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que la responsabilité de ces voyages divisés en parties ait été étendue à la première d'elles parce que les tribunaux de l'Union ont préféré, durant toute cette guerre, de suivre les anciennes traditions plus dures en matière de neutralité et surtout de blocus, plutôt que les principes plus modernes et strictement juridiques proclamés par leur gouvernement. Les plus grandes autorités de la science du droit international dans l'Amérique du Nord, Woolsey et Field, en condamnant le système tout entier qui poursuit les partances et les destinations (v. suprà, p. 631, n. 4), ont naturellement, par cela même, aussi condamné les attaques contre celles d'entre elles qui passent par des mains ou des stations intermédiaires. Ce qui n'a pas empêché quelques auteurs anglais de se servir des précédents de la guerre de 1861-1865 comme d'un prétexte pour maintenir l'application au droit de blocus de la théorie du continuous voyage, comme une conséquence et un appui de leur principe de poursuivre comme coupables l'intention et le départ 1.

Les publicistes modernes réprouvent encore cette manière spéciale d'étendre la notion de la violation à des actes qui ne sont pas entrés dans la phase de l'exécution. Si un blocus n'est pas violé déjà par un départ, un but, une destination, etc., il ne l'est par ces causes ni quand le trajet se fait d'un seul trait, ni quand il est divisé en parties 2.

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Un navire pris en flagrant délit de violation de blocus peut être saisi par la force bloquante et traduit devant le tribunal de prises pour être puni selon le paragraphe suivant.

Aucun acte n'est réprimable en dehors de la place et du moment du fait délictueux.

La propriété neutre sur navire neutre, expédiée d'un port neutre à un autre port neu>tre, ne peut être ni confisquée ni saisie par un belligérant sur le soupçon que le char⚫gement, après avoir été débarqué dans le port neutre, pourrait être rechargé à bord ⚫ de quelque autre bâtiment et transporté vers un port ennemi en état de blocus, (Rev. de dr. int., t. XIV, p. 330.)

1 V. Creasy, §§ 615-616; Manning (comment.), p. 412. Il est vrai que même les Anglais reconnaissent, que la théorie du voyage continu ne saurait être appliquée aux blocus maritimes jusqu'au point d'attaquer un voyage avec des stations intermédiaires qui ne finirait pas par un passage à travers la chaine de blocus et qui ne chercherait pas le port du côté de la mer. Cela résulte déjà de la règle générale qu'un blocus purement maritime, ne fermant que son propre passage, ne peut pas empêcher les voyages qui prennent la voie de terre (v. suprà, § 127, 3, p. 566).

2 V. Bluntschli, 1. c.; Gessner, pp. 430-433; Ferguson, 1. c.

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Un navire ne peut être saisi à moins d'être pris pendant son entrée même au port bloqué, ou dans le port, ou bien à son retour de celui-ci avant d'avoir atteint, soit un port ou une eau neutres, soit sans être poursuivi — la haute mer ou le port non bloqué d'un belligérant. Toutefois, une poursuite commencée sur les lieux du blocus peut être continuée dans la haute mer et dans les eaux des belligérants, si elle est une et non interrompue.

Les opinions sur les formes, les temps et les lieux de la répression des violations de blocus, intimement liées aux opinions sur la culpabilité, ont varié avec elles.

Autrefois, lorsque le système des blocus fictifs fit naître l'idée que la violation n'était pas attachée à la place du blocus et à l'occasion du fait, mais commençait déjà par la destination aux lieux bloqués, la responsabilité et la répression furent, d'une manière correspondante, étendues en deça et au delà de la place et du moment.

L'ordonnance néerlandaise précitée de 1630 (v. suprà, p. 633), qui surtout contribua à répandre l'usage de dater la violation dès le départ, prescrivait en conséquence qu'elle pouvait être réprimée avant son fait et après. Un navire, supposé vouloir forcer un blocus, du lieu duquel il était encore éloigné, ou bien qui, à en juger par les papiers de bord, était censé avoir pour but une place bloquée, pouvait être saisi partout dans le voyage, à une distance quelconque de l'opération; et un navire qui avait visité une place bloquée, pouvait être arrêté n'importe où durant son retour, tant que c'était le même voyage. Et, bien qu'il ne pût, en retournant, être poursuivi jusque dans un port neutre où il se serait réfugié, rien n'empêchait le croiseur poursuivant de l'attendre à la sortie de là pour le saisir, soit aussitôt, soit ailleurs au retour. Toutefois, à mesure que la Hollande approcha de son indépendance reconnue, ces dures prescriptions furent modifiées. Une instruction de marine de 1845 interdit aux commandants d'escadre d'arrêter des navires neutres pour violation de blocus, en dehors de la place et du moment de l'acte '.

1 Bynkershoek essaie de justifier toutes ces deux lois opposées, d'abord celle de 1630 et ensuite celle de 1645 (cap. XI). Quand il prend parti pour celle-là, la plus dure, il veut même en faire prévaloir l'interprétation la plus dure possible, de sorte que pas même le refuge dans un port de la patrie du navire ne mettrait fin à la poursuite. Ce port pouvait, dans un cas pareil, être considéré comme un lieu de relâche. Cette aggravation de la règle de 1630 fut plus tard reprise en Angleterre par le juge sir Will. Scott.

La règle inaugurée en 1630, qui augmentait ainsi outre mesure la répression, fut bientôt abandonnée par les puissances excepté l'Angleterre. Des tribunaux et des publicistes anglais ont persisté – conformément à l'ancien système d'étendre la culpabilité aux deux côtés de l'occasion et du fait, à l'intention et à la destination du voyage avant (v. suprà, pp. 631-632) et à sa continuation après, à faire valoir qu'une violation de blocus peut être poursuivie non seulement sur la place et au moment de l'acte, mais avant et après, durant tout le voyage du navire, quand même l'action ne serait pas encore consommée ou qu'elle serait déjà passée. Un navire, censé vouloir forcer un blocus, ou qui l'a depuis longtemps forcé, se trouve par cela in delicto durant tout le cours du même voyage. Il peut donc être pris, non seulement dès son départ pour les lieux bloqués et partout en chemin (droit de prévention), mais encore en revenant de ces lieux, à cause soit de l'entrée soit de la sortie, tant qu'il n'a pas encore atteint la fin définitive de son tour, et cela, lors même que l'infraction n'a pas été empêchée sur les lieux mais qu'elle a été tolérée par négligence, et qu'aucune poursuite n'a été faite immédiatement après l'action (droit de suite). Et, bien que le navire ne puisse, durant tout ce temps, être saisi dans un port ou une eau neutres, son entrée dans leurs limites n'exclut pas la poursuite ultérieure; celle-ci se fait même indépendamment des motifs du refuge dans les dites limites, n'importe que ce refuge ait eu lieu pour éviter la saisie ou par quelque autre raison: pas même un cas de détresse n'y fait exception'. A la sortie, il peut être chassé et pris, malgré tous les arrêts en ports neutres, et même s'il n'a pas été poursuivi avant. La fin du voyage peut seule y mettre un terme.

1 En 1805, sir Will. Scott condamna un navire américain qui, sans avoir été molesté à l'occasion de la violation du blocus, fut pris longtemps après, dans un port britannique où il s'était réfugié pour cause de détresse (Robinson, t. VI, pp. 61-62).

2 lb., t. I, p. 86; t. II, pp. 411, 128, 130; t. VI, pp. 61, 382, 387. Les tribunaux anglais ont donc été, encore ici, plus durs que la loi de 1630 et l'avis de Bynkershoek, sur lesquels ils se sont fondés et qu'ils ont invoqués; en effet, selon les dites autorités hollandaises la poursuite d'un navire sorti d'un port neutre n'était permise qu'à la condition d'être la continuation d'une poursuite déjà engagée. — Quant aux publicistes anglais qui ont voulu maintenir ce système d'aggravation de la répression (Manning, p. 110; Wildman, pp. 208-209; Twiss, § 114; Creasy, § 619; Hall, § 263), ils ne font guere que se rendre l'écho des tribunaux. Quand ils veulent faire croire que sur ce point la doctrine américaine se soit rangée de leur côté, cette prétention n'est fondée qu'en tant que le principe d'une responsabilité des violations de blocus, étendue à tout le cours du voyage, fut appliqué par les tribunaux américains pendant l'acharnement de la guerre de Sécession qui ranima les duretés héritées, et que ce procédé a trouvé un appui

C'est à juste titre que bon nombre de publicistes modernes condamnent sévèrement encore cette dernière manière d'augmenter indûment la répression. Leurs raisons sont pour la plupart les mêmes que celles alléguées plus haut contre l'extension de la culpabilité elle-même au delà de l'acte et de son moment (v. suprà, pp. 629-631), à savoir principalement : que l'état juridique du blocus est essentiellement local; que sa compétence ne peut pas être étendue au delà de cet état, à d'autres occasions et à d'autres places; qu'une poursuite qui précéderait l'acte, fondée sur la présomption toujours incertaine d'intentions ou de destinations, tomberait dans l'arbitraire, et que celle qui succéderait, notamment au refuge du navire coupable dans un port neutre, prolongerait le droit de la guerre au delà de ses limites et menacerait la sécurité générale.

Aussi ces publicistes s'accordent-ils à reconnaître que, de même qu'un blocus ne peut être violé que sur ses lieux et qu'il ne peut pas l'être par le voyage, de même la violation ne peut être poursuivie qu'en flagrant délit, ni avant ni après. Avant, aucune mesure quelconque ne peut légalement être prise contre le navire suspect; et après, aucune mesure ne peut être prise autre que celles qui sont motivées par des circonstances et qui sont censées propres à prolonger la phase du fait, à savoir les saisies soit dans le port même, soit sur la place à la sortie de là, soit enfin sur la haute mer et dans les eaux des belligérants à la seule condition que la poursuite ait commencé au moment du fait et sur la place, et que sa continuation aux dits lieux n'ait pas été interrompue mais puisse être considérée comme une simple suite de l'action dirigée contre le délit pris sur le fait. Au contraire, un navire déjà échappé, dont l'action interdite n'a pas été empêchée ni attaquée sur la place du blocus, et qui n'a pas non plus été poursuivi immédiatement, ne peut pas être attaqué après coup et ailleurs, fût-ce pendant le même voyage. Et, une fois dans les ports ou les eaux neutres, il est pour toujours

chez quelques auteurs aux États-Unis (Wheaton, pp. 184-185; Woolsey, § 205; Field, 7 sous § 892). Dans le seul cas où un blocus serait levé dans l'intervalle entre l'infraction et le retour définitif du navire, même l'ancien systeme anglais est d'accord pour exclure toute poursuite ultérieure du chef des violations simplement visées ou déjà passées. Dans ce cas, on ne saurait faire des saisies en se fondant sur des buts ou sur des voyages continus: seulement les saisies déjà faites peuvent être maintenues (Robinson, t. VI, pp. 362, 378, 387). A cet égard, a été réputé « blocus levé le cas encore où le passage par la ligne aurait été toléré, soit expressément soit tacitement (ib., t. III, pp. 155-158; t. VI, p. 61).

hors de portée de toute poursuite, indépendamment de la fin du voyage'.

§ 139 Peines

Une violation de blocus est punie par la confiscation du navire contrevenant.

L'usage fait confisquer aussi la cargaison, si son propriétaire possède le navire ou a été complice du fait.

Aucune peine ne peut être infligée à l'équipage.

Lorsque jadis le blocus n'était pas bien distinct du siège et qu'en conséquence son principe était plutôt rattaché au droit de la guerre qu'à celui de la neutralité, ses transgresseurs étaient traités en ennemis, passibles de peines personnelles et non conversibles.

Non seulement on confisquait le navire et la cargaison sans distinction du propriétaire, mais encore on tuait ou faisait prisonnier l'équipage. Cette extrême pénalité paraît avoir prédominé dans l'antiquité, le moyen âge, et longtemps pendant l'époque moderne. Avant celle-ci, on rencontre la peine de la pendaison pour violation de blocus, tant sur terre que sur mer. Des peines semblables sont même insérées dans plusieurs traités, conclus notamment par les Pays-Bas avec d'autres puissances à l'époque où cet État réglait les blocus par l'ordonnance de 1630 et d'autres lois d'après l'ancien et dur système. De nombreux auteurs, jusque dans le XIXe siècle, semblent vouloir légitimer ou excuser les peines personnelles, quelquesuns d'entre eux même la peine de mort, d'autres l'emprisonnement ou la captivité, du moins dans des cas de circonstances aggravantes. Ces circonstances étaient ordinairement de la nature subjective, ainsi que l'exprime par exemple le motif souvent allégué: « si la >> cause de l'ennemi est manifestement injuste ». La raison alléguée pour infliger des peines à l'équipage est, chez ces anciens auteurs, fréquemment celle-ci : « Celui qui aide mon ennemi est mon ennemi » et doit être traité comme tel ». Ils oublient, que le traitement en ennemi n'est pas une peine, dans le sens juridique du terme.

Notre époque ne reconnaît plus aucune juridiction criminelle

1 V. surtout Heffter, § 156; Hautefeuille, t. III, p. 154; Cauchy, t. II, p. 214; Calvo, § 1181; Gessner, pp. 228-230, 244. Aussi Bluntschli, § 836.

2 Grotius, cap. I, § V, 3; Bynkershoek, cap. XI; Vattel, § 117; G.-F. de Martens, §§ 314, 320; Saalfeld, § 137.

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