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haie au dehors pour amener l'eau jusqu'à l'entrée, et les prisonniers travaillaient dans l'intérieur, ce qu'ils ont fait avec un zèle irès-méritoire.

>> On dit que les détenus politiques, en travaillant à empêcher le feu de gagner le corps de logis du directeur, ont bu quelques bouteilles de son vin, mais il le leur a pardonné de bon cœur. Ils avaient d'avance mis en sûreté, avec un soin scrupuleux, ses plus précieux effets, son argenterie, sa montre, son argent, et le tout lui a été fidèlement remis.

» Il n'a péri qu'un seul individu, ainsi qu'on l'a annonce; c'est le nommé Turquety, gardien. Il travaillait à éteindre l'incendie, et quoiqu'il ne fût tombé que d'un premier étage, sa chute a été mortelle; il est tombé sur la tête; le sang lui sortait à gros bouillons de la bouche, du nez et des oreilles : c'était un spectacle affreux (1).

» Quant à l'édifice, il n'y a de brûlé que des salles que l'on avait pratiquées dans l'église, où étaient l'atelier des chapeaux de paille, la tisseranderie et autres petites dépendances. Les grands ateliers de filature n'ont pas été atteints. Le chœur de l'église, chefd'oeuvre d'architecture du moyen-âge, dont

(1) Le Directeur a été légèrement blessé au pied. Parmi les personnes qui se sont lait le plus remarquer par leur zèle à combattre l'incendie, on a justement cite M. l'abbé Le Court, aumônier de la maison centrale.

on avait vivement regretté la perte, n'a été aucunement endommagé.

» On pense que le feu a été causé par le tuyau d'un poêle du corps-de-garde; ce tuyau débouchait par une fenêtre de l'atelier où l'on prépare la paille; des flammèches de suie embrasée ont pu y pénétrer.

» Cet incendie a mis en mouvement tout le pays d'alentour; les récits les plus effrayans s'étaient propagés avec une rapidité extrême : les gardes nationales prenaient les armes en quelques endroits pour se défendre contre une invasion des condamnés pour crimes et délits. Partout on faisait le désastre et le danger plus 'grands qu'ils n'étaient. On fit partir toute la garnison de Granville, on manda toutes les brigades de gendarmerie des environs; on envoya de Saint-Lo une compagnie d'infanterie, et on avait écrit à Caen pour en faire venir de la troupe. Cent hommes de notre garde nationale avaient été commandés le soir pour partir le lendemain; mais, lorsqu'on battait le rappel, on a vu arriver la garnison de Granville, et nos autorités ont donné contre ordre.

» On a transféré à Rennes et à Caen une partie des condamnés; ce sont les plus mauvaises têtes et ceux qui ont un plus long temps à faire. On les éloigne dans la crainte qu'ils ne tentent de s'évader pendant les réparations auxquelles on va se livrer aussitôt. Les détenus politiques sont tous restés. Présentement, tout est rentré dans l'ordre accoutumé au Mont-Saint-Michel. »

MONUMENT

DE QUINÉVILLE. (1)

N'ayant point d'explications satisfaisantes à donner sur le monument de Quinéville, nous nous décidons à en envoyer au moins le plan dans toutes ses proportions avec quelques observations.

La paroisse de Quinéville est située sur la côte de la Manche, à trois lieues de Valognes. A 50 toises environ de l'église de cette paroisse, est le monument dont le plan est cijoint. Les habitans, qui l'appellent la GrandeCheminée, ont la croyance qu'il a servi au culte des Druides. Sa construction singulière, et surtout l'ignorance de l'usage auquel il a pu être destiné, ont été le seul fondement de cette croyance. C'est une colonne de 25 pieds de hauteur, à partir du sol. Sa base est à peu près la moitié de sa hauteur totale. Le milieu de cette base présente une partie creusée vers le milieu, qui forme une espèce de foyer; le fût de la colonne est un tuyau creusé dans toute sa longueur, elle est terminée au haut par des pilastres, qui, étant espacées moitié plein et moitié vide, forment

(1) Cet article est de M. Asselin.

autant d'ouvertures par où l'air et le jour communiquent. Cette rangée circulaire de pilastres est couverte d'une espèce de toit, qui termine la colonne, au lieu d'un chapiteau. Ce monument est isolé et rien n'annonce qu'il ait fait partie d'un autre bâtiment.

L'architecture de cette colonne conserve quelques rapports avec le goût romain; mais il serait tellement dégénéré, qu'on peut le regarder plutôt comme étant du genre gothique ou arabe. Alors on ne peut porter son antiquité plus haut que le Ve ou VIe siècle, et il ne serait point l'ouvrage des Druides.

Si d'un autre côté on l'avait bâti pour servir de phare en faveur des navires qui fréquentent cette côte périlleuse, on l'aurait placé sur un terrein tout près, qui étant plus élevé domine une grande partie de la côte, au lieu que, placé où il est, il ne peut être aperçu en mer que du côté de l'est et du nord-est : d'ailleurs sa construction ne serait pas heureuse, car la flamme aurait à traverser plus de 12 pieds dans l'intérieur de la colonne, avant de sortir par les ouvertures du som

met.

Nous sommes obligés de nous borner à l'exposé de ces faits, ne pouvant tirer de notre propre fond des explications plus satisfaisantes de ce monument. Sa construction et sa belle conservation le rendent digne d'occuper les savans. Il est sur la terre d'un propriétaire qui aime assez les arts et les antiquités, pour qu'on soit sûr qu'au lieu d'y porter atteinte, il ferait plutôt des dépenses pour sa conservation.

DESCRIPTION DES MONUMENS

DRUIDIQUES DE LA MANCHE.

SUITE ET FIN.

(Voir le commencement de cet article dans l'Annuaire 1833, p. 220- 263.)

DE L'ORIGINE DES MONUMENS

DRUIDIQUES ET DU CULTE QU'ON LEUR RENDAIT.

J'ai essayé de décrire avec exactitude nos monumens druídiques, et je me plais à reconnaître combien la Notice de M. de Gerville sur les pierres druidiques et son Mémoire sur les instrumens en bronze, m'ont été utiles et même indispensables. J'ai aussi souvent consulté l'ouvrage de M. Dulaure.

Je vais terminer par quelques considérations sur l'origine de ces monumens et sur le culte qu'on leur a rendu. En hazardant quelques conjectures sur ce sujet obscur et difficile, je ne prétends rien décider, mais seulement présenter quelques aperçus dont chacun jugera de la solidité.

Les monumens que nous avons décrits, et autres analogues, qu'on retrouve tant en France qu'en divers autres pays, sont dési

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