Au lieu de la sphere armillaire Que la colonne éleve aux cieux, Plaçons l'image auguste et chere D'un monarque victorieux, Et que ce phare lumineux Au-dessus du rang ordinaire Des monuments de nos aïeux, Sur le bronze et l'or, à nos yeux Présente l'astre tutélaire De tant de triomphes fameux. Et tandis que ce noble hommage, Trophée unique en nos climats, Et digne du goût de notre âge, Peindra les héros des combats, Qu'ailleurs une place immortelle S'éleve au héros de la paix, Monument brillant et fidele
De l'amour, du respect, du zele, Et des talents de ses sujets; Les ministres de Calliope
Y graveront le nom sacré
D'un monarque, heureux, adoré, Et le bienfaiteur de l'Europe.
Tour est égal après les dieux. Le même jour, la même argile, Nous donna les mêmes aïeux; Et malgré ces tributs honteux D'une dépendance servile, Que l'opinion imbécille Paie à des titres fastueux, Exempte d'un culte hypocrite, La raison ne connoît de rangs Que ceux que donne le mérite, Et de titres que les talents. Sur la liste qu'elle a des hommes Peu de noms se trouvent écrits. Trop souvent les riches lambris N'enferment que de vains fantômes, Le vil objet de ses mépris; Tandis que sous un toit vulgaire, Loin de l'insolence et des grands,
Aux pieds d'un mortel solitaire Elle va porter son encens.
Toi, qu'elle suit et qu'elle éclaire, Toi, qui ne t'es jamais prêté Aux bassesses de l'imposture; Toi, dont l'inflexible droiture N'a jamais encore écouté Que les regles de la nature Et que l'austere vérité; Viens, ami, fuyons les idoles Que fabriqua la vanité:
Convaincus de l'égalité,
Vengeons contre des dieux frivoles
L'injure de l'humanité;
Et, libres d'un hommage infame, Loin de la foule relégués,
Ne distinguons que ceux que l'ame Et les talents ont distingués.
Quels sont donc aux yeux
Les talents, ce céleste don? Tout en usurpe les hommages, Et tout en profane le nom. Appartient-il ce nom sublime A tous ces arts laborieux Nés du luxe qui les anime, Et du besoin industrieux? Ainsi donc confondus sans cesse, Le hasard, l'instinct et l'adresse,
Sous ce nom viendroient se placer Au même degré de noblesse Que la dignité de penser. Parmi l'aveugle multitude, Et chez le vulgaire des grands, L'industrie et la docte étude
N'ont point de grades différents: Les plus nobles fruits de nos veilles N'y trouvent pas d'autre destin Que les mécaniques merveilles Ou de la voix ou de la main, Et dans cette estime stupide On voit ensemble confondus Horace avec Tigellius,
Et Praxitele et Thucydide, Et Cicéron et Roscius. Mais la fiere philosophie, Instruite sans prévention Que souvent le même génie Est une aigle chez l'industrie, Un insecte chez la raison,
Ne souffre point qu'un même nom Honore sans distinction
Ce qui végete et ce qui pense, Ni qu'on associe à ses yeux La matiere et l'intelligence, Les automates et les dieux.
Fidele aux lois qu'elle m'inspire, Je n'appelle ici les talents Que l'art de penser et d'écrire, L'art de peindre les sentiments, Et que les dons de ce génie Qui fait dans des genres divers Les oracles de la patrie
Et les maîtres de l'univers.
Qu'on ne pense point qu'idolâtre Des lyriques divinités,
Je n'aille offrir que leur théâtre, Ou que leurs antres écartés.
Tous les esprits ont mon hommage; J'adore Homere et Cicéron, Démosthene, Euclide, et Platon; Et, pour embellir la raison, Si du poétique rivage Aujourd'hui j'emprunte le ton, Qu'au hasard et sans esclavage La rime s'offre à mon pinceau, Je m'arrête au vrai de l'image Et non au cadre du tableau. Loin du palais où l'opulence Attire un peuple adulateur, Loin de l'autel où l'on encense Le fantôme de la grandeur, Dans une heureuse solitude
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