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Sur leurs chars, en chiffres durables,
Ils gravent les noms mémorables
De Stolhoffen et de Denain;
Déja, par un nouveau prodige,
Ils ferment les bords de l'Adige
Aux secours tardifs du Germain.

Amants des vers, ô que de fêtes
Vous promettent ces jours heureux!
De nos renaissantes conquêtes
Renaîtront nos sons généreux:
Reprenons ces nobles guitares
Que touchoient nos derniers Pindares
Pour le héros de l'univers;
Fleurissez, guirlandes arides:
Toujours les siecles des Alcides
Furent les siecles des beaux vers.

Grand roi, sur ce brillant modele
Dissipe le sommeil des arts:
Ranime leur burin fidele;

Par lui revivent les Césars.
Connoît-on ces rois insensibles
Dont les trônes inaccessibles
Furent fermés aux doctes voix?
Ils n'avoient point fait de Virgiles;
La mort plongea leurs noms stériles
Dans la populace des rois.

Fais naître de nouveaux Orphées;
C'est le sort des héros parfaits:
Ils assureront tes trophées

En éternisant tes bienfaits.
De tes victoires personnelles
Puissent leurs lyres immortelles
Entretenir les nations,

Dès que dans nos vertes prairies
Zéphyr sur ses ailes fleuries
Ramenera les alcyons!

Alors les Muses unanimes
Chanteront de nouveaux Condés:
Déja par leurs faits magnanimes
Les tiens ont été secondés;
Les Graces briguent l'avantage
De chanter seules le courage
Du jeune héros * de leur cour;
Le Rhin l'eût pris, à son audace,
Pour le conquérant de la Thrace,
S'il n'avoit les yeux de l'Amour.

*S. A. S. monseigneur le prince de Condé.

II.

SUR L'AMOUR DE LA PATRIE.

DANS cet asile solitaire

Suis-moi, viens charmer ma langueur,
Muse, unique dépositaire

Des ennuis secrets de mon cœur.

Aux ris, aux jeux, quand tout conspire,
Pardonne si je prends ta lyre
Pour n'exprimer que des regrets:
Plus sensible que Philomele,
Je viens soupirer avec elle
Dans le silence des forêts.

En vain sur cette aimable rive
La jeune Flore est de retour;
En vain Cérès, long-temps captive,
Ouvre son sein au dieu du jour :
Dans ma lente mélancolie,
Ce Tempé, cette autre Idalie
N'a pour moi rien de gracieux;

L'amour d'une chere patrie

Rappelle mon ame attendrie

Sur des bords plus beaux à mes yeux.

Loin du séjour que je regrette
J'ai déja vu quatre printemps;
Une inquiétude secrette

En a marqué tous les instants;
De cette demeure chérie
Une importune rêverie

Me retrace l'éloignement.
Faut-il qu'un souvenir que j'aime,
Loin d'adoucir ma peine extrême,
En aigrisse le sentiment?

Mais que dis-je? forçant l'obstacle
Qui me sépare de ces lieux,
Mon esprit se donne un spectacle
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferois-je une peine?
La douce erreur qui me ramene
Vers les objets de mes soupirs
Est le seul plaisir qui me reste
Dans la privation funeste

D'un bien qui manque à mes desirs.

Soit instinct, soit reconnoissance, L'homme, par un penchant secret,

Chérit le lieu de sa naissance,

Et ne le quitte qu'à regret ;
Les cavernes hyperborées,
Les plus odieuses contrées
Savent plaire à leurs habitants;
Sur nos délicieux rivages
Transplantez ces peuples sauvages,
Vous les y verrez moins contents.

Sans ce penchant qui nous domine
Par un invisible ressort,

Le laboureur en sa chaumine
Vivroit-il content de son sort?
Hélas! au foyer de ses peres,
Triste héritier de leurs miseres,
Que pourroit-il trouver d'attraits,
Si la naissance et l'habitude
Ne lui rendoient sa solitude
Plus charmante que les palais?

Souvent la fortune, un caprice,
Ou l'amour de la nouveauté,
Entraîne au loin notre avarice
Ou notre curiosité;

Mais sous quelque beau ciel qu'on erre,

Il est toujours une autre terre

D'où le ciel nous paroît plus beau :

Loin que sa tendresse varie,

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