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le spectacle de leur présence; mais le Roi, s'étant trouvé indisposé par suite des fatigues de la journée, est resté avec sa famille dans. ses appartemens.

Journée du 5. Le départ du Roi était indiqué pour 9 heures. Au sortir du déjeûner il est monté à cheval, et s'est rendu par les rues du Chantier et Corne-de-Cerf, jusqu'à l'arc de triomphe, où il a trouvé réunis les mêmes fonctionnaires qui l'avaient reçu à son entrée. Le maire l'a complimenté en ces termes: "Sire, le séjour de V. M. parmi nous a été trop court au gré de nos désirs; mais nous espérons qu'il produira des résultats importans pour la gloire de la France et pour la prospérité de cette ville. Nous vous remer cions, Sire, au nom des pauvres, des bienfaits que vous avez répandus sur eux, et nous vous renouvelons l'hommage de notre fidélité et de notre inaltérable dévouement. » Le Roi a répondu qu'il attendait aussi des résultats avantageux de son voyage; qu'il ne tiendrait point à lui que le port de Cherbourg ne devînt plus tard un des premiers ports du monde, et qu'il n'acquît toute l'importance que sa position maritime lui a assignée; que non seulement il allait suivre avec le plus vif intérêt l'exécution des projets dont il venait de s'occuper, mais aussi qu'il ferait son possible pour revenir plus tard imprimer aux travaux toute l'activité dont ils sont susceptibles. Cette réponse, qui a été considérée comme le présage d'un brillant avenir pour la ville de Cherbourg, a fait éclater le plus vif enthousiasme, et le Roi a eu peine à

se débarrasser de la foule qui se pressait de toutes parts sur son passage, en faisant retentir l'air des cris de vive le Roi !

S. M. a laissé aux pauvres du bureau de bienfaisance une somme de 1500 fr., à l'hospice 800 fr. Elle a de plus donné aux ouvriers de la marine une somme dont nous ne connaissons pas l'importance.

(Ce qui suit est extrait du MONITEUR).

Le Roi est parti à dix heures de Cherbourg pour Bayeux. M. le ministre de la marine est resté à Cherbourg avec la Reine, qui ne part que le 6 pour se rendre directement à Caen.

Le Roi est arrivé à l'entrée de Valognes à midi. La revue de la garde nationale avait été remise pour le retour de S. M. Plus de 4000 hommes étaient rangés en bataille des deux côtés de la route; le Roi a passé à cheval devant le front de ces bataillons, qui ont ensuite défilé devant S. M. sur la place d'armes, aux cris mille fois répétés de vive le Roi! vive Louis-Philippe!

Après la revue, S. M. a été conduite à l'hôtel-de-ville, où les diverses autorités lui ont été présentées par M. le sous-préfet. Déjà le corps municipal, la chambre de commerce et le tribunal avaient harangué le Roi à son passage. S. M. a paru les entendre avec plaisir renouveler l'expression des sentimens qui les animent, et elle a répondu à leurs discours.

Le Roi, après s'être arrêté plus d'une heure à Valognes, a repris sa voiture audelà du faubourg. S. M. n'a fait que traverser

Carentan, qu'elle avait déjà vue, et elle est arrivée à la limite du département du Calvados et de l'arrondissement de Bayeux, où M. le préfet et M. le sous-préfet sont venus la recevoir.

NOTICE

SUR L'HISTOIRE DES ILES ANGLAISES DE JERSEY, GUERNESEY ET AURIGNY,

Dans ses rapports avec l'histoire de la Nor mandie et spécialement du département de la Manche.

A l'occident de notre département existent plusieurs îles dont les plus importantes sont Jersey et Guernesey. Comment se trouventelles appartenir à l'Angleterre ? Beaucoup de gens, quoiqu'ayant étudié passablement l'histoire, seraient embarrassés d'en rendre raison sans demander le temps d'y réfléchir ou même de consulter. Les habitans de ces îles parlent le langage de la partie septentrionale du département de la Manche. Dans leurs campagnes on trouve le même patois, les mêmes dictons et proverbes. Il suffit de parcourir les annonces des journaux de Jersey et Guernesey, pour voir, à chaque pas, les noms, si communs dans notre pays, de Roussel, Renouf, Mauger, Martin, Le Marquant, Le Prevost, Pezet, Dorey, Nicolle, Langlois, Le Poittevin, Le Fevre, Noël, Néel, Le

Chevallier; etc., etc. Leurs lois sont encore l'ancien droit coutumier normand, modifié par quelques arrêts de réglement des Cours de justice. Là se trouve encore vivante notre clameur de haro, que nos rois paralysaient si souvent et que la révolution a détruite, monument si vénérable de la haute idée qu'avaient de la justice de leur premier duc Rollon ou Rou, nos ancêtres du Nord, qui, au moment où ils éprouvaient de la part d'un plus fort des actes de violence, s'écriaient A Rou! comme l'on appèle quelqu'un à son secours dans le péril ou la détresse (1).

Antérieurement à l'établissement du christianisme dans les Gaules, les îles dont nous parlons ne figurent nullement dans l'histoire. Strabon, Pline, Pomponius-Mela n'en parlent point. Peut-être même n'étaient-elles pas encore habitées. Le premier monument géographique qu'on trouve à leur égard, c'est l'ouvrage intitulé Itinéraire d'Antonin, où l'île de Guernesey, figure sous le nom de Gernia, Jersey sous le nom de Cesarca, et Aurigny sous celui d'Aurica ou Arica.

Quant à ce nom de Cesarea, donné, on ne sait pourquoi, à Jersey, le Livre noir de l'évêché de Coutances, qui contient un détail de toutes les paroisses du diocèse, au commencement du XIIIe siècle, suppose que César alla visiter cette île, lui donna son nom et y établit des Romains pour la cultiver. Le

(1) History of Guerncey, in-4o, pages 44 et suivantes.

Livre noir, pour le dire en passant, à été emprunté par tant d'amateurs, que, depuis quinze ans, on ignore ce qu'il est devenu. Un trop zélé antiquaire en a fait probablement un emprunt à perpétuité, ou, ce qui est plus vraisemblable, il le garde sans en rien dire, de peur qu'en le réclamant trop promptement, on ne le détourne des recherches historiques pour lesquelles ce manuscrit lui est précieux. Au surplus je parle d'après des ouï-dire, peut-être à l'évêché sait-on à quoi s'en tenir.

Il est prouvé, tant par le Livre noir que par l'Itinéraire d'Antonin, beaucoup plus ancien, que Jersey et Guernesey ont toujours été des îles, ce qui rend au moins fort douteuses les traditions de leur jonction autrefois avec le continent. Il est vraisemblable et même certain que la proximité a seulement été beaucoup plus grande; car il est constant que, depuis un temps immémorial, l'Océan dévore les rivages de notre presqu'île. On vante cependant à Jersey (1), comme chez nous, de prétendus anciens titres qui ont dû parler de ponts et de chaussées servant à la communication de l'île avec le Cotentin. Un de nos compatriotes m'a promis, depuis longtemps, de retrouver et de me communiquer un vieux contrat où une des parties est énoncée demeurer près la chaussée qui va de la pointe de la Hague à Aurigny. Il n'a pas encore tenu sa promesse et comme je présume

(1) Chroniques de Jersey, par Sivrey. 1832, p. 192.

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