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CHAPITRE I. Des rapports des mefures longues de l'antiquité entr'elles & celles de
France

ΙΟΙ

MÉTROLOGIE

ου

TRAITÉ DES MESURES,

POIDS ET MONNOIES
DES ANCIENS PEUPLES
ET DES MODERNES.

INTRODUCTION.

fe

TOUTES nos connoiffances scientifiques se réduisent à des rapports. De ces rapports, les uns font indéterminés, n'ayant aucune relation finie avec les objets fenfibles; les autres font déterminés & finis , ayant une relation immédiate avec les objets qui frappent nos fens. Les premiers font du reffort des Sciences fpéculatives & théoriques, de la Géométrie par exemple, de la Méchanique, de l'Aftronomie, &c.; les feconds appartiennent auffi à toutes ces Sciences foumifes à la pratique, & c'eft à ces derniers qu'on a donné le nom de Mefures.

Il y a dans le commerce de la fociété fix manieres de mesurer toutes les productions de la Nature ou de l'Art, qui fervent aux befoins de l'homme. De ces fix manieres, il y en a cinq relatives

A

à l'efpece, & une comparative ou appréciative. La premiere des cinq manieres fpécifiques de mefurer, eft par le nombre, comme quand on acheté certains fruits, des oeufs, des beftiaux, &c. La feconde eft par l'étendue fur deux dimenfions, longueur & largeur, ou largeur & hauteur; c'eft ainfi qu'on achete & qu'on vend les terres, les étoffes, les toiles, &c. La troifieme eft par l'étendue fur trois dimenfions, longueur, largeur & profondeur ou hauteur, comme les bois de charpente, les pierres, les marbres, les ouvrages de maçonnerie, &c. La quatrieme, qui rentre affez dans la troifieme, eft par le volume, autrement par des vafes d'une capacité ou continence déterminée, réglée & convenue; c'est ainsi qu'on mefure les grains & les liqueurs. La cinquieme eft par le poids, qui eft une propriété naturelle de la matiere, laquelle est proportionnée à la denfité de fes parties effentielles & intégrantes: c'eft par le poids qu'on mefure le fil, le coton, la foie, les épiceries & drogueries, les beures, les fromages; quelquefois l'huile & le fel, &c. On appelle en France Marchandifes d'œuvre de poids, toutes celles qui fe vendent au poids. La fixieme maniere de mefurer les denrées & marchandifes, eft celle par laquelle on les rapporte toutes à une feule & même mefure de comparaison, qui eft la Monnoie. Il y a encore la mesure de distance, ou mefure linéaire, mais ce n'eft que l'élément des autres mesures, & c'eft fous ce point de vue qu'elle doit être traitée la premiere.

Les mefures font entre les mains du Magiftrat, ce que le compas & la regle font dans celles du Géometre, ou ce qu'est un guide

pour un voyageur.

pays

Les mefures font la regle de l'utile & refpectacle Laboureur. Si l'art ou la science dont il fait profeffion a atteint fon dernier degré de perfection, il lui fuffit de connoître les mesures du qu'il habite; mais fi l'on convient qu'il y a des connoiffances à acquérir relativement à l'art de cultiver la terre, l'on conviendra auffi que la connoiffance des mesures de tous les pays où l'on a compofé des Livres d'observations fur l'Agriculture, lui est nécesfaire. Je ne puis m'empêcher de dire ici que c'eft cette derniere confidération qui a donné lieu à la compofition de cet Ouvrage. Intimement pénétré d'eftime dès ma plus tendre jeuneffe pour une profeffion fimple & naturelle, qui me paroiffoit devoir rendre heureux celui qui l'exerce fans gêne, par goût & avec intelligence: convaincu enfuite par les lumieres que j'ai pu acquérir, que l'Agri

culture n'eft que la science de feconder les opérations de la nature, & qu'elle produit en grand tous les phénomenes que les Chymiftes & les Phyficiens exécutent dans leurs cabinets; je formai dès-lors le projet de diriger toutes mes études vers la culture des végétaux. Le premier pas que je fis pour cela, fut de confulter les Ecrivains anciens qui ont traité de l'Agriculture; je me propofois ainfi de comparer les procédés de l'antiquité avec la maniere actuelle d'opérer; mais je me trouvai bientôt arrêté par les mesures dont fe font fervis Columelle, Varron & autres, dont je ne connoiffois pas le rapport aux nôtres : je suspendis donc, & peut-être pour toujours, ce premier travail, pour faire des recherches fur la valeur des mefures de l'antiquité. Cette premiere partie exécutée, j'ai tâché de rassembler les mesures actuelles de tous les pays, autant que j'ai pu me les procurer. Telle eft l'origine des premieres idées que j'ai eu de compofer cet Ouvrage.

Le Commerce fuit de près l'Agriculture. Auffi-tôt que la terre a comblé l'efpérance du Laboureur, le Marchand décharge celuici du furabondant de fes récoltes, pour le répandre dans un autre pays qui n'a pas fuffisamment de la même denrée. C'est par le commerce que la France fe trouve approvifionnée des riches métaux, des précieuses étoffes & des épiceries de l'Orient & de l'Occident, du fucre, du tabac, &c. C'eft par le commerce que la Capitale fe trouve fournie des bleds de la Beauce & de la Brie, des vins de Bourgogne, de Champagne & de Bordeaux ; des huiles de Provence; des toiles de Flandres, de Normandie & du Maine, &c. C'eft par le commerce que la Bretagne, la Normandie, la Picardie & les Pays-bas, reçoivent des vins de Bordeaux, de Bourgogne & de Champagne, &c. &c. Si l'on trouvoit les mêmes mesures dans toutes ces Provinces, le commerce en feroit plus facile & moins frauduleux; mais les mefures variant comme les lieux, il me femble que c'est une reffource pour le Commerçant, Négociant ou Marchand, & pour le propriétaire des denrées, d'avoir fous la main une Collection des mesures de chaque pays.

Nous avons une foule d'excellens Ouvrages des plus célebres Médecins de l'antiquité, Grecs, Arabes & Latins, tels qu'Epicharme, Hiérophile, Hippocrate, Archimédique, Ifaac, Memphite, Pfelle, Nicétas, Moschion, Oribafe, Diofcoride, Théo

phile, Achmeth, Avicenne, Galien, Paul-Eginete, Aetius-Amidénus, Nicolas-Alexandrin, Alexandre - Trallianus, Actuarius Celfe, Pline, &c. Les Pharmacopées dans tous ces anciens Livres, ne peuvent plus être d'aucune application, fi l'on ne connoît pas la correfpondance des poids & des mesures anciennes avec celles qui font actuellement en ufage.

Quel fruit retirer de la lecture des Périples & Itinéraires de l'antiquité, des ouvrages géographiques de Strabon, de Ptolémée, de Pline, de Pomponius-Méla, & des Géographes Arabes, si l'on ignore le rapport de leurs mefures itinéraires à celles de fon pays?

Les Hiftoriens, les Géometres, les Philologues, les Poëtes même, enfin les Ecrivains en tout genre, nous préfenteront des difficultés, fi nous ne fommes pas inftruits de la valeur des mesures & des monnoies qui avoient cours de leur temps. Il en faut dire autant des Ecrivains nos contemporains dans les pays étrangers. Ce ne font donc pas les feuls Laboureurs, Négocians, Médecins, Géographes, Ingénieurs, Architectes, Arpenteurs, Voyageurs &c. qui fe trouveront dans le cas d'avoir befoin de cet Ouvrage : il n'y a point d'homme dans la fociété à qui il ne foit utile: Dimenfionis difciplina Artes fingulas adjuvat. Vix enim quidpiam agere poffumus fine menfurâ. Et turpe admodum videbitur, in fingulis quibufque dimenfionibus hærere virum, qui in cœtu hominum negociatio nibufque verfatur. Hebetis namque ingenii eft, vel manifeftæ omnino negligentia, ea ignorare, quæ fingulis quibufque horis neceffaria funt (*).

« L'Hiftoire & la Géographie, dit M. Fréret (Mém. de l'Acad. » des Infcript. Tom. XXIV, pag. 433), feront toujours couvertes » de tenebres impénétrables, fi l'on ne connoît la valeur des me» fures qui étoient en ufage parmi les Anciens. Sans cette con>> noiffance, il nous fera impoffible de rien comprendre à ce que >> nous disent les Hiftoriens Grecs & Romains, des marches de » leurs armées, de leurs voyages, & de la diftance des lieux où » fe font paffés les événemens qu'ils racontent. Nous ne pourrons >> nous former une idée nette de l'étendue des anciens Empires » de celle des terres qui faifoient la richeffe des particuliers, de >> la grandeur des Villes, ni de celle des Bâtimens les plus céle» bres. Les inftrumens des Arts, ceux de l'Agriculture, les armes, » les machines de guerre, les Vaiffeaux, les Galéres, la partie de (*) Fr. Patric, Sen, Pontif. Cajet, De Inffitut, Reip. Lib. II, Tit. II,

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