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la voix publique, égarée quelque temps par des oracles trompeurs, proclamera leur éloge, et cet éloge, tracé par la vérité, restera inscrit dans les pages de l'histoire.

Julien LE TERTRE.

LE COMTE DU PARC.

Prenez dans le XVe siècle un de ces chevaliers de noble origine, au corps robuste, à l'âme grande et fière, toujours prêt à mourir pour son Dieu et pour son Roi; donnez à ce rejeton des preux l'instruction de notre ancienne école militaire; que, fidèle zélateur des temps écoulés, il s'accoutume aux mœurs présentes; que, dans ses vues à lui, sa sollicitude se porte vers le bien-être des classes pauvres, vers des améliorations qui soient du moins une image du passé; que parfois sa susceptibilité jette ou relève le gant comme si l'arène politique était encore un champ clos réunissez enfin aux vertus d'un autre âge, la tolérance du nôtre; à une piété sincère, à une loyauté antique, au fanatisme de la légitimité, une haute indépendance, un entier désintéressement, un véritable amour de l'humanité; vous aurez une anomalie sociale dans la France de juillet; et cette anomalie sera feu Constantin-Frédéric-Thimoléon, comte du Parc.

:

Il était né au château du Mesnil-Auval, arrondissement de Cherbourg, le 13 décem bre 1759. Sa famille, originaire de Bretagne,

est une des plus anciennes et des plus distinguées de nos provinces: elle eut un de ses membres ( Morice du Parc) au combat des Trente, en 1351.

Le jeune Thimoléon fut de bonne heure destiné à la carrière des armes. Il n'avait pas encore 17 ans, lorsqu'il entra, le 13 décembre 1759, comme sous-lieutenant dans le régiment du Roi, infanterie.

Dès-lors il sut allier à sa profession l'étude de la littérature; l'histoire et la poésie se partagèrent des loisirs que la plupart des officiers de son âge ne remplissaient que de frivolités rarement innocentes.

Le 8 avril 1788, il épousa Mlle de la Salle, fille du marquis de Caillebot-la-Salle, chevalier des ordres du Roi, lieutenant-général et commandant en chef en Alsace. Trois jours après, il fit ses preuves devant le généalogiste de la cour, M. Chérin, et monta dans les carosses du Roi (11 avril 1788).

Quand la Révolution éclata, le comte du Parc ne comprit point ce mouvement national. Homme d'un autre siècle, il vit avec effroi tomber les premières pièces de la monarchie absolue. Son épée fut tirée du fourreau; mais il dédaigna de la plonger dans un sang qu'il regardait comme trop ignoble; aucun chevalier, d'ailleurs, n'était là pour croiser la lance, et le bouleversement social ne devait pas dépendre d'un tournoi ; il s'exila. Le 22 janvier 1791, il partit avec sa famille. Pour la féauté du comte du Parc, Louis XVI et ses deux frères étaient la France: aussi fit-il la campagne de 1792 dans l'armée des princes.

Au licenciement de cette armée, il alla rejoindre sa famille, près de laquelle il fut autorisé à attendre les ordres du Roi. Nommé chevalier de St-Louis, le 29 décembre 1795, il reçut bientôt la permission, qu'il avait longtemps sollicitée, de servir en Bretagne. La victoire de Hoche sur les émigrés de Quiberon arrêta son départ.

Après avoir passé quelque temps à Constance en Suabe, le comte du Parc se réfugia dans la ville de Bareuth en Franconie, Là il donna une haute idée de son caractère par un noble refus à des offres de fortune, dans un moment de détresse. Ses amis avaient obtenu pour lui du roi de Prusse une conces sion de terreins provenant de biens confisqués. Avant d'accepter, le comte du Parc s'informa de l'origine de ces biens, et, dès qu'il la connut, il les refusa.

En 1801, il rentra en France avec sa famille toutes ses propriétés avaient été vendues. Il vécut dans la retraite, occupé de l'éducation de ses nombreux enfans, toujours animé par l'espoir que, dans les trésors de la providence, se gardaient pour sa patrie des évènemens impossibles.

Le 31 mars 1814, il fut un des premiers dans la capitale à se parer de sa cocarde blanche et à faire entendre le cri de vive le Roi! Il fut bientôt nommé colonel, et quand il vit le trône en péril par le retour de Bonaparte, il se fit inscrire comme volontaire à pied parmi les gardes-du-corps ; protégea péniblement, le fusil sur l'épaule, la retraite de Louis XVIII jusqu'à Béthune,

et, après le licenciement de la Maison du Roi, courut se mettre à la disposition d'un général royaliste.

Député par le département de la Manche, en 1815, le comte du Parc siéga constamment au côté droit de la Chambre. Ce poste mit au jour son obligeance, en lui donnant mille occasions de rendre service. Il obtint pour une foule de ses commettans des places au civil, des grades militaires, des croix de la légion d'honneur, des secours pécuniaires et des pensions de retraite. Une fois convaincu qu'un pétitionnaire était bien pensant et capable de servir le Roi ou digne de quelque récompense, il prenait à cœur le succès de la réclamation et déployait pour l'obtenir une infatigable activité. Il ne manquait jamais de répondre luimême aux lettres nombreuses qui lui étaient adressées. Quelques personnes ont eu peutêtre à se plaindre de la rigueur de ses principes politiques; mais toutes ont dû rendre justice au sentiment qui le faisait agir. Sa conscience était son guide envers tout le monde.

Député de nouveau par son département, de 1823 à 1827, il parla peu à la tribune; mais souvent il fit imprimer ses opinions. La religion catholique, la monarchie légitime furent en toute occasion défendues par le comte du Parc, avec une entière indépendance. Les idées constitutionnelles n'entraient point dans ses utopies absolutistes : c'était la faute de sa naissance, de son éducation, des longues habitudes de sa vie. Toutefois il révait sans cesse aux moyens d'alléger les maux du peuple, et jamais le ministère Villèle, avec

l'appât de son or fatal, de ses places corrup trices, ne put enchaîner sa franchise ou faire fléchir sa courageuse inflexibilité.

En 1825, à l'époque du sacre, Charles X le nomma maréchal-de-camp honoraire. En 1828, le comte du Parc perdit son épouse, modèle de toutes les vertus il ne s'est point consolé de cette perte.

Avant la Révolution, pendant l'émigration et depuis son retour en France, il s'était beaucoup occupé de notes historiques sur les évènemens et les personnages contemporains. Les dernières années de sa vie, qu'il a presque entièrement passées dans son château de Réville, ayant toujours près de lui quelques membres de sa famille, ont été consacrées à des recherches sur la Normandie et la Bretagne. Il comptait mettre de l'ordre dans les nombreux matériaux qu'il avait amassés et son intention était de publier son travail. La mort ne le lui a point permis. Au mois de février 1833, il fit le voyage de Paris pour se rapprocher d'une partie de sa famille. Pendant ce voyage, il ressentit les premières douleurs de la cruelle infirmité qui devait mettre fin à sa vie. Son caractère ne se démentit pas un instant pendant ces jours douloureux où il se sentait continuellement affaiblir par la maladie. Environné d'une partie de ses enfans, il pensait à la peine qu'éprouvaient ceux que l'éloignement empêchait de lui prodiguer leurs soins.

Quand il sentit ses derniers momens approcher, il demanda les secours d'une religion dont il avait toute sa vie été l'un des

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