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tête regardez sa croix; car c'est là que dans la

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douleur et dans la mort, il a renversé l'empire du diable, et rendu ses tentations inutiles.

II. ÉLÉVATION.

La délivrance future marquée même avant le crime, et dans la formation de l'Eglise en la personne d'Eve.

DIEU n'avoit point ordonné la chute d'Adam, à Dieu ne plaise; mais il l'avoit prévue, et avoit trouvé bon de la permettre, dès qu'il le créa dans l'innocence. Il ne faut donc pas s'étonner qu'il ait figuré dès-lors Jésus-Christ en Adam, et l'Eglise dans Eve; lorsque pendant son sommeil, il tira la femme de cette espèce de plaie qui fut faite dans son côté; de même que l'Eglise fut tirée du côté ouvert de Jésus-Christ, pendant qu'il dormoit dans le repos d'une courte mort, dont il devoit être bientôt réveillé, conformément à cette parole que l'Eglise chante à la résurrection de notre Seigneur : Je me suis endormi, et j'ai été dans le sommeil : et je me suis levé, parce que le Seigneur m'a pris en sa protection (1).

Ainsi la chute d'Adam n'étoit pas sans espérance, puisqu'avec les yeux de la foi, il pouvoit voir dans celle qui avoit donné occasion à sa perte, son espérance renaissante; et dans la plaie du sacré côté de Jésus-Christ, la formation de l'Eglise, et la source

(1) Ps. in. 6.

de

de toutes les grâces. C'est pourquoi saint Paul applique à Jésus-Christ et à l'Eglise, ce qu'Adam dit alors à Eve: Tu es l'os de mes os, et la chair de ma chair (1): et le reste que nous avons observé ailleurs.

III. ÉLÉVATION.

Adam et Eve figures de Jésus-Christ et de Marie ; l'image du salut dans la chute même.

O DIEU! quelle abondance de miséricorde, et que les sujets d'espérance se multiplient devant nous! puisqu'en même temps qu'un homme et une femme perdoient le genre humain, Dieu qui avoit daigné prédestiner un autre homme et une autre femme pour les relever, a désigné cet homme et cette femme jusque dans ceux qui nous donnoient la mort. Jésus-Christ est le nouvel Adam : Marie est la nouvelle Eve. Eve est appelée mère des vivans (2), même après sa chute, comme l'ont remarqué les saints docteurs, et lorsqu'à dire le vrai, elle devoit plutôt être appelée la mère des morts. Mais elle reçoit ce nom dans la figure de la sainte Vierge, qui n'est pas moins la nouvelle Eve, que Jésus-Christ le nouvel Adam. Tout convient à ce grand dessein de la bonté divine. Un ange de ténèbres intervient dans notre chute: Dieu prédestine un ange de lumière, qui devoit intervenir dans notre réparation. L'ange de ténèbres parle à Eve encore vierge;

(1) Ephes. v. 29, 30, 31. Gen. 11. 23, 24. - (2) Gen. 11. 20.

BOSSUET. VIII.

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l'ange de lumières parle à Marie qui le demeura toujours. Eve écouta le tentateur et lui obéit; Marie écouta aussi l'ange du salut, et lui obéit. La perte du genre humain qui se devoit consommer en Adam, commença par Eve: en Marie commence aussi notre délivrance; elle y a la même part qu'Eve a eue à notre malheur, comme Jésus-Christ y a la même part qu'Adam avoit eue à notre perte. Tout ce qui nous a perdu se change en mieux. Je vois paroître un nouvel Adam, une nouvelle Eve, un nouvel ange: il y a aussi un nouvel arbre, qui sera celui de la croix, et un nouveau fruit sur cet arbre, qui détruira tout le mal que le fruit défendu avoit causé. Ainsi l'ordre de notre réparation est tracé dans celui de notre chute : tous les noms malheureux sont changés en bien pour nous; et tout ce qui avoit été employé pour nous perdre, par un retour admirable de la divine miséricorde, se tourne en notre faveur.

IV. ÉLÉVATION.

Autre figure de notre salut dans Abel.

DIEU tourna ses yeux sur Abel, et sur ses présens, et ne regarda pas les présens de Caïn (1). Dieu commence à écouter les hommes, et à recevoir leurs présens; il est appaisé sur le genre humain, et les enfans d'Adam ne lui sont plus odieux. Abel le juste est par sa justice une figure de Jésus(1) Gen. iv. 4, 5.

Christ, qui seul a offert pour nous une oblation que le ciel agrée, et appaise son père sur nous.

Mais Abel fut tué par Caïn, il est vrai; et c'est par cet endroit-là qu'il devint principalement la figure de Jésus-Christ, qui plus juste et plus innocent qu'Abel, puisqu'il étoit la justice même, est livré à la jalousie des Juifs, comme Abel à celle de Caïn. Car pourquoi est-ce que Caïn haïssoit son frère? Pourquoi, dit saint Jean, le fit-il mourir? sinon parce qu'il étoit mauvais, malin et jaloux, et que ses œuvres étoient mauvaises, comme celles de son frère étoient justes (1). De même les Juifs haïrent Jésus, et le firent mourir, comme il dit lui-même, parce qu'ils étoient mauvais, et qu'il étoit bon (2). Ce fut par envie qu'ils le livrèrent à Pilate, ainsi que Pilate le reconnoît lui-même (3). Le diable, cet esprit superbe et jaloux de l'homme, fut l'instigateur des Juifs, comme il l'avoit été de Caïn : et leur ayant inspiré sa malignité, ils firent mourir celui qui avoit daigné se faire leur frère, comme Caïn fit mourir le sien.

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La mort d'Abel est donc pour nous un renouvellement d'espérance, parce qu'il est la figure de Jé◄ sus. Le sang d'Abel versé sur la terre cria vengeance au ciel contre Caïn: et quoique le sang de JésusChrist jette un cri plus favorable (4), comme dit saint Paul, puisqu'il crie miséricorde; toutefois par l'ingratitude et l'impénitence des Juifs, le sang de Jésus fut sur eux et sur leurs enfans (5), comme ils l'avoient demandé. Abel le juste est le premier des

(1) I. Joan. 111. 12. 2) Joan. VIII. 40, 44. xv. 23, 24, 25. (3) Matth. xxvii. 18.— (4) Heb. x11. 24. — (5) Matth. xxv11. 25.

enfans d'Adam, qui subit l'arrêt de mort prononcé contre eux la mort faite pour les pécheurs commença par un innocent à exercer son empire; et Dieu le permit ainsi, afin qu'elle eût un plus foible fondement : le diable perdit les coupables, en attaquant Jésus, en qui il ne trouvoit rien qui lui appartînt. C'est ce que figura Abel; et injustement tué il fit voir, pour ainsi parler, que la mort commençoit mal, et que son empire devoit être anéanti.

Prenons donc garde, que tout le sang innocent ne vienne sur nous, depuis le sang d'Abel le juste, jusqu'au sang de Zacharie, qui fut tué entre le temple et l'autel (1). Nous prenons un esprit meurtrier, quand nous prenons un esprit de haine et de jalousie contre nos frères innocens; et notre part est avec celui qui est homicide dès le commencement (2): non-seulement parce qu'il tua d'un seul coup tout le genre humain; mais encore parce que pour assouvir sa haine contre les hommes, il voulut d'abord verser du sang, et que la première mort fût violente; et montrer, pour ainsi dire, par ce moyen, que nul n'échapperoit à la mort, puisqu'Abel le juste y succomboit. Mais Dieu tourna sa fureur en espérance pour nous, puisqu'il voulut le juste Abel, injustement tué par Caïn, fût la figure de Jésus-Christ qui est le juste par excellence, et dont l'injuste supplice devoit être la délivrance de tous les criminels.

(1) Matth. xx111. 35. — (2) Joan. vii. 44.

que

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