Images de page
PDF
ePub

« Quoi donc, s'écrie Ascagne, on mange aussi les tables! >>

Et ce mot est suivi d'un sourire enfantin.

Mais Énée a compris les secrets du destin,

Et ces mots de son fils qu'il recueille au passage
Expliquent un oracle et sont un doux présage.

Salut, ô Latium qui me fus tant promis,

«< Dit-il, ô Dieux de Troie, ô Pénates amis! « Salut! Voici pour nous la patrie et Pergame. Oui, c'est un souvenir qui renaît dans mon ame; << Anchise de nos maux ainsi marquait la fin :

<< --Sur des bords inconnus, quand, pressés par la faim, « Le sort vous réduira, pour aliment extrême

« A broyer sous vos dents jusqu'à vos tables même,

« Arrêtez-vous : c'est là qu'après tant de hasards « Il faut bâtir des toits entourés de remparts.

[ocr errors]

« La voilà cette faim, cette épreuve dernière

« Qui de nos longs malheurs termine la carrière.3

Courage, compagnons, trève à vos jours d'ennui;

<< Demain, sur ces coteaux dès que l'aube aura lui, « Nous quitterons le port, et de ces champs fertiles << Nous irons explorer les peuples et les villes.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Hic pater omnipotens ter cœlo clarus ab alto
Intonuit, radiisque ardentem lucis et auro
Ipse manu quatiens ostendit ab æthere nubem.
Diditur hic subito Trojana per agmina rumor,
Advenisse diem quo debita moenia condant.
Certatim instaurant epulas, atque omine magno
Crateras læti statuunt, et vina coronant.

Postera quum prima lustrabat lampade terras
Orta dies, urbem, et fines, et littora gentis,
Diversi explorant : hæc fontis stagna Numici,

Hunc Thybrim fluvium, hic fortes habitare Latinos.

<< Honorons Jupiter et mon père divin. »

Énée invoque alors, le front ceint de feuillage,
Le Génie inconnu qui veille à ce rivage,

La Terre au sein fécond, mère de tous les Dieux,
Les Fleuves ignorés, les Nymphes de ces lieux,
La Nuit et les flambeaux dont la Nuit est rougie,
Jupiter et Cybele honorés en Phrygie,

Sa mère dans l'Olympe et son père aux enfers.
Soudain, sous un ciel pur, le monarque des airs
De sa foudre trois fois fait gronder le présage,
Et de son bras puissant secouant un nuage
En fait jaillir des feux mêlés de rayons d'or.
Aussitôt, dans les rangs des compagnons d'Hector
Le bruit court que pour eux l'heure enfin se révèle
De bâtir des remparts sur la terre nouvelle;
Tous dérident leurs fronts après tant de malheurs,
Et les coupes de vin se couronnent de fleurs.

Dès que l'aube répand sa lumière dorée,

Les agiles Troyens explorent la contrée,
Reconnaissent Laurente à ses massives tours,

Le Numicus tranquille et le Tibre au long cours.

Tum satus Anchisa delectos ordine ab omni

Centum oratores augusta ad moenia regis

Ire jubet, ramis velatos Palladis omnes ;
Donaque ferre viro, pacemque exposcere Teucris.
Haud mora; festinant jussi, rapidisque feruntur
Passibus: ipse humili designat monia fossa,
Moliturque locum; primasque in littore sedes,
Castrorum in morem, pinnis atque aggere cingit.

Jamque iter emensi, turres ac tecta Latinorum
Ardua cernebant juvenes, muroque subibant.
Ante urbem pueri et primævo flore juventus
Exercentur equis, domitantque in pulvere currus,
Aut acres tendunt arcus, aut lenta lacertis

Spicula contorquent, cursuque ictuque lacessunt :
Quum prævectus equo longævi regis ad aures
Nuntius ingentes ignota in veste reportat

Advenisse viros. Ille intra tecta vocari

Imperat, et solio medius consedit avito.

Tectum augustum, ingens, centum sublime columnis,

Urbe fuit summa, Laurentis regia Pici,

Horrendum silvis et relligione parentum.

Alors cent députés sont choisis par Énée;
Du rameau de Pallas la tête couronnée,

Ils vont vers Latinus, jusque dans son palais,
Porter de riches dons et demander la paix.
Cependant le héros, dans une anse tranquille,
Marque par un fossé l'enceinte d'une ville,

L'entoure comme un camp d'un

rempart de Et perce de créneaux cette verte cloison.

gazon,

Mais déjà les Troyens, dans leur course légère,
Arrivent sous les tours de la ville étrangère;
Là, de jeunes guerriers, à l'ombre des remparts,
Précipitant le vol des chevaux et des chars,

A l'arc, au javelot, à la course, à la lutte,
De leurs prix glorieux variaient la dispute.
Soudain, un cavalier vole vers Latinus,

Lui dit, qu'en ce moment, des hommes inconnus,
Étrangers de costume et superbes de taille,
Sont arrivés en foule au pied de la muraille.
Le roi leur fait ouvrir son palais spacieux,
Et monte sur le trône où siégeaient ses aïeux.
Sur la ville s'élève, entre de noirs ombrages,

« PrécédentContinuer »