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yeux à la lire nuit et jour : il la goûte: elle est un miel céleste à sa bouche. C'est ce qui rend la pratique amoureuse et persévérante.

Combien plus devons-nous aimer l'Evangile? Mais pour aimer l'Evangile il faut primitivement aimer Jésus-Christ, le serrer entre ses bras, dire avec l'Epouse: Je le tiens, et ne le quitterai pas (1). Une pratique sèche ne peut pas durer; une affection vague se dissipe en l'air; il faut, par une forte affection, en venir à une solide pratique.

Ceux qui disent qu'il en faut venir à la pratique, disent vrai sans doute; mais ceux qui pensent qu'on en peut venir à une pratique forte, courageuse et persévérante sans l'attention de l'esprit, et l'occupation du cœur, ne connoissent pas la nature de l'esprit humain, et ne savent pas embrasser JésusChrist avec Siméon.

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ner, nous confessons avec complaisance ses perfections, et nous nous en réjouissons de tout notre

cœur.

Cette occupation naturelle de l'homme a été interrompue par le péché, et rétablie par Jésus-Christ; en sorte que par nous-mêmes ne pouvant bénir Dieu, ni rien faire qui lui soit agréable, nous le bénissons en Jésus-Christ: en qui aussi il nous a premièrement bénis de toute bénédiction spirituelle, comme dit saint Paul (1).

Pour donc bénir Dieu, il faut le tenir entre nos bras, qui est une posture d'offrande et un acte pour présenter à Dieu son fils bien-aimé.

Par ce moyen nous rendons à Dieu tout ce que nous lui devons, et lui faisons une oblation égale, non-seulement à ses bienfaits, mais encore à ses grandeurs, en lui présentant un autre lui-même. Au reste nous pouvons l'offrir, puisqu'il est à nous, de même sang, de même nature que nous sommes; qui d'ailleurs se donne à nous tous les jours dans la sainte eucharistie, afin que nous ayons tous les jours de quoi donner à Dieu qui nous donne tout.

L'effet dans nos cœurs de cette bénédiction, c'est de nous dégoûter de la vie et de tous les biens sensibles. Celui-là bénit Dieu véritablement, qui attaché à Jésus-Christ qu'il présente à Dieu, et détaché de tout le reste, dit avec Siméon : Laissez-moi aller en paix je ne veux rien, je ne tiens à rien sur la terre; ou bien avec Job: Le Seigneur a donné : le Seigneur a ôté : tout ce que le Seigneur a voulu est arrivé : le nom du Seigneur soit béni (2). A lui la (1) Ephes. 1. 3.—(2) Job. 1. 21.

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gloire et l'empire (1): à nous l'humilité et l'obéissance. En quelque état que nous soyons, mettons Jésus entre Dieu et nous. Veux-je vous rendre grâces? Voilà votre Fils: vous ai-je offensé? Voilà votre Fils, mon grand propitiateur. Voyez les pleurs de ses yeux enfantins, c'est pour moi qu'il les verse. Qui en doute, puisqu'il a bien versé son sang? Recevez donc de mes mains le Sauveur que vous nous avez donné. C'est pour cela qu'il se met encore tous les jours entre nos mains. Mais soyons purs, soyons saints pour offrir à Dieu le Saint des saints. Levons à Dieu des mains pures; et allons en paix.

X. ÉLÉVATION.

Le cantique de Siméon.

LE saint vieillard ne veut plus rien voir, après avoir vu Jésus-Christ (2). Il croyoit profaner ses yeux sanctifiés par la vue de Jésus-Christ: et il ne désire plus que d'aller bientôt au sein d'Abraham, y attendre l'espérance du monde, et annoncer comme prochaine aux enfans de Dieu la consolation d'Israël.

En général, on ne doit souhaiter de vivre, que jusqu'à tant qu'on ait connu Jésus-Christ. Mourir sans l'avoir connu, c'est mourir dans son péché; mais aussi quand on l'a connu et goûté par la rémission de ses péchés, qui pourroit aimer la vie et se repaître encore de ses illusions? La vie de l'homme

(1) Apoc. 1. 6.- (2) Luc. 11. 26.

n'est que tentation et tromperie. Les pompes, les grandeurs, les biens du monde, qu'est-ce autre chose, qu'orgueil, concupiscence des yeux, concupiscence de la chair (1), un vain faste, une vaine enflure, un amusement dangereux, un piége, un attrait trompeur pour les foibles? Fuyons, fuyons cette Babylone, pour n'être point corrompus par ses délices (2) : après avoir vu le vrai en Jésus, fuyons le faux qui est dans le monde.

Hé bien, je laisserai le monde : je m'en irai contempler les œuvres de Dieu dans la retraite je n'y trouverai pas ce faux que j'aperçois dans le monde : quelle consolation, puisque le vrai y est encore imparfait ! Les créatures peuvent être nos introducteurs vers Dieu mais quand nous le pouvons voir lui-même, qu'avons-nous besoin des introducteurs? Fermez-vous dorénavant, mes yeux; vous avez vu Jésus-Christ; il n'y a plus rien à voir pour

vous.

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C'est ainsi que le juste méprise la vie, et ne la supporte qu'avec peine. Mais alors, et quand JésusChrist devoit paroître, on pouvoit désirer la consolation de le voir et de lui rendre témoignage. Maintenant, où pour le voir il faut mourir, la mort n'estelle pas douce? Si le saint vieillard a tant désiré de voir Jésus dans l'infirmité de sa chair; combien devons-nous désirer de le voir dans sa gloire? Heureux Siméon! combien de prophètes, combien de rois ont désiré de voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu (3)? C'est ce que Jésus disoit à ses disciples: et il ajouta : Et d'ouïr ce que vous écoutez, et ne

(1) I. Joan. 11. 19. — (2) Apoc. xv111. 4. — (3) Luc. x. 24.

l'ont pas ouï! Siméon n'écoutoit pas sa parole, qui faisoit dire à ses auditeurs, peut-être encore incrédules; Jamais homme n'a parlé comme celui-ci (1); et néanmoins il est ravi: combien plus le devonsnous être, d'entendre sa sainte parole, et d'en attendre la dernière et parfaite révélation dans la vie future! Siméon ne voit rien encore qu'un enfant où rien ne paroît d'extraordinaire; et Dieu lui ouvre les yeux de l'esprit, pour voir que c'est la lumière que Dieu prépare aux gentils pour les éclairer, et le flambeau pour les recueillir de leur dispersion: en même temps la gloire d'Israël, et celui où se réunissent ceux qui sont loin et ceux qui sont près : en un mot l'attente commune des deux peuples, comme Jacob le vit en mourant, lorsqu'il vit sortir de Juda celui qui étoit l'espérance de tous les peuples de l'univers (2).

Eclairez-nous, ô Sauveur! lumière qui éclairez tout homme venant au monde (3). Eclairez-nous, nous que votre Evangile a tirés de la gentilité : éclairez les Juifs encore endurcis; et qu'ils viennent confesser avec nous Jésus-Christ notre Seigneur. Qui verra cet heureux temps? Quand viendra-t-il? Bienheureux les yeux qui verront, après la conversion des gentils, la gloire du peuple d'Israël !

(1) Joan. vII. 46. — (2) Gen. XLIX. 10.- (3) Joan. 1. 9.

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