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exécutives locales peut être réclamé par voie diplomatique. Pas même l'autorité judiciaire d'un État étranger ne saurait anéantir le droit et le devoir neutres reconnus être de validité internationale, ni, non plus, la souveraineté territoriale, surtout dans l'espèce, qui présuppose la partialité des considérants de la dite autorité. Il n'y a pas même le changement éventuel, avant la réclamation, de la prise illégale en navire de guerre du belligérant coupable, qui puisse y mettre obstacle; car la réclamation se fonde ici sur un droit réel de la neutralité, tandis que le prétendu droit de guerre était fictif. Certes, dans ce cas, la restitution n'a pas besoin d'être effectuée dans le même objet : elle peut se faire par un équivalent. L'essentiel est le fidèle maintien du principe qu'aucune prétendue exterritorialité d'un navire de guerre ne peut couvrir une violation de la neutralité.

L'histoire des guerres maritimes fourmille d'exemples que toute capture faite sur un territoire neutre, continental ou maritime, a été réputée illégitime, et que les objets ont dû être restitués à leurs propriétaires par l'intermédiaire du gouvernement neutre; et ce principe est devenu habituel. Déjà aux XVIe et XVIIe siècles, des jugements de tribunaux anglais ont déclaré libres et ordonné la restitution de navires saisis par des croiseurs étrangers dans les eaux britanniques. Dans les guerres maritimes de la Révolution française, les conseils des prises, tant aux États-Unis qu'en Angleterre, ordonnaient la restitution de navires français capturés par des croiseurs anglais dans les eaux et ports neutres, soit en Amérique soit en Europe, ou bien par des chaloupes expédiées de ces mêmes eaux et ports par des croiseurs qui y étaient ancrés 1.

Quelquefois ces règles ont été établies par des actes conventionnels entre les États, et les législations nationales les ont sanctionnées et ont ordonné leur application. Ainsi, vers la fin du XVIIIe siècle, les États-Unis d'Amérique ont conclu avec plusieurs puissances européennes, l'Angleterre, la France, les Pays-Bas, la Prusse, des traités garantissant la protection des parties contractantes dans les ports neutres contre toute tentative de belligérants d'y faire du butin ou des prises, et imposant aux souverains des territoires respectifs le devoir de reprendre et de restituer à leurs propriétaires, avec dommages-intérêts, les prises faites en violant 1 V. Robinson, t. I, p. 144; t. III, p. 163; t. V, pp. 15, 373 et suiv.

le territoire. Ce n'était qu'après avoir épuisé en vain tous les moyens, que le gouvernement neutre était délié du dit devoir. Des prises faites sur la haute mer mais par des croiseurs armés sur le territoire neutre, étaient censées faites sur ce territoire. Les tribunaux américains appliquent ces principes sans distinction des nations. Selon eux, pas même la vente d'une prise faite par une violation du territoire n'est un obstacle à sa réclamation. Et en général, ils ne semblent pas partager l'opinion, exprimée dans la pratique anglaise, que si le neutre néglige la réparation d'un tort infligé sur son territoire à un belligérant en paix avec lui, ou aux ressortissants de ce même belligérant par un ennemi de celui-ci, et si le neutre ne veut pas intervenir auprès de cet ennemi pour réclamer, la partie lésée perd son droit à la réparation du tort '. Selon la Cour Suprême de Washington et la plupart des auteurs américains, c'est, au contraire, à la fois un devoir juridique et une question d'honneur pour le gouvernement neutre, que de veiller à ce qu'aucun étranger sous sa domination ne souffre à cet égard par suite de quelque négligence des autorités de faire obtenir due satisfaction de la part de tout État ou capteur qui auraient violé la souveraineté territoriale ; et l'on reconnaît aux lésés le droit d'user de moyens coercitifs contre une négligence semblable 2. Cette manière de voir, jointe à la reconnaissance du devoir régulier de restitution selon le principe que nous avons établi ici, est également adoptée par la doctrine contemporaine en Europe 3.

Ces sortes de restitutions, étant d'ordre administratif, ne requièrent point de jugement de tribunal dans les cas non litigieux. Les objets illégitimes de butin ou de prise, qui se trouvent dans les

1 V. Robinson, t. III, p. 162; t. VI, p. 47.

2 V. Kent, pp. 303, 307; Woolsey, § 174; Halleck, p. 530. Le juge américain Story se range à l'avis contraire, celui de la pratique anglaise; et, chose singulière, l'on retrouve même cet avis chez un auteur aussi moderne que Bluntschli. En effet, dans les termes suivants, quelque peu capricieux, Bluntschli refuse au propriétaire d'un navire capturé dans les eaux neutres le droit de réclamer sa propriété : « Il dépendra de l'État neutre d'appuyer ou de ne pas appuyer ces réclamations ». S'il plaît au dit État d'exiger la remise de la prise illégale, de telle sorte que la propriété revient à son propriétaire légitime auquel elle avait été arrachée par une transgression, c'est là, suivant Bluntschli, pour le propriétaire ⚫ une chance heureuse, un hasard favorable » (3 sous § 786). N'est-ce pas comprendre les questions de justice plutôt comme des questions de jeu ?

Cp. Ortolan, pp. 298-300; Phillimore, §§ 350-351; Neumann, p. 140; Twiss, § 232; Calvo, § 180; Fiore, § 1575.

limites du territoire violé, sont repris par les autorités exécutives locales. Ceux qui ont atteint l'étranger, peuvent être réclamés par la légation ou le consulat respectifs auprès du gouvernement du coupable. Dans l'un et l'autre cas, la restitution s'effectue sur une confirmation de l'acte d'après l'instruction faite par l'autorité administrative sur les lieux de la contravention. Au contraire, l'indemnité doit être fixée par un tribunal de ces mêmes lieux. La restitution n'est point empêchée par le passage de l'objet aux mains d'un tiers. Si celui-ci l'a acquis de bonne foi, il s'en tiendra au coupable pour sa propre réparation, en faisant valoir sa prétention contre lui devant l'autorité judiciaire compétente, ou bien auprès de son gouvernement, s'il y a lieu '.

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3. De la différence qui sépare les obligations de l'État neutre visà-vis des motifs d'ordre divers ceux de la nécessité et ceux de l'abus par lesquels la frontière neutre peut être illégalement franchie par un belligérant, suit une différence correspondante entre les droits de la partie adverse dans la guerre. Un belligérant n'est autorisé à poursuivre au delà d'une frontière neutre, soit continentale soit maritime, ni un ennemi culbuté par lui à travers la dite frontière et objet légalement présumé de désarmement et d'internement imminents, ni, non plus, un ennemi qui, bien que coupable d'avoir dépassé la frontière sans nécessité urgente, est immédiatement ou sans délai repoussé par l'État territorial. Comme la poursuite sur les territoires ou eaux neutres ferait de ceux-ci une partie du théâtre de la guerre, elle n'est autorisée que lorsque l'entrée des fuyards ou des envahisseurs y est tolérée par l'État souverain, avec une négligence évidente du devoir, que lui impose ce paragraphe, d'empêcher l'abus du territoire dans un but belliqueux. C'est ce que reconnaissent généralement la doctrine et la pratique modernes, en distinguant avec justesse l'entrée qui ne fait que violer la neutralité, d'avec celle qui la rompt par une complicité du souverain du territoire. De même, si par un abus de

1 Surtout relevé par les jurisconsultes américains. Découle logiquement du principe de droit privé, qui exige la restitution de toute propriété illégalement prise, bien que non sans dédommagement à payer par le coupable au possesseur innocent.

2 Cp. Vattel, § 133; G.-F. de Martens; Klüber, § 284; Saalfeld, p. 283; Wheaton, § 10; Phillimore, § 457; Bluntschli, § 787; Robinson, t. V, p. 15. — Il est donc injuste d'excuser la poursuite d'un corps ennemi sur le territoire d'un neutre qui aurait fourni ce mème corps à titre d'auxiliaires, parce que lorsque la neutralité est incomplète, on

l'asile, les belligérants ont combattu sur des territoires ou eaux neutres, aucun d'eux n'est autorisé à réclamer quelque réparation, auprès du gouvernement territorial, d'un prétendu manque de protection, si ce gouvernement avait fait ce qui dépendait de lui pour réprimer le désordre, ou bien que le belligérant réclamant avait lui-même pris part à celui-ci, ou y avait contribué.

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Les ports et rades neutres sont fermés aux navires de guerre des belligérants, hors les cas de détresse par suite de tempête, sinistre, péril, défaite, manque d'eau, de charbon ou de vivres, ou besoin de réparations (§ 87).

Relâche n'est pas accordée au delà du but de délivrance. Refuge contre péril de mer n'est donné que tant que dure le danger. Eau, charbon et vivres ne sont fournis que dans la quantité nécessaire pour atteindre le port national le plus proche. Réparation n'est permise que pour simple navigabilité. Et, ces mesures de sauvetage accomplies, le navire doit immédiatement quitter le port et les eaux neutres.

L'autorité du port établira un intervalle suffisant entre les sorties de deux navires dont l'un pourrait être présumé vouloir poursuivre l'autre, et celui-ci partira le premier.

a le droit de ne la respecter qu'incomplètement (v. Bluntschli, § 791; Klüber, § 285; Saalfeld, p. 282). Il n'existe pas de neutralité incomplète (cp. suprà, § 21). La neutralité d'un État qui a fourni des auxiliaires étant rompue, la poursuite chez lui se fait chez un ennemi. Mais en fùt-il autrement, et cet État fùt-il réputé neutre, la violation de sa neutralité ne saurait être justifiée par la rupture antécédente. Ce serait là corriger une transgression par une autre transgression.

Il appartient à tout État souverain de décider lui-même dans quelle mesure il veut permettre aux étrangers l'usage de ses ports et rades, comme de ses eaux territoriales en général; et ce droit de décision est indépendant du but et de la nature de l'emploi. Juridiquement, un navire de guerre ne peut pas exiger plus d'hospitalité pour ses visites d'exercice, qu'un navire de commerce pour son trafic, un pleasure-yacht pour ses excursions. La seule priorité juridique des navires de guerre consiste dans leur exterritorialité, l'accès une fois admis. Mais quant à l'accès lui-même, ils n'y ont pas plus de droit que d'autres navires; et ils sont soumis, autant que ceux-ci, au devoir d'obéir à l'ordre prescrit par le souverain et les autorités des lieux.

Un état de guerre n'apporte en général à l'application de cette règle pas d'autres modifications que celles qui découlent des devoirs d'un État neutre, particulièrement de son devoir de faire valoir son inviolabilité territoriale contre les abus éventuels de l'hospitalité commis par les belligérants en vue de renforts ou d'autres buts de guerre, et de protéger contre toute hostilité tant les belligérants eux-mêmes que d'autres étrangers admis soit à l'asile soit à l'accès simple, l'expérience ayant démontré combien la présence de navires de guerre des belligérants en port neutre peut devenir dangereuse à ces deux égards. Mais, à ces restrictions apportées par le devoir, pour garantir la neutralité de l'État et les droits de chacun, le souverain du territoire est naturellement libre d'ajouter les ordonnances qu'il lui plaît et qu'il trouve convenables, pour sauvegarder l'ordre chez lui, en considérant, par exemple, sa situation géographique, les circonstances spécialement difficiles, des intérêts particuliers etc., bien entendu sans favoriser ou défavoriser l'une des parties belligérantes comme telle plus que l'autre. Du reste, le souverain du territoire n'est en aucune façon tenu d'accorder aux belligérants les mêmes droits dans ses ports qu'aux autres États, si cela ne rentre pas dans ses convenances, pas même à leur commerce les mêmes avantages que ceux qui y sont concédés au commerce en général. Et, il peut faire entre le traitement de leurs navires de guerre et celui de leurs navires de commerce toute distinction qu'il trouve de son intérêt, sans même rendre compte de ses motifs; bien qu'il soit évident, qu'il y va de son propre intérêt, non moins que de l'intérêt universel, de ne point faire des distinc

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