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DE

LA PREMIÈRE ÉDITION.

J'AIME

'AIME, mieux me tromper avec Platon, dit Cicéron, que de penser juste avec certains philosophes. Quel est donc cet homme dont les erreurs valent mieux que des vérités ?

Les anciennes traductions l'ont-elles fait connaître aux lecteurs de ce siècle? On cite à peine quelques traits de la République, l'Apologie, les derniers discours de Socrate; et Platon est une divinité voiléo pour un grand nombre de ceux qui l'appellent encore le divin Platon.

C'est qu'il ne fallait pas le traduire tout entier. Dans ses longs entretiens, la raison humaine paraît souvent incertaine et chancelante; elle a marché d'un pas plus ferme depuis ce dieu de l'ancienne philosophie. On a perfectionné plusieurs de ses preuves, mieux établi ses principes, analysé ses ouvrages. De belles pensées, que tant d'autres ont prises, n'étonnent plus; de grandes images nous sont devenues familières ; l'argumentation Socratique, si admirable et si simple, est trop lente pour notre impatience; le dirai-je ?

cette naïveté même du dialogue, qui avait tant d'attraits pour ces peuples, mais qui s'accorde si mal avec nos usages, est peut-être ce qu'on a le moins goûté parmi nous.

J'ai donc essayé de choisir ; j'ai voulu traduire ce qui fait de Platon un homme de génie, comme théologien, moraliste, législateur; ces mystérieuses pages, qui ressemblent aux feuilles des oracles, et que Saint-Justin croyait inspirées. Platon, inégal, hardi, sans autre règle qu'une imagination sublime, gagne à être lu par extraits; Aristote, logicien grave et froid, chez qui tout s'enchaîne et se tient, a besoin d'être étudié de suite pour être compris. Nous n'avons presque rien détaché des dialogues contre les sophistes, où les raisonnemens, très-souvent sophistiques, forment un tissu plus brillant que solide, mais qu'il faut respecter.

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Il était indispensable d'éviter aussi cette monotonie des demandes et des réponses. Qu'on ne juge pas de tous les dialogues de Platon par ceux de Cicéron, de Lucien et des modernes. Sous le nom de Socrate, de Timée, de l'Athénien, il développe en liberté ses propres opinions, rarement contredites; et ceux qui l'écoutent ne parlent guère que pour l'approuver. S'il y a ici quelques exceptions, on reconnaîtra sans peine aux mouvemens du style les traces du dialogue.

Ce serait un amour-propre inutile de vouloir

disserter encore sur Platon après ce qu'en ont dit Clément d'Alexandrie, Origène, Eusèbe; Plotin, Porphyre, Iamblique, Proclus; Denys d'Halicarnasse et Maxime de Tyr; Cicéron, Sénèque et Apulée; Dacier, Voltaire, Arnaud, quelques écrivains plus récens, et les derniers éditeurs étrangers. On a trop parlé de Platon : j'ai mis plus de huit années de travaux et de soins à le faire parler lui-même. Comme rien n'est si pénible que des compilations où il faut tout redire sans paraître copier, je traduis la Vie de Platon, par Diogène Laërce, dont j'ai conservé les détails et les précieux monumens sans les discuter. Mais je retranche le sommaire incomplet et obscur de la philosophie Platonicienne; c'est dans le philosophe même qu'on doit en chercher les secrets.

Ajoutons seulement qu'il est temps de revenir à ces nobles pensées qui jadis ont élevé si haut le disciple de Socrate, à ces inspirations du génie, à ces révélations du coeur, que les merveilles de l'esprit ont fait oublier. Nous avons tout approfondi, tout divisé, tout expliqué dans notre nature; l'entendement a sans cesse multiplié ses découvertes: mais la raison paraît s'être enfermée ellemême dans cet ingénieux labyrinthe; moins téméraire, elle est moins céleste, et l'homme, à force d'analyser un point, n'a plus pensé à l'immensité. Que sont devenues les belles et grandes conceptions des sages de l'Orient? Aimez-vous

mieux les subtiles conjectures, les abstractions savantes, les obscurités impénétrables, enfin les systèmes? Bossuet, Malebranche et Platon parlent à l'âme laissez vos docteurs qui raisonnent, et livrez-vous aux prophètes sacrés qui font converser la terre avec les cieux. Nos philosophes regardent en pitié ce qu'ils appellent les rêveries de Platon; mais qui nous donnera des songeurs comme lui? où trouverons-nous ce charme, cette illusion, qui nous entraînent dans le monde enchanté dont il s'environne? O sophistes raisonnables, que ne nous enchantez-vous?

J'ignore si mes faibles essais donneront quelque idée de cette âme noble, sensible, religieuse. Mais je répète qu'il me serait impossible de faire dignement le portrait de Platon. Devais-je même parler de lui? ce n'est pas moi qu'il faut entendre.

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Nous avons ajouté à cette seconde édition, revue et corrigée soigneusement, une Histoire abrégée du Platonisme, page 21, un commentaire philologique sur le texte, page 407, et quelques nouvelles notes sur la traduction.

VIE DE PLATON,

PAR

DIOGÈNE LAËRCE.

PLATON naquit à Athènes d'Ariston et de Périctione. La famille de sa mère remontait jusqu'à Solon: Dropide, frère du législateur, eut pour fils Critias, père de Calleschrus; Calleschrus eut deux fils, Critias, un des trente tyrans, et Glaucon; de celui-ci naquirent Charmide et Périctione, mère de Platon, qui descendait de Solon au sixième degré. Or Solon tirait son origine de Nélée, fils de Neptune. On ajoute qu'Ariston rapportait la sienne au même dieu par Codrus, fils de Mélanthe, à qui Thrasyle donne ce dieu pour ancêtre.

Speusippe dans le Souper de Platon, Cléarque dans son Eloge, et Anaxilide au second livre des Philosophes, nous transmettent un bruit qui courait à Athènes. Périctione, disent-ils, dont la beauté enflammait son nouvel époux, lui refusa obstinément le prix de son amour; mais il vit en songe Apollon qui, jusqu'au jour de l'accouchement, lui ordonnait de respecter ses refus. Et cependant Platon naquit, suivant les Chroniques d'Apollodore, dans la quatrevingt-huitième Olympiade, le 7 du mois Thargélion, PENS. DE PLAT.

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