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Et qui, dans sa décrépitude,
Dégoisoit psaumes et leçons
Sans y faire tant de façons.
Prenant donc son parti sans peine,
Il annonce le premier mois,
Et recommande par trois fois
A son assistance chrétienne
De ne point finir la semaine
Sans chommer la fête des rois.
Ces premiers points étoient faciles;
Il ne trouva de l'embarras

Qu'en pensant qu'il ne sauroit pas
Ой ranger les fêtes mobiles.
Qu'y faire enfin? Peu scrupuleux,
Il décida, ne pouvant mieux,
Que ces fêtes, comme ignorées,
Ne seroient chez lui célébrées
Que quand, au retour du zéphyr,
Lui-même il auroit pu venir
Prendre langue dans nos contrées.
Il crut cet avis selon Dieu :
Ce fut celui de son vicaire,
De Javotte sa ménagere,
Et de son magister Mathieu,
La plus forte tête du lieu.

Ceci posé, janvier se passe;
Plus agile encor dans son cours,
Février fuit, mars le remplace,

Et l'aquilon régnoit toujours:
Du printemps avec patience
Attendant le prochain retour,
Et sur l'annuelle abstinence
Prétendant cause d'ignorance,
Ou, bonnement et sans détour,
Par faute de réminiscence,
Notre vieux curé chaque jour
Se mettoit sur la conscience
Un chapon de sa basse-cour.
Cependant, poursuit la chronique,
Le carême depuis un mois
Sur tout l'univers catholique
Étendoit ses austeres lois :

L'isle seule, grace au bon homme,
A l'abri des statuts de Rome,
Voyoit ses libres habitants

Vivre en gras pendant tout ce temps.
De vrai, ce n'étoit fine chere;
Mais cependant chaque insulaire,
Mi-paysan et mi-bourgeois,

Pouvoit parer son ordinaire

D'un fin lard flanqué de vieux pois.

A l'exemple du presbytere,

Tous, dans cette erreur salutaire,' Soupoient pour nous d'un cœur joyeux, Tandis que nous jeûnions pour eux. Enfin pourtant le froid Borée

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Quitta l'onde plus tempérée.
Voyant qu'il étoit plus que temps
D'instruire nos impénitents,

Le diable, content de lui-même,
Ne retarda plus le printemps:
C'étoit lui qui, par stratagême,
Leur rendant contraire tout vent,
Avoit voulu, chemin faisant,

Leur escamoter un carême,

Pour se divertir en passant.
Le calme rétabli sur l'onde,
Mon curé, selon son serment,
Pour voir comment alloit le monde,
S'embarque sans retardement,
S'étant bien lesté la bedaine

De quatre tranches de jambon:
Fait digne de réflexion;

Car de la sainte quarantaine
Déja la cinquieme semaine

Venoit de commencer son cours.
Il vient; il trouve avec surprise
Que dans l'empire de l'église
Pâque revenoit dans dix jours:
« Dieu soit loué! prenons courage,
<< Dit-il enfonçant son castor;
« Grace au Seigneur notre voyage
<< Se trouve fait à temps encor
<< Pour pouvoir, dans mon hermitage,

« Fêter Pâque selon l'ușage ».
Content il rentre sur son bord,
Après avoir fait ses emplettes
Et d'almanachs et de lunettes.
Il part, il arrive à bon port
Dans ses solitaires retraites.
Le lendemain, jour des rameaux,
Prônant avec un zele extrême,
Il notifie à ses vassaux

La date de notre carême:

<< Mais, poursuit-il, j'ai mon systême, << Mes freres, nous n'y perdrons rien, << Et nous le rattraperons bien: « D'abord, avant notre abstinence, << Pour garder l'usage ancien, « Et bien remplir toute observance, « Le mardi-gras sera mardi; · « Le jour des cendres, mercredi; << Suivront trois jours de pénitence, « Dans toute l'isle on jeûnera; << Et dimanche, unis à l'église, << Sans plus craindre aucune méprise, « Nous chanterons l'Alleluia. »

LE LUTRIN VIVANT.

A M. L'ABBÉ DE SEGONZAC.

DE
De mes écrits aimable confident,

Cher SEGONZAC, ma muse solitaire,

De ses ennuis brisant la chaîne austere,
Vient près de toi retrouver l'enjoûment.

Je m'en souviens, lorsqu'un sort plus charmant
Nous unissoit sur les rives de Loire,

Aux champs heureux dont Tours est l'ornement, Lieux toujours chers au dieu de l'agrément,

Je te promis qu'au temple de mémoire

Je placerois le pupitre vivant,

Dont je t'appris la naissance et la gloire.
Je l'ai promis; je remplis mon serment.
A dire vrai, cette moderne histoire
Est un peu folle, il en faut convenir.
Est-ce un défaut? non, si c'est un plaisir.
Dans les langueurs de la mélancolie,
Quoi! la sagesse est-elle de saison?
Un trait comique, une vive saillie,
Marqués au coin de l'aimable folie,
Consolent mieux qu'une froide oraison

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