Images de page
PDF
ePub

Aussi, bien qu'au dehors sur un libre théâtre
La honte et la fureur les poussent à combattre,
Aux ordres de leur chef ces bataillons soumis
Attendent dans les tours l'assaut des ennemis.
Mais Turnus, entraînant vingt cavaliers d'élite,
Vers les murs, le premier, court et se précipite;
Son casque
d'or agite un panache sanglant,
Il monte un cheval noir au poil taché de blanc :
« Qui de nous le premier montrera son audace?
Moi, » dit-il; et son bras fait voler dans l'espace,
Pour signal de la guerre, un homicide acier;
Puis dans l'espace libre il lance son coursier,
Et l'armée applaudit à ce glorieux signe.

Du sang-froid des Troyens leur courage s'indigne :
« Les lâches! disent-ils, cachés dans leur prison,
<< Ils n'osent, près de nous, venir sur ce gazon.»
Turnus, sur son cheval, la colère au visage,

Tourne autour des remparts pour trouver un passage.
Ainsi qu'un loup vorace, au milieu de la nuit,'
Autour d'un gras bercail où la faim le conduit
Rôde, malgré le vent et la pluie et la grêle;
Tandis que les agneaux qu'abrite la mamelle

Invadit; sociosque incendia poscit ovantes;

Atque manum pinu flagranti fervidus implet.
Tum vero incumbunt: urget præsentia Turni,
Atque omnis facibus pubes accingitur atris.
Diripuere focos; piceum fert fumida lumen
Tæda, et commixtam Vulcanus ad astra favillam.

Quis deus, o musa, tam sæva incendia Teucris Avertit? tantos ratibus quis depulit ignes?

Dicite prisca fides facto, sed fama perennis.

Prolongent sans danger leur calme bêlement,
Lui, le gosier aride, et de rage écumant,
Calciné par la soif, de sa gueule impuissante

Rugit contre la porte et mord la chair absente :
Tel, rongé d'un dépit qui lui brûle le sein,

Frémit l'ardent Turnus trompé dans son dessein. Comment franchir ces murs qui bravent son atteinte, Ou forcer les Troyens à quitter leur enceinte?

Il voit

que leurs vaisseaux, rangés autour du camp, S'abritent par le mur et le fleuve Toscan; Soudain, à l'incendie appelant son armée, Son bras saisit un pin à la cime enflammée. L'exemple du héros exalte ces guerriers; Tous s'arment de brandons arrachés aux foyers, La flamme et la vapeur sortent de la résine, Et d'un éclat fumeux la plaine s'illumine.

Muses! racontez-moi quel secourable Dieu.
Préserva ces vaisseaux des atteintes du feu;
Dans la nuit des vieux temps ce souvenir sommeille,

Mais l'éternelle histoire en garde la merveille.

Tempore quo primum Phrygia formabat in Ida
Æneas classem, et pelagi petere alta parabat,
Ipsa deum fertur genetrix Berecyntia magnum
Vocibus his affata Jovem : Da, nate, petenti,
Quod tua cara parens domito te poscit Olympo.
Pinea silva mihi, multos dilecta per annos,
Lucus in arce fuit summa, quo sacra ferebant,
Nigranti picea trabibusque obscurus acernis:
Has ego Dardanio juveni, quum classis egeret,
Læta dedi; nunc sollicitam timor anxius urget.
Solve metus, atque hoc precibus sine posse parentem,
Ne cursu quassatæ ullo, neu turbine venti,
Vincantur: prosit nostris in montibus ortas.
Filius huic contra, torquet qui sidera mundi :
O genetrix, quo fata vocas? aut quid petis istis?
Mortaline manu factæ immortale carinæ

Fas habeant? certusque incerta pericula lustret
Æneas? Cui tanta deo permissa potestas?
Immo, ubi defunctæ finem portusque tenebunt
Ausonios, olim
quæcumque evaserit undas,

Dardaniumque ducem Laurentia vexerit arva,

Mortalem eripiam formam, magnique jubebo

Quand Énée, apprêtant sa fuite sur les eaux,
Découronnait l'Ida pour bâtir ses vaisseaux,
On dit qu'avec ferveur Cybèle Bérécynte
Implora Jupiter pour cette forêt sainte :

« Mon fils, que j'ai fait roi de l'éternel séjour,
« Accorde une faveur à mon antique amour:
« Sur un mont qu'ont béni mes fêtes vénérables,
« S'élève un bois profond de sapins et d'érables;
<< Mon cœur aima toujours cette vieille forêt,
« Et naguère, pourtant, j'ai permis sans regret

[ocr errors]

Qu'Énée y promenât le tranchant de sa hache.

« Maintenant un souci m'assiége sans relâche;

« A ta mère affligée épargne ce chagrin :

« Que ces arbres sauvés, par ton bras souverain,

« De la mer et des vents bravent la double insulte,
« Qu'ils soient récompensés d'être nés sous mon culte. »>
Jupiter lui répond : « Qu'exiges-tu de moi,

« Ma mère? du destin veux-tu forcer la loi ?
<< Quoi! tenter sans péril des chances incertaines!

« Quoi! le destin céleste à des choses humaines?

« Quel dieu, si grand qu'il soit, peut commander au sort?

Écoute cependant: Lorsque, atteignant le port,

« PrécédentContinuer »