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que la carrière de l'instituteur primaire soit sans éclat, bien que ses soins et ses jours doivent le plus souvent se consumer dans l'enceinte d'une commune, ses travaux intéressent la société tout entière, et sa profession participe de l'importance des fonctions publiques. Ce n'est pas pour la commune sculement, et dans un intérêt purement local, que la loi veut que tous les Français acquièrent, s'il est possible, les connaissances indispensables à la vie sociale, et sans lesquelles l'intelligence languit, et quelquefois s'abrutit; c'est aussi pour l'Etat lui-même, et dans l'intérêt public; c'est parce que la liberté n'est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter, en toute circonstance, la voix de la raison. L'instruction primaire universelle est désormais une des garanties de l'ordre et de la stabilité. sociale. Comme tout, dans les principes de notre gouvernement, est vrai et raisonnable, développer l'intelligence, propager les lumières, c'est assurer l'empire et la durée de la monarchie constitutionnelle.

Pénétrez-vous donc, Monsieur, de l'importance de votre mission; que son utilité vous soit toujours présente dans les travaux assidus qu'elle vous impose. Vous le voyez : la législation et le gouvernement se sont efforcés d'améliorer la condition et d'assurer l'avenir des instituteurs. D'abord le libre exercice de leur profession dans tout le royaume leur est garanti, et le droit d'enseigner ne peut être ni refusé ni retiré à celui qui se montre capable et digne d'une

telle mission. Chaque come doit en outre ouvrir un asile à l'instruction primaire. A chaque école communale un maître est promis. A chaque instituteur communal un traitement fixe est assuré. Une rétribution spéciale et variable vient l'accroitre. Un mode de perception, à la fois plus conforme à votre dignité et à vos intérêts, en facilite le recouvrement, sans gêner d'ailleurs la liberté des conventions. particulières. Par l'institution des caisses. d'épargne, des ressources sont préparées à la vieillesse des maîtres. Dès leur jeunesse, la dispense du service militaire leur prouve. la sollicitude qu'ils inspirent à la société. Dans leurs fonctions, ils ne sont soumis qu'à des autorités éclairées et désintéressées. Leur existence est mise à l'abri de l'arbitraire ou de la persécution. Enfin l'approbation de leurs supérieurs légitimes encouragera leur bonne conduite et constatera leurs succès; et quelquefois même une récompense brillante, ä laquelle leur modeste ambition ne prétendait pas, peut venir leur attester que le gouvernement du Roi veille sur leurs services et sait les honorer.

Toutefois, Monsieur, je ne l'ignore point: la prévoyance de la loi, les ressources dont le pouvoir dispose ne réussiront jamais à rendre la simple profession d'instituteur communal aussi attrayante qu'elle est utile. La société ne saurait rendre, à celui qui s'y consacre, tout ce qu'il fait pour elle. Il n'y a point de fortune à faire, il n'y a guère de renommée à acquérir dans les obligations pénibles qu'il accomplit. Destiné à voir sa

vie s'écouler dans un travail monotone quelquefois même à rencontrer autour de lui l'injustice ou l'ingratitude de l'ignorance, il s'attristerait souvent et succomberait peutêtre s'il ne puisait sa force et son courage ailleurs que dans les perspectives d'un intérêt immédiat et purement personnel. Il faut qu'un sentiment profond de l'importance morale de ses travaux le soutienne et l'anime; que l'austère plaisir d'avoir servi les hommes et secrètement contribué au bien public, devienne le digne salaire que lui donne sa conscience seule. C'est sa gloire de ne prétendre à rien au-delà de son obscure et laborieuse condition, de s'épuiser en sacrifices à peine comptés de ceux qui en profitent, de travailler enfin pour les hommes et de n'attendre sa récompense que de Dieu. Aussi voit-on que, partout où l'enseignement primaire a prospéré, une pensée religieuse s'est unie dans ceux qui le répandent, au goût des lumières et de l'instruction. Puissiez-vous, Monsieur, trouver donc de telles espérances, dans ces croyances dignes d'un esprit sain et d'un cœur pur, unesatisfaction et une constance que peut-être la raison seule et le seul patriotisme ne vous donneraient pas!

C'est ainsi que les devoirs nombreux et divers qui vous sont réservés vous paraîtront plus faciles, plus doux, et prendront sur yous plus d'empire. Il doit m'être permis, Monsieur, de vous les rappeler. Désormais, en devenant instituteur cominunal, vous appartenez à l'instruction publique; le titre que yous portez, conféré par le ministre, est

placé sous sa sauve-garde. L'Université vous réclame; en même temps qu'elle vous surveille, elle vous protège, et vous admet à quelques-uns des droits qui font de l'enseignement une sorte de magistrature. Mais le nouveau caractère qui vous est donné m'autorise à vous retracer les engagemens que vous contractez en les recevant. Mon droit ne se borne pas à vous rappeler les dispositions des lois et règlemens que vous devez scrupuleusement observer; c'est mon devoir d'établir et de maintenir les principes qui doivent servir de règle morale à la conduite de l'instituteur, et dont la violation compromettrait la dignité même du corps auquel il pourra appartenir désormais. Il ne suffit pas en effet de respecter le texte des lois ; l'intérêt seul y pourrait contraindre, car elles se vengent de celui qui les enfreint; il faut encore et surtout prouver par sa conduite qu'on a compris la raison morale des lois, qu'on accepte volontairement et de cœur l'ordre qu'elles ont pour but de maintenir, et qu'à défaut de leur autorité on trouverait dans sa conscience une puissance sainte comme les lois, et non moins impérieuse.

Les premiers de vos devoirs, Monsieur, sont envers les enfans confiés à vos soins. L'instituteur est appelé par le père de famille au partage de son autorité naturelle ; il doit l'exercer avec la même vigilance et presque avec la même tendresse. Non seulement la vie et la santé des enfans sont remises à sa garde, mais l'éducation de leur cœur et de leur intelligence dépend de lui presque tout

entière. En ce qui concerne l'enseignement proprement dit, rien ne vous manquera de ce qui peut vous gaider. Non seulement une école normale vous donnera des leçons et des exemples; non seulement les comités s'attacheront à vous transmettre des instructions utiles, mais encore l'Université même se maintiendra avec vous en constante communication. Le Roi a bien voulu approuver la publication d'un journal spécialement destiné à l'enseignement primaire. Je veillerai à ce que le Manuel général répande partout, avec les actes officiels qui vous intéressent, la connaissance des méthodes sûres, des tentatives heureuses, les notions pratiques que réclament les écoles, la comparaison des résultats obtenus en France ou à l'étranger, enfin tout ce qui peut diriger le zèle, faciliter le succès, entretenir l'émulation.

Mais quant à l'éducation morale, c'est en vous surtout, Monsieur, que je me fie. Rien ne peut suppléer en vous la volonté de bien faire. Vous n'ignorez pas que c'est là, sans aucun doute, la plus importante et la plus difficile partie de votre mission. Vous n'igno rez pas qu'en vous confiant un enfant, chaque famille vous demande de lui rendre un honnête homme, et le pays un bon citoyen. Vous le savez les vertus ne suivent pas toujours les lumières, et les leçons que reçoit l'enfance pourraient lui devenir funestes si elles ne s'adressaient qu'à son intelligence. Que l'instituteur ne craigne donc pas d'entreprendre sur les droits des familles en donnant ses premiers soins à la culture intérieure

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