconde Race qui pefent juftement la moitié du denier de ce temps-là, & qui par conféquent ne peuvent être que l'obole. Dans une Ordonnance de Louis VIII pour le payement des ouvriers de la Monnoie, il eft fait mention d'oboles, & on continua fous les regnes fuivans de fabriquer cette monnoie. L'obole & la pougeoife étoient néceffaires lorfque les deniers étoient forts: par exemple, fous S. Louis, le denier ou petit tournois valant 18 de nos deniers courans, l'obole en valoit 9, & la pougeoife 4; mais lorsqu'on vint à diminuer la bonté des deniers, on ne fit plus ni de pougeoifes ni d'oboles, elles auroient eu trop peu de valeur; on les conferva feulement dans le numéraire de compte. Les oboles ou mailles parifis, qu'on appelloit également mailles ou oboles bourgeois, valoient deux pites parifis, ou une maille tournois & un

quart.

S. Louis fit faire des deniers tournois de la valeur de deux oboles, ou de quatre pites tournois; il fit faire auffi des deniers parifis de la valeur d'un denier tournois & un quart, mais qui fe divifoient également en 2 oboles ou mailles, ou en 4 pites parifis. La premiere de ces efpeces tiroit fon nom de la Ville de Tours où elle fe fabriquoit, comme le marque la légende des gros tournois du même Roi: Turonus civis ; & les deniers parifis prenoient leur dénomination de la Ville de Paris. Le denier tournois s'ap

pelloit auffi petit tournois, & le denier parisis petit parifis ou bourgeois fimple. Sous le regne de S. Louis, & à d'autres époques, le denier tournois valoit 18 deniers de la monnoie d'à-préfent, & le denier parisis 22 d.

Le double ou double denier valoit deux deniers. Comme il y eut fous la troisieme Race deux fortes de deniers, le tournois & le parisis, il y eut de même le double tournois & le double parifis; le premier s'appella auffi Royal double tournois, & le fecond Royal double parifis, ou double & fort bourgeois. On ne trouve rien de certain fur cette monnoie double avant Philippe le Bel, qui ordonna, l'an 1293, qu'on fabriquât de ces deux fortes d'efpeces, dont la premiere, fur le pied de la monnoie de S. Louis, vaudroit aujourd'hui 3 fous, & la feconde 3 fous 9 deniers.

Liard ou hardi eft une efpece qui vaut le quart du douzain ou fou, c'est-à-dire, trois deniers. Il n'eft fait aucune mention de liards avant Louis XI; cependant il paroît par fon Ordonnance qu'il y avoit long-temps qu'on fe fervoit en Dauphiné d'une monnoie qui ne valoit que 3 deniers ; & il marque aussi dans fès Lettres que d'ancienneté on fabriquoit des hardis en Guienne. Dans cette Ordonnance de Louis XI, les liards & les hardis font aussi nommés blancs. Les liards avoient particuliérement cours en Bourgogne, dans le Lyonnois, en Dauphiné & en Provence, & les hardis, dans la Guienne & dans les Provinces voisines.

Maille tierce ou obole tierce, c'est ainfi qu'on appelloit le tiers du gros tournois d'argent. Maille ou obole d'argent, maille ou obole blanche, étoit une piece d'argent qui valoit la moitié du gros tournois. La maille tierce valoit quatre deniers ou petits tournois du temps de S. Louis, & 6 fous de notre monnoie actuelle. La maille ou obole blanche valoit fix petits tournois de la monnoie de S. Louis, & 9 fous de la nôtre. On a quelquefois défigné fous le nom de petits tournois d'argent, tant l'obole tierce que l'obole blanche. Sizain & petit blanc font encore la même chose que la maille ou obole blanche, qu'on pouvoit auffi appeller fou de mailles, parce qu'elle valoit douze mailles tournois, monnoie

noire.

Le gros tournois, fou tournois, ou fimplement tournois, qui a également été connu fous les noms de gros denier blanc, de grand blanc, & de douzain, valoit 12 deniers tournois, & celui du temps de S. Louis vaudroit 18 fous de notre monnoie actuelle. Cette

efpece s'appelloit gros, parce que c'étoit la plus groffe monnoie que l'on fabriquât à Tours dans ce temps-là.

Le parifis ou fou parifis valoit un fou tournois & un quart; par conféquent le parifis du temps de S. Louis vaudroit de notre monnoie actuelle 22 fous 6 deniers.

La livre tournois, appellée auffi franc, depuis que le Roi Jean fit faire, en 1360, des francs d'or qui valoient une livre ou 20 fous, valoit comme à préfent 20 fous tournois. Charlemagne, comme nous l'avons déja dit ailleurs, fut le premier qui introduifit l'ufage de compter la monnoie par livres, jous & deniers. Pour fe former une idée juste de la maniere dont le numéraire s'est établi, il faut fe rappeller que fous la premiere & la feconde race de nos Rois, on ne fe fervoit point pour pefer l'or & l'argent, du poids de marc, mais de la livre pondérale des anciens Romains. Pepin, au commencement de fon regne, ordonna qu'on tailleroit 22 fous d'argent dans le poids de cette livre. Les métaux précieux étant devenus plus abondans en France par les conquêtes de Charlemagne, ce Prince fit faire des fous d'argent plus pefans; ils étoient à la taille de 20 pour une livre d'argent, & cette livre, également établie par Charlemagne, fut alors plus grande que la livre Romaine, puifqu'elle valoit 12 onces de notre poids de marc actuel. Vingt des fous de Charlemagne contenoient le poids d'une livre d'argent, ou de 12 onces poids de marc; & depuis ce tempslà on s'eft toujours fervi en France du mot livre, quand on a voulu exprimer une fomme de 20 fous. Voilà comment la livre de compte a été introduite, & l'on voit par-là qu'elle doit fon origine à la livre de poids, & qu'elles étoient toutes deux de même valeur dans leur commencement, puifque les 20 fous d'argent, dont eft compofée la livre de compte, pefoient alors une livre ou 12 onces. Suivant un Réglement de Charlemagne, fait à Francfort l'an 794, fes monnoies étoient d'argent fin; mais en ne calculant que fur l'argent à 11 deniers 12 grains, qui eft l'argent-le-Roi, nous trouvons que la livre d'argent du poids de 12 de nos onces vaut 78 livres 17 fous de notre monnoie actuelle ; que le fou de ce temps-là valoit 3 liv. 18 fous 10 den., & le denier 6 fous 6 17 deniers.

Depuis Charlemagne jufqu'à Philippe I, les fous furent d'argent, & les 20 peferent prefque toujours une livre poids ou approchant; mais dans la fuite les fous ayant beaucoup diminué de

leur poids, on n'en continua pas moins de fe fervir toujours du terme de livre, pour exprimer une fomme de 20 fous, quoiqu'ils ne pefaffent plus une livre d'argent. Enfin l'affoibliffement de la livre numéraire a été porté au point, que fi un homme avoit emprunté, fous le regne de Charlemagne, une fomme de 100 liv., fa famille, fi elle exiftoit, ne s'acquitteroit aujourd'hui qu'en donnant 7885 livres; & encore qu'un particulier qui, l'an 800, avoit 1000 livres de revenu, étoit auffi riche, en ne confidérant que la valeur du numéraire, que celui qui parmi nous jouit de 78850 livres de rente.

Sous S. Louis, la livre numéraire valoit 20 fous appellés gros tournois, ou 240 deniers appellés petits tournois, & 18 livres de notre monnoie préfente.

La livre parifis valoit une livre tournois & un quart; elle reviendroit à 22 livres 10 fous de notre monnoie, fur le pied de celle de S. Louis. La livre parifis fe divifoit en 20 fous, ou 240 deniers parisis, mais elle contenoit 25 fous, ou 300 deniers

tournois.

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On prouve par un titre de l'an 1068, du Jeudi après la Converfion de S. Paul, lequel eft une donation faite à la Confrairie des Clercs de Pontoife; par un autre titre de S. Denis, de l'an 1060, qui étoit la premiere année du regne de Philippe I; par un autre titre de S. Cyprien de Poitiers daté de l'an 1105, fur la fin du même regne, que c'eft fous ce Prince, ou même fous les regnes précédens, que la diftinction de la monnoie tournois & de la monnoie parifis, qui étoit celle des Comtes de Paris, a commencé à avoir lieu. On verra mieux que par le difcours, les rapports de toutes ces monnoies de compte entr'elles, à l'infpection de l'abaque fuivant.

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