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priétés particulières, qui leur donnoient le moyen d'aider par leur ministère celui que Dieu faisoit leur seigneur. O Dieu, j'ai considéré vos ouvrages, et j'en ai été effrayé ! Qu'est devenu cet empire, que vous nous aviez donné sur les animaux? On n'en voit plus parmi nous qu'un petit reste, comme un foible mémorial de notre ancienne puissance, et un débris malheureux de notre fortune passée.

Rendons grâces à Dieu de tous les biens qu'il nous a laissés dans le secours des animaux ; accoutumonsnous à le louer en tout. Louons-le dans le cheval qui nous porte ou qui nous traîne; dans la brebis qui nous habille et qui nous nourrit; dans le chien qui est notre garde et notre chasseur; dans le bœuf qui fait avec nous notre labourage. N'oublions pas les oiseaux puisque Dieu les a amenés à Adam comme les autres animaux ; et qu'encore aujourd'hui apprivoisés par notre industrie, ils viennent flatter nos oreilles par leur aimable musique ; et chantres infatigables et perpétuels, ils semblent vouloir mériter la nourriture que nous leur donnons. Si nous louons les animaux dans leur travail, et pour ainsi dire, dans leurs occupations, ne demeurons pas inutiles; travaillons, gagnons notre pain chacun dans son exercice, puisque Dieu l'a mis à ce prix depuis le péché.

II. ÉLÉVATION.

La création du second sexe.

EN produisant les autres animaux, Dieu a créé

ensemble les deux sexes; et la formation du second est une singularité de la création de l'homme.

Que servoit à l'homme d'être introduit dans ce paradis de délices, dans tout un vaste pays que Dieu avoit mis en son pouvoir, et au milieu de quatre grands fleuves dont les riches eaux traînoient des trésors: au reste sous un ciel si pur, que sans être encore obscurci par ces nuages épais qui couvrent le nôtre, et produisent les orages, il s'élevoit de la terre par une bénigne chaleur, une vapeur douce qui se distilloit en rosée, et qui arrosoit la terre et toutes ses plantes? L'homme étoit seul, et le plus seul de tous les animaux; car il voyoit tous les autres partagés et appareillés en deux sexes; et, dit l'Ecriture, il n'y avoit que l'homme, à qui on ne trouvoit point d'aide semblable à lui (1). Solitaire, sans compagnie, sans conversation, sans douceur, sans espérance de postérité, et ne sachant à qui laisser, ou avec qui partager ce grand héritage, et tant de biens que Dieu lui avoit donnés, il vivoit tranquille, abandonné à sa providence, sans rien demander. Et Dieu aussi de lui-même, ne voulant laisser aucun défaut dans son ouvrage, dit ces paroles: Il n'est pas bon que l'homme soit seul : donnons-lui une aide semblable à lui (2).

Peut-être donc va-t-il former le second sexe, comme il avoit formé le premier; non: il veut donner au monde dans les deux sexes, l'image de l'unité la plus parfaite, et le symbole futur du grand mystère de Jésus-Christ. C'est pourquoi il tire la femme de l'homme même, et la forme d'une côte superflue

(1) Gen. 11. 20. — (2) Ibid, 18.

qu'il lui avoit mise exprès dans le côté. Mais pour montrer que c'étoit là un grand mystère, et qu'il falloit regarder avec des yeux plus épurés que les corporels; la femme est produite dans une extase d'Adam; et c'est par un esprit de prophétie qu'il connut tout le dessein d'un si bel ouvrage. Le Seigneur Dieu envoya un sommeil à Adam: un sommeil, disent tous les saints, qui fut un ravissement et la plus parfaite de toutes les extases; et Dieu prit une côte d'Adam, et il en remplit de chair la place (1). Ne demandez donc point à Dieu, pourquoi voulant tirer de l'homme la compagne qu'il lui donnoit, il prit un os plutôt que de la chair; car s'il avoit pris de la chair, on auroit pu demander de même, pourquoi il auroit pris de la chair plutôt qu'un os. Ne lui demandons non plus ce qu'il ajouta à la côte d'Adam pour en former un corps parfait; la matière ne lui manque pas : et quoi qu'il en soit, cet os se ramollit entre ses mains. C'est de cette dureté qu'il voulut former ces délicats et tendres membres, où dans la nature innocente il ne faut rien imaginer qui ne fût aussi pur qu'il étoit beau. Les femmes n'ont qu'à se souvenir de leur origine; et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu'elles viennent d'un os surnuméraire, où il n'y avoit de beauté que celle que Dieu y voulut mettre.

Mon Dieu! que de vains discours je prévois dans les lecteurs au récit de ce mystère! Mais pendant que je leur raconte un grand et mystérieux ouvrage de Dieu, qu'ils entrent dans un esprit sérieux, et, s'il se peut, dans quelque sentiment de cette admi

(1) Gen. 11. 21.

rable extase d'Adam, pendant laquelle il édifia, il bátit en femme la côte d'Adam (1): grave expression de l'Ecriture, pour nous faire voir dans la femme quelque chose de grand et de magnifique, et comme un admirable édifice où il y avoit de la grâce, de la majesté, des proportions admirables, et autant d'utilité que d'ornement.

La femme ainsi formée est présentée de la main de Dieu au premier homme, qui ayant vu dans son extase ce que Dieu faisoit : C'est ici, dit-il d'abord, l'os de mes os, et la chair de ma chair : elle s'appellera Virago, parce qu'elle est formée de l'homme ; et l'homme quittera son père et sa mère, et il s'unira à sa femme (2). On peut croire par cette parole, que Dieu avoit formé la femme d'un os revêtu de chair; et que l'os seul est nommé comme prévalant dans cette formation.

Quoi qu'il en soit, encore une fois, sans nous arrêter davantage à des questions curieuses, et remarquant seulement en un mot ce qui paroît dans le texte sacré; considérons en esprit cette épouse mystérieuse; c'est-à-dire, la sainte Eglise tirée, et comme arrachée du sacré côté du nouvel Adam pendant son extase, et formée, pour ainsi parler, par cette plaie, dont toute la consistance est dans les os et dans les chairs de Jésus-Christ, qui se l'incorpore par le mystère de l'incarnation, et par celui de l'eucharistie qui en est une extension admirable. Il quitte tout pour s'unir à elle : il quitte en quelque façon son père qu'il avoit dans le ciel, et sa mère la synagogue d'où il étoit issu selon la chair,

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pour s'attacher à son épouse ramassée parmi les gentils. C'est nous qui sommes cette épouse; c'est nous qui vivons des os et des chairs de Jésus-Christ, par les deux grands mystères qu'on vient de voir. C'est nous qui sommes, comme dit saint Pierre (1), cet édifice spirituel et le temple vivant du Seigneur, bâti en esprit dès le temps de la formation d'Eve notre mère, et dès l'origine du monde. Considérons dans le nom d'Eve, qui signifie mère des vivans, et l'Eglise mère des véritables vivans, et la bienheureuse Marie la vraie mère des vivans, qui nous a tous enfantés avec Jésus-Christ qu'elle a conçu par la foi. O homme! voilà ce qui t'est montré dans la création de la femme; pour prévenir, par ce sérieux, toutes les frivoles pensées qui passent dans l'esprit des hommes au souvenir des deux sexes, depuis seulement que le péché en a corrompu l'institution. Revenons à notre origine; respectons l'ouvrage de Dieu et son dessein primitif; éloignons les pensées de la chair et du sang; et ne nous plongeons point dans cette boue, pendant que dans le récit qu'on vient d'entendre, Dieu prend tant de soins de nous en tirer.

III. ÉLÉVATION.

Dieu donne à l'homme un commandement, et l'avertit de son franc arbitre, et tout ensemble de sa sujétion.

Vous mangerez de tous les fruits du paradis ; mais vous ne mangerez point de l'arbre de la science du

(1) I. Pet. 11. 5.

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