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Et si, après cet exemple, vous craignez encore que je ne vous trompe en vous montrant dans tous les hommes l'intime conviction que la justice et les autres vertus politiques leur appartiennent de droit commun, joignez-y ce dernier témoignage. Quelqu'un se vante-t-il de connaître la musique, ou je ne sais quel art, qu'il ne connaît pas? Aussitôt on se moque, on se récrie, et les amis de ce fou l'avertissent qu'il déraisonne. Mais parle-t-on de justice, ou de quelqu'une de ces qualités nécessaires aux sociétés humaines? Qu'un homme, reconnu pour injuste, vienne en public déposer contre lui-même ; la vérité, quiailleurs était sagesse, passe ici pour folie; on veut que tout homme, juste ou non, fasse semblant de l'être, eton traite d'insensé quiconque ne se donne point cette vertu: tant il est vrai que tout homme doit avoir sa part de justice, ou ne plus vivre parmi les hommes ! PROTAGORAS.

ATHÈNES AU SIÈCLE DE PLATON.

DANS ma jeunesse, je fis comme beaucoup d'autres; je me promis, dès que je serais mon maître d'aspirer aux places de l'Etat. Voici dans quelle situation le hasard me fit trouver Athènes. Le gouvernement, objet de tant de plaintes, venait d'être changé, et cinquante-un citoyens conduisaient cette révolution; onze dans la ville, dix au Pirée, surveillaient les détails de l'administration publique, et les

ἔδει· τριάκοντα δὲ πάντων ἄρχοντες κατέστησαν αὐτοκράτορες. Τούτων δή τινες οἰκεῖοί τε ὄντες καὶ γνώριμοι ἐτύγχανον ἐμοί· καὶ δὴ καὶ παρεκάλουν εὐθὺς ὡς ἐπὶ προσήκοντα πράγματά με. Καὶ ἐγὼ θαυμαστὸν οὐδὲν ἔπα θον ὑπὸ νεότητος· ᾠήθην γὰρ αὐτοὺς ἔκ τινος ἀδίκου βίου ἐπὶ δίκαιον τρόπον ἄγοντας διοικήσειν δὴ τὴν πόλιν· ὥςτε αὐτοῖς σφόδρα προσεῖχον τὸν νοῦν, τί πράξοιεν. Καὶ ὁρῶν δήπου τοὺς ἄνδρας ἐν χρόνῳ ὀλίγῳ χρυσῆν ἀποδείξαντας τὴν ἔμπροσθεν πολιτείαν· τά τε ἄλλα καὶ φίλον ἄνδρα ἐμοὶ πρεσβύτερον Σωκράτη, ὃν ἐγὼ σχεδὸν οὐκ ἂν αἰσχυ νοίμην εἰπὼν δικαιότατον εἶναι τῶν τότε, ἐπί τινα τῶν πολιτῶν μεθ ̓ ἑτέρων ἔπεμπον, βίᾳ ἄξοντα ὡς ἀποθανού μενον, ἵνα δὴ μετέχοι τῶν πραγμάτων αὐτοῖς, εἴτε βούλοιτο, εἴτε μή· ὁ δ ̓ οὐκ ἐπείθετο, πᾶν δὲ παρεκινδύνευσε παθεῖν, πρὶν ἀνοσίων αὐτοῖς ἔργων γενέσθαι κοινωνός· ἃ δὴ πάντα καθορῶν καὶ εἴ τιν ἄλλα τοιαῦτα οὐ σμικρὰ, ἐδυσχέρανά τε, καὶ ἐμαυτὸν ἐπανήγαγον ἀπὸ τῶν τότε κακῶν·

Χρόνῳ δὲ οὐ πολλῷ μετέπεσε τὰ τῶν τριάκοντά τε, καὶ πᾶσα ἡ τότε πολιτεία· πάλιν δὲ, βραδύτερον μὲν, εἷλε δέ με ὅμως ἡ περὶ τὸ πράττειν τὰ κοινὰ καὶ πολιτικὰ ἐπιθυμία.

Ἦν οὖν καὶ ἐν ἐκείνοις, ἅτε τεταραγμένοις, πολλὰ γιγνόμενα, ἅ τις ἂν δυσχεράνειεν· καὶ οὐδέν τι θαυμα στὸν ἦν τιμωρία; ἐχθρῶν γίγνεσθαί τινών τισι μείζους ἐν μεταβολαῖς· καίτοι πολλῇ γε ἐχρήσαντο οἱ τότε κατελθόντες ἐπιεικείᾳ. Κατὰ δέ τινα τύχην αὖ τὸν ἑταῖρον ἡμῶν Σωκράτη τοῦτον δυναστεύοντές τινες εἰσάγουσιν εἰς δικαστήριον, ἀνοσιωτάτην αἰτίαν ἐπιβάλλοντες, καὶ πάντων ἥκιστα Σωκράτει προσήκουσαν· ὡς ἀσεβῆ γὰρ οἱ

trente autres exerçaient le pouvoir absolu. Parmi ces trente, j'avais des parens et des amis bientôt ils m'appelèrent aux fonctions qui leur semblaient me convenir. Jeune encore, je crus et je dus croire qu'ils voulaient, à un régime odieux, faire succéder la justice et les lois. Je les examinais avec curiosité, je suivais leurs actions; mais je vis que déjà l'ancien gouvernement paraissait un âge d'or à côté de leur despotisme; je les vis ordonner au vieux Socrate mon ami, d'aller avec d'autres Athéniens traîner un innocent à la mort, pour rendre leur complice, malgré lui, cet homme que j'ose appeler le plus juste de son siècle, et qui, en n'obéissant pas, aima mieux s'exposer à tout souffrir, que de partager leurs crimes; je vis plusieurs actes non moins atroces; et je frémis alors, et je m'éloignai de ceux qui faisaient le malheur de ma patrie.

Peu de mois après, les trente tyrans étaient renversés, la République venait de changer encore. Je désirai une seconde fois, mais avec moins d'enthou siasme, de prendre un rang dans l'Etat.

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Cependant les haines fomentaient les troubles, les bons citoyens avaient souvent à gémir; après de telles secousses, on devait s'attendre aux plus affreuses vengeances, et l'on fut surpris de la modération du parti victorieux. Mais par une fatalité cruelle, Socrate, notre illustre ami, fut encore persécuté: quelques-uns de ceux qui avaient alors la puissance le forcèrent de comparaître, accusé du crime dont il de

μὲν εἰσήγαγον, οἱ δὲ κατεψηφίσαντο καὶ ἀπέκτειναν, τὸν τότε τῆς ἀνοσίου ἀγωγῆς οὐκ ἐθελήσαντα μετασχεῖν περὶ ἕνα τῶν τότε φευγόντων φίλων, ὅτε φεύγοντες ἐδυστύχουν αὐτοί.

Σκοποῦντι δή μοι ταῦτά τε, καὶ τοὺς ἀνθρώπους τοὺς πράττοντας τὰ πολιτικὰ καὶ τοὺς νόμους γε καὶ ἔθη, ὅσῳ μᾶλλον διεσκόπουν, ἡλικίας τε εἰς τὸ πρόσθεν προὔβαινον, τοσούτῳ χαλεπώτερον εφαίνετο ὀρθῶς εἶναί μοι τὰ πολιτικὰ διοικεῖν. Οὔτε γὰρ ἄνευ φίλων ἀνδρῶν, καὶ ἑταίρων πιστῶν, οἷόν τ' εἶναι πράττειν· οὓς οὔθ ̓ ὑπάρχοντας ἦν εὑρεῖν εὐπετές· οὐ γὰρ ἔτι ἐν τοῖς τῶν πατέρων ἤθεσι καὶ ἐπιτηδεύμασιν ἡ πόλις ἡμῶν διῳκεῖτο· καινούς τε ἄλλους ἀδύνατον ἦν κτᾶσθαι μετά τινος ραστώνης, τά τε τῶν νόμων γράμματα καὶ ἔθη διεφθείρετο καὶ ἐπεδίδου θαν μαστὸν ὅσον.

Ὥστε με τὸ πρῶτον πολλῆς μεστὸν ὄντα ὁρμῆς ἐπὶ τὸ πράττειν τὰ κοινὰ, βλέποντα εἰς ταῦτα, καὶ φερόμενα ὁρῶντα πάντη πάντως, τελευτῶντα ἐλιγγιᾷν· καὶ τοῦ μὲν σκοπεῖν μὲ ἀποστῆναι, μή ποτε ἄμεινον ἂν γίγνοιτο περί τε αὐτὰ ταῦτα, καὶ δὴ καὶ περὶ τὴν πᾶσαν πολιτείαν, τοῦ δὲ πράττειν αὖ περιμένειν ἀεὶ καιρούς· τελευτῶντα δὲ νοῆσαι περὶ πασῶν τῶν νῦν πόλεων, ὅτι κακῶς ξύμπασαι πολιτεύονται. Τὰ γὰρ τῶν νόμων αὐταῖς σχεδὸν ἀνιάτως ἔχοντά ἐστιν ἄνευ παρασκευῆς θαυμαστῆς τινὸς μετὰ τύχης· λέγειν τε ηναγκάσθην, ἐπαινῶν τὴν ὀρθὴν φιλοσοφίαν, ὡς ἐκ ταύτης ἐστὶ τά τε πολιτικὰ δίκαια καὶ τὰ τῶν ἰδιωτῶν πάντα κατιδεῖν· κακῶν οὖν οὐ λήξειν τὰ ἀνθρώπινα γένη, πρὶν ἂν ἢ τὸ τῶν φιλοσοφούντων ὀρθῶς

vait le moins redouter le soupçon; ils traînèrent en justice comme un impie, ils condamnèrent, ils firent mourir celui qui tout-à-l'heure avait refusé de traîner à la mort un de leurs amis condamnés, lorsqu'ils étaient eux-mêmes exilés et malheureux.

A ce spectacle, à la vue de nos chefs, de nos lois et de nos mœurs, mes observations nouvelles et l'expérience des années me confirmèrent dans l'opinion qu'il est presque impossible de bien gouverner les hommes. Il faudrait de fidèles amis, de zélés coopérateurs où les trouver, quand tous les jours nous oublions les habitudes et les instituts de nos pères? comment les former, quand on a brisé le frein des mœurs, celui même des lois, par une incroyable licence ?

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Alors cet esprit, que d'abord l'ambition d'être utile au monde avait emporté, s'arrêtant soudain à l'aspect de tant d'agitations et de maux, finit par s'égarer dans ses projets. Seulement j'observai toujours en silence, de peur qu'il n'arrivât à mon insu, dans les hommes ou dans les choses, quelque heureuse révolution; mais pour faire moi-même un second essai, je résolus d'attendre. Enfin, je vois bien aujourd'hui que tous les Etats sont mal gouvernés; car s'il y reste encore des lois, c'est par je ne sais quel miracle de la fortune. J'ai donc eu le droit de proclamer, en faisant l'éloge de la saine philosophie, que d'elle seule les corps politiques doivent espérer leur salut, et les hommes leur félicité; et que les maux de la

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