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Contents! Hélas! ils n'ont point vu.....
O Dieu! si de mon immortelle
Un regard leur étoit connu,
Verroient-ils un bonheur loin d'elle?

Mais vous, que nos déserts épais, Nos tombeaux, notre nuit profonde, N'entourent point de leurs cyprès, Vous, heureux habitants du monde, Qui vivez, qui voyez ses traits,

Pouvez-vous la quitter jamais?
Pour elle votre ame ravie
N'a-t-elle pas trop peu de temps
De tout l'espace de vos ans?
Je voudrois de toute ma vie
Acheter un de vos instants!

Contraint de dévorer mes peines
Parmi le silence et l'effroi

De ces retraites souterraines,

Toujours seul, toujours avec moi,
Exclus de l'asile ordinaire

Que la nature ouvre au malheur,
Je suis privé, dans ma misere,
De la consolante douceur

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De pouvoir répandre mon cœur
Dans l'ame sensible et sincere
D'un fidele dépositaire

De mon éternelle douleur.

Rien n'offre en ce monde sauvage
Ni soulagement ni pitié;
Et, pour en achever l'image,
On n'y connoît point l'amitié.
Si quelquefois moins égarée
La raison me luit un instant,
Et me dit qu'un travail constant
Trompera l'immense durée
Du temps qui fuit si lentement
Pour une ame désespérée ;
Plus forte que tous mes projets,
Bientôt une image adorée

Se fait voir dans tous les objets

ciseau

De mes crayons, de mon
Elle est le guide et le modele;
Sur le tour un essai nouveau
Chaque jour lui promet mon zele.

Si je cultive, dès l'aurore,

Ces jasmins, ces myrtes, ces fleurs, C'est pour offrir l'encens de Flore Et les plus brillantes couleurs

>

A l'immortelle que j'adore.

Quand cette vigne dont mes mains
Guident la seve vagabonde
Répond au soin qui la féconde
Et se couronne de raisins:

<«< Croissez, leur dis-je avec tendresse,
Fruits heureux, embellissez-vous;
Que sur vous l'automne s'empresse
Et vous livre au sort le plus doux!
Défendus par ma vigilance
De mille insectes renaissants,
Garantis de la violence

Et du sagittaire et des vents,
Dans votre fraîcheur la plus pure
Au sein des hivers dévorants,
Vous irez porter mon encens
Et l'hommage de la nature
A la déesse du printemps, »

Ces dons de l'amour et des arts,
Présentés sous le nom du zele,
Seront offerts à ses regards.

Dieux! ils seront touchés par elle!

Avant que de m'en détacher,

Que des pleurs, des baisers de flamme, Fassent

passer toute mon ame

Dans ces dons qu'elle doit toucher!

ODE PREMIERE.

AU ROI,

SUR LA GUERRE.

1733.

AINST les héros de Solime
Respectoient le sang des humains;
Ainsi, pour désarmer le crime,
Ils n'armoient qu'à regret leurs mains:
A l'ombre des sacrés portiques,
Rois citoyens, rois pacifiques,
Ils fuyoient les champs du trépas;
L'ordre exprès du Dieu des batailles
A de sanglantes funérailles
Pouvoit seul conduire leurs pas.

Toujours l'ange de la victoire

Précédoit leurs fiers bataillons,
Toujours les ailes de la gloire
Reposoient sur leurs pavillons:

Tels sont les exploits et les fêtes
Que l'aurore de tes conquêtes,
Grand roi, présage en tes beaux jours;
Des princes l'honneur de son temple
Le ciel te voit suivre l'exemple,

Il te doit les mêmes secours.

Combattre et vaincre sans justice,
De tous les rois être ennemi,
C'est être héros par caprice,

C'est n'être héros qu'à demi:

Loin de nous ces vainqueurs bizarres
Qui, de leurs sujets, rois barbares,
Méprisent les cris douloureux!
Loin cette gloire trop funebre
Qui, pour les jeux d'un fou célebre,
Fait un peuple de malheureux!

La France, exempte de ces craintes,
Souscrit aux vœux de ta vertu;
Ses palmes ne seront point teintes
D'un sang à regret répandu:
Instruite que tu dois tes armes
Au sort du monde, à ses alarmes,
Aux égards d'un auguste amour,
Sa fidélité s'intéresse

A cette héroïque tendresse

Qui forge ton glaive en ce jour.

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